Politique

Parlement et gouvernement : Je t’aime, moi non plus

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En marge du Forum mondial des droits de l’Homme (FMDH) qui s’est clôturé à Marrakech dimanche dernier, la question sur l’interaction des Parlements et les mécanismes internationaux des droits de l’Homme a été au centre d’un long débat.

D’un côté, les représentants des Nations Unies appellent les parlementaires à s’impliquer davantage dans les questions des droits humains au niveau onusien, d’un autre côté les parlementaires incitent ces derniers à leur ouvrir une porte de représentativité au sein du Conseil des droits de l’Homme afin de donner suite à leur appel.

Bien que cela semble simple et légitime, les interactions entre les parlementaires et les mécanismes onusiens demeurent quasi absentes. Pourquoi ? Les gouvernements. Ce sont les gouvernements qui seraient le premier point de blocage des attributions des parlementaires pour ce qui est de l’interaction avec les différents mécanismes onusiens.

C’est en tout cas ce que nous apprend la grande palette d’intervenants à ce débat. En sa qualité de chef de service des traités et du conseil au Haut-Commissariat aux droits de l’Homme, Ibrahim Salama a mis en évidence un paradoxe dans les systèmes décisionnels et représentatifs des pays.

«Les parlementaires sont les plus proches des règles des droits de l’Homme. Ils font les lois mais restent loin des mécanismes internationaux», déclare-t-il. En effet, ce sont les parlementaires qui ont en principe un pouvoir de veille sur le gouvernement. Ce même rôle est attribué par les instances internationales aux rapporteurs spéciaux de l’ONU.

Il s’agit là, malgré l’absence de toute harmonie entre les parlementaires et commissions paritaires, d’un «partenariat inconscient» selon Ibrahim Salama. Cet expert onusien estime toutefois que le problème réside dans le fait que ce sont les gouvernements qui négocient des conventions dont les amendements après ratification deviennent impossibles pour les parlementaires. «Vous adoptez des conventions que le gouvernement interprète à sa guise», s’adresse-t-il aux parlementaires présents au débat.

«Les expériences sont différentes mais en majorité, il s’agit de la protection des droits des parlementaires. Le jour où les Parlements réussiront à accomplir leur mission première qui n’est pas liée à la politique mais aux droits de l’Homme, c’est seulement à ce moment-là qu’ils pourront se positionner en tant qu’acteur majeur dans différentes instances décisionnelles», conclut-il. En réponse à ces points, Abdellatif Ouahbi, avocat et 4è vice-président de la Chambre des représentants aux couleurs du PAM, a avancé dans son plaidoyer le fait que le Maroc ait connu une avancée remarquable dans certaines questions des droits humains.

«Au Parlement figurent aujourd’hui trois questions incessantes : la femme, l’abolition de la peine de mort et la ratification du traité instituant la Cour pénale internationale (CPI)». Ouahbi, lui, reproche aux mécanismes onusiens de ne pas entrer en contact avec les Parlements car, paraît-il, «cela est hiérarchiquement considéré comme dépassement du gouvernement dans ses prérogatives». Avant d’ajouter : «Je ne crois pas en un rapporteur des droits humains au sein d’un Parlement.

Il faut réfléchir à la création d’une institution indépendante qui puisse collaborer avec les instances onusiennes dans ce dossier».
Si Abdellatif Ouahbi ne croit pas en les rapporteurs des droits de l’Homme, Fouad Ahidar, premier vice-président du Parlement bruxellois, trouve que la crédibilité des mécanismes onusiens a largement été entachée à travers le temps. «Les prérogatives des parlementaires sont limitées. Toutefois, comment les résolutions d’un outil international de défense des droits de l’Homme peuvent-elles être dépassées ou ignorées ?». Ici, Ahidar fait référence au grand nombre de résolutions prononcées au sujet du conflit israélo-palestinien.

«Condamner des pays tandis que d’autres communautés profitent de plus de laxisme est une aberration. Il faut être crédible et juste», insiste-t-il. En effet, apporter des recommandations sans les suivre ne servirait pas à grand-chose. Dans le même ordre d’idées, et concernant la crédibilité des rapports onusiens, la parlementaire Khadija Abladi a évoqué les rapports sur la situation des femmes et enfants détenus à Tindouf. «Les rapporteurs ne sont pas objectifs, ils sont manipulés.

Nous avons l’impression qu’ils font énormément d’efforts pour biaiser l’image du Maroc et de son Sahara», déclare-t-elle tout en appelant à plus de neutralité de la part de l’ONU qui se concrétiserait peut-être un jour par une institutionnalisation de la présence du parlement au sein du conseil des droits de l’Homme.

Via son représentant, le Parlement de l’enfant a lui aussi son message à faire passer. Pour un jeune parlementaire ayant pris part au débat, le Maroc devrait s’abstenir de «signer des conventions sans pour autant pouvoir être à la hauteur de ses engagements, il faut réfléchir spécifique et local», souligne-t-il. Il propose également de lever le voile sur les travaux des commissions parlementaires. «Tout citoyen a le droit d’accéder à l’information.

On ne peut pas comprendre le Parlement et son fonctionnement en maintenant ce secret sur les travaux des commissions parlementaires», ajoute ce représentant du Parlement de l’enfant au Maroc.

En somme, qu’il s’agisse de gouvernement, Parlement ou mécanisme onusien, la question des droits de l’Homme devrait être extirpée des pages et écrits. Les lois et les traités ne doivent pas être pris pour soulager les consciences, ce ne sont pas des décors et archives, il faut qu’elles soient appliquées. Ce sera l’unique moyen de revaloriser les Parlements dans le système onusien des droits de l’Homme qui lui-même aurait besoin d’être revalorisé au vu des nations et des peuples.

El Hiba : Nos parlementaires sont matures

Le délégué interministériel aux droits  de l’Homme, Mahjoub El Hiba, a pour sa part mis la lumière sur l’importance de la participation de la société civile dans cette deuxième édition du Forum mondial des droits de l’Homme. Pour lui, tout le mérite dans cela revient aux parlementaires.

«Je salue le Parlement qui a intégré les ONG dans sa préparation de ce Forum, cela revêt une maturité de nos parlementaires», déclare-t-il en guise de témoignage de coopération entre le gouvernement et le Parlement dans les questions relatives aux droits humains. Il ajoute dans ce sens que «la lettre royale prononcée lors de l’ouverture de cet évènement est toute une nouvelle philosophie, c’est une feuille de route pour dépasser les paradoxes entre universalité et spécificités».

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