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Les Néerlandais ont rejeté massivement la Constitution européenne

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Ce rejet par un deuxième pays fondateur de l’Union européenne après la
France ne doit pas empêcher "le processus de ratification de continuer", a
déclaré le président en exercice de l’UE, le premier ministre luxembourgeois
Jean-Claude Juncker, tout en se disant "inquiet" quant à l’issue du
référendum prévu le 10 juillet dans son pays.

Le premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende, s’est dit "très déçu"
mais a promis de respecter la volonté de ses concitoyens d’autant que le
taux de participation s’est élevé à 62,8 %, selon les résultats collationnés
par l’agence de presse ANP avec les chiffres des bureaux de vote. Les
résultats officiels ne doivent être publiés que lundi.

Le taux de participation est donc de près de 24 points supérieur à celui des
élections européennes de juin 2004, attestant de la mobilisation des quelque
11,6 millions de Néerlandais. 

Les principaux partis avaient dit qu’ils tiendraient compte de ce référendum
consultatif si la participation dépassait 30 %. Un débat aura lieu jeudi au
Parlement à La Haye en présence du premier ministre Balkenende.

"C’est un signal clair"

"Le peuple néerlandais a donné hier le coup de grâce à la Constitution
européenne", estimait le quotidien Algemeen Dagblad (centre droit) dans son
édition à paraître jeudi. Le chrétien-centriste Trouw évoquait "une gifle
pour le gouvernement et pour la grande majorité des députés", et le
populaire De Telegraaf, premier tirage du pays, parlait d’une "punition
sévère imposée à l’ordre établi".

"C’est un signal clair et que nous ne pouvons pas nier", a admis M.
Balkenende.

Aux Pays-Bas, dans le camp du non, l’heure était à l’euphorie. A Amsterdam,
de 200 à 300 militants du Parti socialiste (SP), une petite formation très à
gauche, ont sauté de joie, s’étreignant et criant leur satisfaction à
l’annonce des résultats. "Nous nous réjouissons que les Néerlandais n’aient
pas plié devant l’épouvantail brandi par le gouvernement", a dit, pour sa
part, Mat Herben, député de la Liste Pim Fortuyn (LPF, populiste,
opposition), l’un des plus fervents militants du non.

Le camp hétéroclite du non rassemble les protestants les plus rigoristes, la
LPF, le Parti socialiste, et le député d’extrême droite Geert Wilders, soit
seulement 22 des 150 sièges du Parlement. 

Du côté des partisans du oui, l’heure était à l’autocritique et aux moyens
de combler le "gouffre" entre la population et la classe politique,
majoritairement favorable à la Constitution.

"Le non est un signal aux politiques pour dire : ‘arrêtez-vous et
écoutez-nous’", a déclaré Maurice de Hond, directeur d’un des principaux
instituts de sondage des Pays-Bas.
 

Craintes multiples

Selon les sondages, les Néerlandais redoutent une dissolution de leur petit
pays dans l’Europe élargie, et une intervention de Bruxelles sur des
dossiers comme la politique libérale en matière de drogues douces, le
mariage ouvert aux homosexuels ou l’euthanasie autorisée sous condition. 

Ils voient une preuve de la malhonnêteté des politiques dans l’aveu de
l’ancien directeur de la Banque centrale néerlandaise selon lequel le florin
avait été sous-évalué par rapport au deutschemark lors du passage à l’euro.

Parmi les autres raisons du non figurent la crainte de l’étranger et une
possible adhésion de la Turquie.

"J’ai voté non car je n’ai pas confiance dans le gouvernement", déclarait un
retraité de 65 ans dans un bureau de vote du centre d’Amsterdam. Il se
disait aussi mécontent de l’élargissement de l’UE à 25 pays, refusant
notamment "les Polonais, à 98 % très catholiques et superstitieux".

Le non ne fera toutefois pas tomber le gouvernement de La Haye, à la
différence de ce qui s’est passé à Paris mardi. En effet, quelque 80 % des
élus soutenaient le oui, et c’est le Parlement, contre l’avis du
gouvernement, qui était à l’origine du référendum.

Quelque 58 % des Néerlandais estiment que ce non massif ne doit pas
entraîner de conséquences pour le gouvernement, selon un sondage réalisé
mercredi soir.

Ce référendum était le premier à l’échelle nationale en quelque deux cents
ans d’histoire moderne du royaume.
 

Le processus de ratification menacé

Plusieurs leaders européens semblaient circonspects quant à la suite de la
construction européenne. Pour le ministre des affaires étrangères
britannique, Jack Straw, ce vote pose "de sérieuses questions" sur la
direction que doit prendre l’UE. Le chef de la diplomatie britannique s’est
bien gardé de demander la poursuite du processus de ratification du traité
constitutionnel. Et il n’a rien dit sur le maintien ou non du référendum sur
ce sujet prévu en Grande-Bretagne au printemps 2006.

Le président français, Jacques Chirac, dont les compatriotes ont voté non à
54,67 %, a parlé de "fortes préoccupations" exprimée par les électeurs sur
le projet européen. Mais le chancelier allemand, Gerhard Schröder, a, en
revanche, estimé que "le processus de ratification doit continuer".

"Il faut constater que l’Europe ne fait plus rêver. On n’aime pas l’Europe
telle qu’elle est", a déploré le président en exercice de l’UE, le premier
ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, lors d’une conférence de
presse commune avec le président de la Commission européenne, José Manuel
Durao Barroso, et celui du Parlement européen, Josep Borrell. "Je reste
néanmoins d’avis que le processus doit pouvoir continuer dans les autres
pays. Nous voudrions que les autres pays aient la possibilité de se livrer
avec la même intensité au même débat" que les Néerlandais et les Français, a
ajouté M. Juncker.

Ce n’est pas l’avis du vice-premier ministre, Giulio Tremonti. La
Constitution européenne, "telle qu’elle a été

présentée et gérée est finie", a estimé, tôt jeudi matin, M. Tremonti.
"Après un vote populaire comme ce qui s’est passé en France et aux Pays-Bas,
je pense que le processus sur ce texte est terminé. Je ne vois pas
d’alternative, techniquement ou politiquement. On peut continuer à voter
(pour ratifier le texte), mais à la base, il manque le vote d’un grand pays
fondateur comme la France" , a-t-il ajouté.

D’après Le Monde

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