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Permis de tuer à Falloujah

© D.R

La grande offensive sur Falloujah a été déclenchée, il y a près d’une dizaine de jours. La ville rebelle croule à présent sous les décombres et les nuages de fumée, alors que les avions américains bombardaient les dernières positions de rebelles. Très tôt, le matin du lundi, un avion a mené un raid faisant sauter des abris souterrains et des tunnels dans le sud de Falloujah.
Mosquées, maisons et autres bâtiments sont systématiquement ratissés à la recherche d’éventuels arsenaux. Il semble que les militaires irakiens soient peu décidés à en découdre avec la rébellion. Leurs pertes sont très lourdes. Leur efficacité reste limitée.
Le poids des opérations lourdes repose donc sur les Américains. Ces derniers ont perdu, lors de cette offensive, près d’une quarantaine de soldats et plus de 270 blessés, contre plus de 1200 tués et 1052 prisonniers, dont une quinzaine d’étrangers, parmi les rebelles, selon des sources américaines. Lancée le 8 novembre, c’est l’opération la plus importante menée depuis l’invasion de l’Irak au printemps 2003. Visiblement, la mission s’est révélée plus difficile que prévu.
«Bien peu de rebelles ont abandonné. Ils continuent de se battre jusqu’à la mort, et ils rendent la vie difficile aux marines et aux soldats», a déclaré le colonel Michael Regner, chef d’opération de la force expéditionnaire des Marines lors d’une interview téléphonique avec la presse aux Etats-Unis. En parallèle, Abou Mousâab Zarquaoui, l’ennemi numéro un des Américains en Irak a encore fait parler de lui à travers un enregistrement sonore mis en ligne sur un site Internet. L’insurgé jordanien a exhorté ses partisans à résister à toute extension de l’offensive américaine. Par ailleurs et selon un journaliste de l’AFP, les islamistes, maîtres de Falloujah depuis huit mois, avaient mis en place un régime implacable, dont témoignent les prisons et chambres de tortures, recelant des corps mutilés, découvertes lors de l’assaut. Mais au-delà des opérations militaires, c’est la tournure hyper violente marquant le comportement des militaires américains qui défraie la chronique. Les images d’un Marine américain tirant à bout portant sur un homme blessé et non armé dans une mosquée de la ville, ont été montrées lundi sur plusieurs chaînes de télévision américaines. Le soldat responsable de la mort de cet homme a été emprisonné et devrait faire face à des poursuites, selon CBS, qui n’a pas donné son identité ni celle de l’unité à laquelle il appartient. La séquence a été filmée par un cameraman de télévision accompagnant l’unité américaine envoyée dans la mosquée.
Par ailleurs et dans le même ordre d’idées, l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International a accusé les forces américaines et les insurgés de ne pas respecter « les règles de la guerre destinées à protéger civils et combattants», tout en reconnaissant ne pas avoir toutes les informations nécessaires pour savoir ce qui se passe à Falloujah.
De son côté, le pape Jean Paul II a appelé le gouvernement intérimaire irakien à « utiliser la force militaire seulement en dernier recours ». Les organisations humanitaires manifestaient lundi leur inquiétude pour les civils qu’elles estiment toujours pris au piège dans Falloujah. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’a pu entrer dans la zone du conflit en plus d’une semaine de combats. Un convoi d’ambulances et de camions transportant des secours est arrivé lundi à l’hôpital général en périphérie de Falloujah, mais n’a pu entrer dans la zone des combats. Ses responsables ont jugé que la situation était trop dangereuse pour les volontaires.
«Nous sommes très inquiets », a déclaré Ahmed Raoui, porte-parole à Bagdad du CICR. Quant à l’hôpital lui-même, il est très bien approvisionné, simplement parce qu’aucun blessé ou malade n’a pu s’y rendre depuis la ville, explique le porte-parole. Les gens du CICR sont certains qu’il y a des civils à Falloujah. Ils en ont reçu l’information par des familles toujours en ville qu’ils ont contactées par téléphone. Ils savent surtout qu’il y a des femmes et des enfants et leurs informations font état d’hommes âgés de 15 à 45 ans empêchés de quitter la ville. Mais sans dire par qui ils l’ont été. En revanche, un communiqué du gouvernement irakien rapporte que la plupart des civils avaient fui la ville avant le lancement de l’assaut américain, et des vivres et de l’eau ont été distribués à la population lundi. Entre temps, l’insurrection se poursuit dans plusieurs villes d’Irak. Après Mossoul le week-end dernier, c’est à Baqouba qu’elle est passée à l’action, ainsi que dans la localité de Bouhriz, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Bagdad. Ainsi, une fois l’élection gagnée, Georges Bush peut courir les risques d’un paroxysme de violence qui aurait été plus difficile à gérer durant la campagne électorale. Va-t-il se servir de son succès militaire pour aborder une négociation politique débouchant le plus rapidement possible sur des élections suivant le modèle afghan ? Il peut aussi poursuivre l’escalade militaire, mais il lui faudra très vite augmenter le nombre des soldats américains présents en Irak, donc des pertes humaines et des coûts opérationnels. A terme, cela deviendra difficile à gérer comme l’a expliqué Rémy Leveau, chercheur à l’Institut français des relations internationales.

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