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Le gouvernement a répertorié les textes législatifs à caractère économique : L’entreprise face à 8.200 lois !

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Il faut savoir que ce genre de textes, publiés mais non appliqués, crée une sorte de zone grise dans la mesure où les entreprises ne savent pas si oui ou non elles sont tenues par les dispositions de ces lois, restant ainsi à la merci de mauvaises surprises…

Depuis son arrivée aux affaires, la nouvelle équipe gouvernementale n’a cessé d’envoyer des signaux à la communauté des affaires quant à sa volonté d’aider, d’accompagner l’entreprise et de lui rendre la vie facile. Simplification et réaménagement de procédures, dématérialisation des process, mise en œuvre des nouvelles incitations, y compris fiscales,… les actions et réformes dans ce sens ont été multipliées certes. Mais le fait est que l’entreprise reste encore confrontée à un défi de taille : le corpus légal et réglementaire, le nombre incalculable de textes auxquels est confronté un chef d’entreprise.

Et c’est justement pour y remédier qu’une petite équipe de consultants a été récemment constituée à la demande du chef de gouvernement pour faire un état des lieux du corpus législatif relatif à l’entreprise en vue d’une grosse opération de toilettage.

Et comme il fallait commencer par le commencement, l’équipe devait d’abord procéder à une fastidieuse opération d’inventaire pour répertorier toutes les lois auxquelles sont assujetties les entreprises durant tout leur cycle de vie depuis leur création jusqu’à la liquidation ou la transmission.

Et à ce stade préliminaire, les équipes ont fait un premier constat effarant: depuis sa création, l’entreprise se trouve confrontée à pas moins de 8.200 textes de lois sans compter, probablement, quelques dizaines de milliers de décrets, arrêtés et autres notes circulaires émanant de ministères ou d’administrations telles que la Douane, la Direction générale des impôts, l’Office des changes, Bank Al-Maghrib…

Deuxième constat important : en plus de leur nombre, ces textes de lois ne sont ni répertoriés ni regroupés de manière homogène et cohérente selon les secteurs ou selon les thématiques mais éparpillés.

Un troisième constat tout aussi surprenant : la moitié de ces 8.200 lois est restée simplement au stade de textes publiés au BO sans plus. L’équipe en charge du projet a, en effet, dénombré quelque 4.000 textes de lois qui, bien que publiés au BO et donc censés être entrés en vigueur, ne sont ni applicables ni appliqués pour la simple raison que ces lois n’ont jamais fait l’objet de textes et décret d’application et arrêtés. Il faut savoir que ce genre de textes, publiés mais non appliqués, crée une sorte de zone grise dans la mesure où les entreprises ne savent pas si oui ou non elles sont tenues par les dispositions de ces lois, restant ainsi à la merci de mauvaises surprises…

Le meilleur exemple et le plus récent de ces situations de flou juridique n’est autre que la loi sur les délais de paiement. Longtemps réclamée par la communauté des affaires, la loi 32-10 sur les délais de paiement avait été finalement promulguée en octobre 2011 au terme de plusieurs mois de concertations entre le secteur privé et les pouvoirs publics. Mais tel qu’elle a été publiée au BO en 2011 et même après son amendement en 2016, la loi sur les délais de paiement est restée sans aucun effet à ce jour. Car en plus de l’incapacité du secteur privé et de l’Etat à fixer les détails réglementaires, il se trouve aussi que ce texte devait aussi recueillir l’avis du Conseil de la concurrence. Or ce dernier se trouve lui-même en état de cessation d’activité parce que ses instances non renouvelées depuis des années.

D’autres lois et non des moindres ne sont pas en reste. Quand bien même la réglementation en matière fiscale, par exemple, a nettement gagné en clarté et en transparence sur les 10 dernières années, il n’en demeure pas moins, explique-t-on auprès de la Primature, que «le code général des impôts au Maroc est un document qui fait 800 pages, ce qui rend sa lecture et son assimilation des plus difficiles, voire impossibles». Il en est de même pour d’autres textes importants pour l’entreprise comme le Code du travail.

Que compte faire le gouvernement et comment compte-t-il procéder ? Selon des sources bien informées, l’opération de toilettage et de clarification du corpus légal de l’entreprise prendra plusieurs années. Mais il faudra y aller progressivement. La première phase consistait d’abord à procéder à l’inventaire des textes en question. Cette phase est aujourd’hui quasiment finalisée et devrait donner lieu à un premier rapport qui sera remis entre les mains de l’administration.

En parallèle, une deuxième phase a déjà été enclenchée. Elle se déroulera sur le terrain cette fois-ci. Le gouvernement a, en effet, demandé qu’un sondage soit réalisé auprès des premiers concernés, en l’occurrence les chefs d’entreprises. Depuis quelques jours, des équipes de consultants sont en train d’administrer des questionnaires d’un large échantillon de patrons pour connaître leur vécu et leur perception de la législation et plus particulièrement les textes qui leur posent le plus de difficultés.

Une fois l’état des lieux finalisé et les avis des chefs d’entreprises recueillis et traités, commencera, alors, la troisième et dernière phase du projet, à savoir le travail de nettoyage, de compilation et de codification. Objectif : réduire le nombre de textes, les rendre homogènes et surtout les organiser de manière à permettre à l’entreprise d’en prendre connaissance facilement. Mais le gouvernement a-t-il réellement des chances de réussir ce qui ressemble à la réforme du siècle ?

La question mérite d’être posée car, en plus, l’administration marocaine n’en est pas à sa première tentative dans ce domaine.
En 2004, le ministre Rniste Najib Zerouali, en charge de la réforme de l’administration publique dans le premier gouvernement Jettou, avait initié une action similaire dans le cadre du programme encore naissant de l’administration électronique, devenu aujourd’hui Idarati. En 2004, l’idée était de mettre à la disposition du citoyen une base de données de l’ensemble des dispositifs législatifs existant au Maroc. Et là aussi, la première tâche qu’il fallait accomplir consistait à répertorier tous les textes en question. Au terme de l’inventaire, un autre chiffre effarant : les équipes avaient dénombré près de 112.000 textes législatifs et réglementaires. C’était en 2004, 14 ans plus tard, ce chiffre a très probablement grimpé.

Le programme de l’époque avait pour objectif de numériser les textes, de les organiser par secteur et par nature et, enfin, de les mettre à la disposition du citoyen via des plates-formes digitales.

Et malgré toutes les imperfections, ce premier travail a permis quelques progrès en matière de facilitation et de simplification des procédures à travers des outils aujourd’hui opérationnels comme Idarati et le portail service-public.ma. Il faut espérer que dans quelques années, les entreprises pourront, elles aussi, avoir accès à travers un portail unique à tout le corpus légal qu’elles doivent gérer chacune selon sa nature, son secteur d’activité, sa zone d’implantation…Tout est possible !

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