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«L’heure de la force est arrivée»

© D.R

Ce qui était jadis le Croissant fertile de l’humanité est entré en ébullition avec l’enlèvement, le 25 juin dernier, lors de l’attaque du poste frontière de Keren Shalom, près de Gaza, du caporal Gilad Shalit par des membres du Hamas. Ce rapt et la multiplication des tirs de roquettes Kassam sur le Neguev, notamment sur Sdérot, Nétivot et Ashkelon, ont amené Israël à déclarer la guerre non aux Palestiniens mais au Hamas. D’aucuns, en revanche, ont affirmé que c’est le Hamas qui a déclaré la guerre à Israël. Des considérations dépassées car aussi bien les Israéliens que leurs adversaires se disent en guerre. Et pas simplement les forces armées des deux camps mais aussi les civils, ceux de Gaza tout comme ceux de Sdérot, de Nétivot, de Kiryat Gat et de Ashkelon.
Toutefois, pour l’opinion publique israélienne, le gouvernement et les médias, cette guerre a été déclenchée par le dirigeant de la branche éxtérieure du Hamas, Khaled Méchaâl, installé à Damas, sur injonction de ses protecteurs syriens et iraniens. Et cette guerre ne vise pas uniquement Israël, mais aussi le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, et le Premier ministre palestinien, Ismaël Haniyeh, ainsi que le peuple palestinien vivant à Gaza et en Cisjordanie.
Depuis le 13 juillet, un autre front s’est ouvert au nord d’Israël. Le Hezbollah libanais, dirigé par cheïkh Hassan Nasrallah, étroitement dépendant du régime chiite iranien, a enlevé deux soldats israéliens près de Zarit, en territoire israélien. Ce type d’incidents entre Israël et le Hezbollah n’est pas nouveau. Mais, cette fois, il est intervenu au pire moment. Les événements de Gaza et de Zarit ont fourni à Tsahal, l’armée israélienne, l’occasion d’intensifier au maximum ses opérations en usant de tous les moyens. Hassan Nasrallah est activement recherché et constitue la cible prioritaire des Israéliens. Toutes les installations civiles et militaires du Hezbollah au Liban, à Beyrouth et dans ses environs, à Baâlbek et dans la plaine de la Bekaâ, sont sous le feu de l’artillerie, de l’aviation et de la Marine israélienne.
La détermination des Israéliens a été portée à son comble par les tirs de Katiouchot et de fusées de type Fajar 1 et 2, livrées au Hezbollah par l’Iran, sur différentes localités du Nord : Naharya, Safed, Tibériade, Méron et surtout Haïfa, la troisième grande ville d’Israël. Ces tirs, selon la presse, ont conduit le Premier ministre Ehoud Olmert, son ministre «civil» de la Défense Amir Peretz et le chef d’état-major de Tsahal, le général Dan Haloutz, à décider une réponse défensive de grande envergure qui ne cessera qu’après la libération des soldats enlevés, l’arrêt des tirs de Katiouchot et le désarmement du Hezbollah,conformément à une résolution prise autrefois en ce sens par le Conseil de sécurité de l’ONU.
En réalité, le Hamas de l’extérieur de Khaled Méchaâl, en ordonnant l’enlèvement du caporal Gilad Shalit, a fourni aux Israéliens le prétexte pour détruire les infrastructures de base du Hamas de l’intérieur et d’en finir avec le gouvernement d’Ismaël Haniyeh, dont plusieurs ministres ont été arrêtés, les autres passant dans la clandestinité. Israël, par la situation ainsi créée, permet à Mahmoud Abbas (Abou Mazen), dont il souhaite renforcer l’autorité, de constituer un cabinet composé de ses proches. Abou Mazen en est conscient et ce n’est pas par hasard s’il a nommé comme conseiller diplomatique son ancien rival au sein de l’OLP Farouk Kaddoumi, marquant bien ainsi que les Affaires étrangères relèvent directement de la présidence de l’Autorité palestinienne et non du ministre en titre, membre du Hamas et introuvable depuis plusieurs jours.
Pour Ehoud Olmert, cette stratégie des « bons services » envers Abou Mazen vise à permettre la réouverture de discussions entre lui et le Président de l’Autorité palestinienne qui s’étaient rencontrés en Jordanie, fin juin, à l’occasion du Sommet des prix Nobel organisé à Pétra.
Ehoud Olmert entend bien mener à son terme son désengagement total de la Cisjordanie, un objectif qu’il considère comme vital pour l’avenir et la sécurité de son pays. De même qu’il considère comme indispensable la création d’un État palestinien souverain, acceptant de vivre en paix aux côtés d’Israël comme il l’a laissé entendre plusieurs fois, idée acceptée par Mahmoud Abbas mais rejetée par le Hamas qui refuse de reconnaître explicitement l’État d’Israël.
Du côté du Hezbollah, la situation est plus complexe. Lié à la Syrie et à l’Iran, le mouvement chiite a refusé de désarmer ses milices et conserve son indépendance vis-à-vis du gouvernement libanais de Fouad Siniora, élu de manière démocratique après le départ des troupes syriennes du pays des Cèdres. Toutefois, ce gouvernement est incapable de mettre hors d’état de nuire les milices du Hezbollah, armé par la Syrie et l’Iran, et obéissant, sur le plan politique, aux ordres de Damas et de Téhéran.
La guerre actuelle peut être attribuée à Israël et au Hezbollah, non au Liban et à sa population. Tout comme le Hamas, le Hezbollah refuse de reconnaître Israël.
Dans ces conditions, ce dernier veut éliminer définitivement les infrastructures militaires du Hezbollah, liquider ses milices et ses dirigeants, en particulier Cheikh Hassan Nasrallah. Evidemment, la population libanaise est la victime collatérale des opérations de Tsahal, mais elle et son gouvernement ainsi que le Parlement libanais, où siègent quelques députés du Hezbollah, sont satisfaits à l’idée que le mouvement chiite pourrait cesser d’être un Etat dans l’Etat. Selon la presse israélienne, l’intention  du gouvernement d’Ehoud Olmert est de mettre hors d’état de nuire, par des bombardements ciblés de l’aviation, tous les lance-roquettes du Hezbollah et les envois d’approvisionnement militaire en provenance d’Iran. C’est la raison du bombardement par les Israéliens des pistes de l’aéroport de Beyrouth, bien que la tour de contrôle, les radars aient été épargnés et qu’Israël ait permis, grâce à une discrète médiation américaine, l’évacuation de six appareils civils libanais vers Nicosie.
Certains analystes israéliens vont jusqu’à affirmer : «De nombreux responsables politiques libanais sont conscients du danger que font courir à leur pays les agissements du Hezbollah, téléguidé par des puissances étrangères. Mais ils n’ont pas les moyens de s’opposer à lui». Selon un observateur libanais, «il ne reste plus que l’espoir que l’opération d’élimination du Hezbollah réussisse. Mais Israël veut faire porter la responsabilité de la situation au gouvernement libanais qui ne veut pas l’assumer». Cet observateur libanais lucide s’adresse aux Israéliens en ces termes : «Pourquoi ne bombardez-vous pas Damas plutôt que Beyrouth?».
Pour les Libanais comme le soulignent les analystes israéliens, «Hassan Nasrallah a pris pour cible la Galilée et a fixé l’ordre du jour». en bombardant la grande ville portuaire de Haïfa, où vit une importante communauté arabe, musulmane et chrétienne, Hassan Nasrallah a franchi un seuil, qualifié par la presse israélienne de «déclenchement de la guerre». Une guerre qui sera longue et dans laquelle, selon ces journaux, le chef du Hezbollah sera la cible prioritaire des Israéliens.
Quelle que soit l’issue de la crise, Israël n’entend pas en revenir au statu quo ante, c’est-à-dire tolérer la présence au Nord et au Sud du pays du Hezbollah et du Hamas. Ayant pour objectif d’obtenir la libération des soldats enlevés, Tsahal s’est fixé aussi pour but «d’éviter à l’avenir de nouveaux enlèvements et la poursuite des tirs sur les villes israéliennes». La classe politique israélienne, aussi bien Ehoud Olmert qu’Amir Peretz, en plus du chef d’état-major Dan Haloutz, veulent, dit-on, démontrer que le gouvernement de coalition est composé « d’amis de la paix» et non «de fauteurs de guerre comme le sont les dirigeants de la droite israélienne». Ils espèrent à la fois «négocier la paix» et «éliminer» Cheikh Hassan Nasrallah. Attentif plus que jamais aux conseils de George W. Bush, Ehoud Olmert a déclaré : «Nous sommes prêts à un cessez-le-feu si les soldats sont libérés, si les tirs cessent et si l’ONU impose, comme cela était prévu, le désarmement du Hezbollah». Des perspectives encore lointaines. Quoi qu’il en soit, les analystes palestiniens, arabes ou israéliens considèrent que la situation du Fatah est encore plus difficile que celle du Hamas. Elle est «presque critique». Deux analystes du quotidien Haaretz rapportent : «Un des dirigeants du Fatah nous a dit que ces événements ont ôté toute actualité non seulement au «plan de redéploiement» mais aussi mis hors jeu le Fatah et Abou Mazen». Le responsable serait allé jusqu’à affirmer: «Au Fatah, nous sommes, actuellement, au point zéro. Notre programme a perdu toute valeur alors que le Hamas de l’intérieur a fait preuve d’initiative avant d’être, à son tour, débordé par celle du Hezbollah». Pour le spécialiste Alouf Ben, Ehoud Olmert, dans sa décision d’avoir recours à la force, «est guidé par un souci qu’il évite de mentionner. Il veut créer un précédent pour la Cisjordanie et montrer qu’Israël n’acceptera pas de menace venant d’au-delà de la barrière» après la fin du désengagement. En réalité, l’alliance, ponctuelle, entre le Hezbollah et le Hamas, serait une alliance d’opprimés, à savoir les populations occupées par les Israéliens et celles, aujourd’hui, opprimées par les anciennes élites palestiniennes et libanaises. Reste que rien n’est joué car, comme le souligne Dan Margalit, «enfin, l’heure de la force est certes arrivée mais celle de l’espoir n’a pas disparu».

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