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L’inexplicable retour de Cheb Mami en France

L’anecdote qui fait ravage dans les milieux algériens de France est la suivante: «la météo politique devait être tellement infernale en Algérie que Cheb Mami semble lui avoir préféré la prison française». Cette anecdote révèle l’immense interrogation qui entoure le retour de Cheb Mami en France alors qu’il se savait sous le coup d’un mandat d’arrêt pour avoir organisé, en Algérie, en août 2005, une tentative d’avortement forcé sur son ex-petite amie, la photographe de presse qui répond au prénom emprunté de Camille.
Dès sa descente d’avion, Cheb Mami fut arrêté, déféré en comparution immédiate devant un tribunal et jugé à cinq ans de prison ferme. La France, qui venait de vivre un frisson mondialisé avec la subite mort de Michael Jackson, s’est vu plongée dans un retentissant procès qui remet au goût du jour la qualité mouvante et souvent électrique des relations franco-algériennes. Le prince du raï des années 80, celui qui, à force d’un talent inégalé et d’une voix à la fois chaude et cristalline, avait fait tourner les têtes et enfiévrer les corps dans les grandes salles de spectacle parisiennes, était soudain le héros d’une pièce où le lugubre le disputait au macabre.
Ce qui donne à cette affaire un croustillant pimenté, c’est la personnalité de Cheb Mami et sa proximité avec le président Abdelaziz Bouteflika et le pouvoir algérien. Pour mémoire , lors de son hospitalisation en France, Cheb Mami avait été le seul autorisé à se rendre au chevet du président Bouteflika. Et Lorsque, deux ans plutôt, Cheb Mami avait faussé compagnie à la justice après que sa caution ait été payée, le chanteur vedette du raï des années 80 ans avait trouvé refuge auprès de son pays d’origine, l’Algérie. D’Alger où il coulait ses jours de fugitif pas forcement heureux, Cheb Mami lançait des déclarations de défi, criait au complot et entrait souvent dans des délires. Comme dans la célèbre interview qu’il avait accordée au Quotidien d’Oran : «Les journaux et les médias français font de mon affaire de droit commun, une affaire d’Etat. Il y a une volonté manifeste de nuire à mon image en salissant ma personne. Non pas parce que je suis une star, mais parce que je suis une star arabe. (…) Mon erreur, peut-être la plus grosse erreur de ma vie, est d’avoir suivi le mauvais conseil de mon manager juif, Michel Lévy». Pendant de longs mois, l’Algérie officielle comme celle populaire, amatrice des performances de Cheb Mami, donnait l’impression de soutenir de manière presque militante la cause de son héros qu’elle croyait victime d’arbitraire et de dénigrement. Deux années après cette échappée héroïque, Cheb Mami s’est constitué prisonnier d’un système judiciaire qu’il avait berné auparavant. Sans décoder l’immense mystère qui entoure son retour en France, son avocat, Claire Doubliez, donne quelques indications : «Pour parler très clairement, quand il s’est constitué prisonnier, il savait qu’il ne venait pas pour un mois et demi de prison (…) C’est une peine très lourde mais le tribunal a tenu compte du contexte de l’affaire».
Cheb Mami avait déjà fait le grand saut dans le vide devant un tribunal qui avait retenu qu’il était «l’instigateur et l’organisateur» de la séquestration de son ex-petite amie et ce, en demandant pardon à sa victime: «Je regrette tout ce qui s’est passé. Je lui demande pardon. Je regrette».
Sitôt l’affaire Cheb Mami tranchée devant les tribunaux, les interrogations des sceptiques pathologiques et des douteux maladifs fusent : «Quelle est la part du deal à haut niveau dans la démarche de Cheb Mami pour sortir le chanteur du goulot compresseur dans lequel il s’était enfermé?» Un personnage aussi proche d’Abdelaziz Bouteflika ne peut pas se livrer avec cette spontanéité à la justice française sans qu’un accord ne soit trouvé pour éviter qu’il ne croupisse dans les prisons françaises. Ceux qui posent cette question assument à l’avance que la justice en France puisse de temps à autre s’accommoder des impératifs désagréables de la raison d’Etat et de la diplomatie sous influence.
D’autres pourront aisément avancer qu’après deux années de fuite et d’impasse, la star du raï n’avait trouvé d’autres solutions pour relancer sa carrière et sauver son héritage que par son passage obligatoire par la case justice. La grande négociation est sur l’ampleur du prix à payer pour lever cet écrou.n

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