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Pierre Lellouche, l’autre ministre d’ouverture

Il y a une forme d’ouverture que Nicolas Sarkozy pratique mais qui passe complètement sous silence et n’attire pas les feux de la rampe. Celle qui consiste à choisir des personnalités de sa propre famille mais qui adoptent des positions radicalement opposées aux siennes sur des sujets vitaux. L’homme emblème de cette stratégie dans le gouvernement Fillon 4 est Pierre Lellouche que Nicolas Sarkozy vient de nommer au secrétariat d’Etat aux Affaires européennes, à la place d’une autre prise de guerre à la droite, Bruno Lemaire, un proche de Dominique de Villepin.
Pierre Lellouche venait de sortir d’une parenthèse en demi-teinte. Après avoir perdu la municipalité du 8ème arrondissement de Paris au profit du François Lebel, la maire UMP qui avait célébré à l’Elysée le mariage de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni, Pierre Lellouche traînait son amertume en déshérence. Jusqu’à ce qu’il soit nommé, à la surprise générale, émissaire spécial de Nicolas Sarkozy au Pakistan et en Afghanistan. Une sorte de Richard Holbrooke à la française. A travers la nomination de cet atlantiste convaincu et actif, Nicolas Sarkozy voulait signifier toute l’importance stratégique et militaire qu’il accordait à cette région dans laquelle il a eu à plusieurs reprises l’occasion de dire avec emphase que la paix et la sécurité du monde entier s’y jouaient. Cette nomination se faisait aussi sur fond de recentrage de la politique étrangère de la France de Nicolas Sarkozy qui, profitant du soixantième anniversaire de l’Otan, a rejoint son commandement militaire.
Mais la véritable nouveauté dans le choix de Pierre Lellouche au secrétariat d’Etat des Affaires européennes est sa divergence radicale avec Nicolas Sarkozy sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.
Tandis que Pierre Lellouche, sans aucun doute, influencé par son tropisme atlantiste et américain, s’affirme comme un ardent militant de l’adhésion d’Ankara à l’Union européenne, Nicolas Sarkozy se trouve sur la ligne opposée à cette démarche au point d’avoir des frictions publiques avec Barack Obama sur le sujet. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy avait souvent eu recours à l’argument turc pour mobiliser son électorat, qu’il s’agisse des présidentielles ou des européennes où il avait fait d’excellents scores.
Pierre Lellouche qui rêvait de devenir ministre depuis le temps où il était conseiller diplomatique de Jacques Chirac va devoir gérer cette contradiction. Si, en bon soldat de Nicolas Sarkozy, il affirme vouloir suivre la ligne gouvernementale sur la question, il n’est pas certain que les démons turcs le laissent tranquille pour exercer sereinement sa fonction ministérielle. La question qui fuse dans les discussions sur le sujet est la suivante : Et si Nicolas Sarkozy avait fait exprès de choisir Pierre Lellouche pour ce poste particulier pour signifier qu’il s’apprêterait à opérer un grand virage sur la question turque ?. Et tandis que les autorités d’Ankara ont réagi favorablement à cette nomination, l’opposition en France en la personne du député souverainiste Nicolas Dupont-Aignant s’est précipitée de pointer la contradiction : «Soit M. Lellouche revient rapidement et solennellement sur ses déclarations passées, soit les Français auront compris qu’ils ont été une fois de plus trahis». L’autre défi qui attend Pierre Lellouche est celui de cohabiter en bonne intelligence avec le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner qui vient de bouter hors du Quai D’Orsay l’impertinente Rama Yade. Entre les deux hommes, le malentendu est programmé. Pierre Lellouche qui fait déjà partie de cette sensibilité UMP qui ne comprenait pas l’entêtement de Nicolas Sarkozy à vouloir absolument faire usage des ressources humaines de la gauche au risque de marginaliser les compétences de sa propre famille. Et lorsque Bernard Kouchner avait fait savoir sa préférence pour le socialiste Bertrand Delanoë dans sa reconquête de la mairie de Paris, il s’était fait ramasser pour une volée de bois vert de Pierre Lellouche sur le ton acariâtre: Kouchner devrait davantage s’occuper de politique étrangère que de politique municipale. Le Quai d’Orsay promet de belles scènes de ménage : deux coqs ne peuvent pas cohabiter dans la même basse-cour.

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