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Sarkozy contredit ses ministres dans l’affaire «Libération»

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En fin politicien extrêmement réactif aux humeurs de l’opinion, Nicolas Sarkozy ne pouvait laisser l’indignation générale qu’avait suscitée l’arrestation brutale de l’ancien directeur de publication du journal «Libération»,Vittorio de Filippis pour une banale affaire de diffamation, se coaguler davantage. Il a réagi. Et sa réaction fut de celles destinées à stopper net les effets collatéraux d’une telle «bavure» et à cautériser une blessure de plus en plus béante.
L’Elysée avait publié un communiqué qui dit clairement que : «le président de la République comprend l’émoi suscité par les conditions d’exécution d’un mandat de justice à l’occasion d’une affaire de diffamation». Dans ce communiqué, Nicolas Sarkozy rappelle avoir confié à Laurent Leger, avocat à la Cour de justice, la mission de travailler à la définition «d’une procédure plus respectueuse des droits et de la dignité des personnes avec un souhait particulier que soit réexaminée la confusion des pouvoirs d’enquêtes et juridictionnels».
Cette intervention du président de la République vient désavouer implicitement les positions de deux grands ministres du gouvernement de François Fillon. D’abord la ministre de la Justice, Rachida Dati, qui avait donné l’impression de jeter l’huile sur le feu en affirmant que la procédure d’interpellation de Vittorio de Filippis «était régulière» avec cet argument qui ne supporte aucune discussion : «un citoyen qui ne diffère pas aux convocations, on lui envoie un mandat d’amener». Ensuite la ministre de l’Intérieur, Michelle Alliot-Marie, pour qui la police avait fidèlement suivi la procédure pour exécuter ce mandat d’amener. Les deux ministres avaient donné l’impression de défendre chacune ses troupes et de se replier sur le lettre de la procédure dénuée de toute conséquence politique.
La réaction des deux ministres avait fait enfler davantage le mouvement d’indignation qui accompagne cette affaire. Tout en exigeant de Nicolas Sarkozy qu’il désavoue de manière explicite ses deux ministres, François Bayrou, patron du MoDem rappelle l’existence «d’un principe fondamental» en justice : «le principe de proportionnalité (…) Il n’y a aucune proportionnalité entre le fait que quelqu’un soit accusé parce que, sur son site, un internaute dit quelque chose qui porte atteinte, semble-t-il à quelqu’un et puis le fait qu’on vienne l’arrêter au petit matin dans ce déploiement de violence, de brutalité, en tout cas d’irrespect».
L’approche de Nicolas Sarkozy a reçu un soutien qui en dit long sur les appréhensions suscitées à droite par cette affaire, celui de Jean-François Copé, chef de file des parlementaire UMP : «Je pense depuis très longtemps que les conditions d’interpellation, voire de garde à vue, doivent être réexaminées » et de lancer le débat «L’idée de dépénaliser la diffamation me paraît maintenant être vraiment à l’ordre du jour, j’y suis favorable».
Dans l’ensemble, la position de Nicolas Sarkozy fut bien accueillie par les protagonistes de l’affaire. L’actuel directeur de «Libération», Laurent Joffrin, qui n’est pas connu pour un «sarkophile» patenté, reconnaît au locataire de l’Elysée la qualité de ce virage : «Je constate avec une certaine satisfaction que le président de la République a contredit en deux phrases sa ministre de la Justice et sa ministre de l’Intérieur, et que le problème que nous avons soulevé est un vrai problème, tel qu’il l’a lui-même confirmé. Un problème qui ne se pose pas seulement pour les journalistes mais pour l’ensemble des citoyens».
Pour relativiser cet optimisme, les plus cyniques pourront toujours dire que dans cette partition jouée par un éléphant dans un magasin de porcelaine, le spectateur assiste à une distribution de rôles écrite à l’avance. Aux ministres la sale besogne d’aller au charbon se coltiner les réalités les moins réjouissantes, au président de la République d’arriver épée et cape ouvertes, en redresseur de torts, arbitre paternel, protecteur des libertés et défenseur de la veuve et de l’orphelin. Aux ministres de commettre des «erreurs», au président de la République d’engranger les bénéfices de la réparation.

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