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Des mineurs qui rêvent de l’Eldorado

Avenue Moulay Ismaël, dans l’après-midi de la mi-avril. Des dizaines d’enfants mal vêtus se sont rassemblés en petits groupes dans les jardins de cette fameuse avenue pour discuter ou se prélasser sous un soleil tiède. Quelques-uns mendient ou vendent des kleenex aux automobilistes au rond-point dit de Béni Makada. Ils sont comme Abderrahim, Abderrahman ou Ahmed, qui ont quitté leurs villes ou villages natals pour venir à Tanger chercher une occasion de traverser vers l’autre rive. Ils tentent généralement de voyager sous un camion de transport de marchandises à destination de l’Eldorado européen. Quelques-uns ont déjà réussi par ce moyen à faire le voyage jusqu’à à Algésiras, mais ils ont été interceptés et ramenés au Maroc. «Je suis arrivé plus de deux fois à partir jusqu’à Algésiras, la gardia civil m’a attrapé et m’a remis à la police marocaine; là- bas, j’étais bien traité. Mais une fois au Maroc, j’ai subi un vrai calvaire», confie Abderhamane, un habitant de Kalâat Sraghna venu le mois de Ramadan dernier à Tanger. «Cet enfant de dix ans a été arrêté plusieurs fois par la police de Tanger et ramené par les services concernés jusqu’à sa famille à Kalâat Sraghna mais il revient quelques jours après», selon une source policière.
Ces enfants, qui ont toujours besoin de leur famille pour affronter la vie, vivent dans des conditions difficiles. «Ils risquent leur vie en se jetant sous les camions qui s’arrêtent au feu rouge. C’est malheureux de voir des enfants en âge de scolarité loin de leurs parents en train d’apprendre les mauvaises habitudes : voler, snifer de la colle…», déplorent deux agents de police devant un véhicule de police dans l’avenue Moulay Ismaël, considéré comme l’un des principaux points noirs de la ville.
Les mineurs candidats à l’émigration clandestine sont beaucoup plus nombreux au port de Tanger. Des enfants sales et dont les habits pleins de taches d’essence rôdent entre les camions à l’export en cherchant à se cacher sous ces véhicules.
Malgré les mesures drastiques prises par les services portuaires, des mineurs et jeunes de plus de 20 ans pullulent à l’entrée comme à la sortie du port, en quête d’une cache dans un véhicule qui s’apprête à faire le voyage vers Algésiras. Ils arrivent même à y accéder et à se cacher sous la marchandise ou dans la plupart des cas sous les camions devant le commissariat de police. Et lorsque les chauffeurs effectuent quelques procédures administratives.
Ces enfants et jeunes ne veulent à aucun prix retourner chez eux. Ils se disent prêts à endurer toutes les difficultés pour accéder à l’autre rive: vivre de la mendicité, dormir à même le sol… «C’est là-bas que nous réussissons à avoir un statut social et de l’argent», disent- ils ensemble en réponse à nos questions.
Le petit Abderahim, âgé d’à peine dix ans, et ses deux amis Abderahman et Ahmed, âgés respectivement de 12 et 16 ans, les trois originaires de Kalâat Sraghna, confient que leurs parents les encouragent à émigrer vers l’Europe. «Il suffit de les appeler de temps en temps par téléphone», disent-ils. Il y en a qui ont coupé tout lien avec leurs familles. Comme Ahmed, 25 ans, originaire de Rabat, qui est à la recherche d’une occasion pour retourner vivre en Espagne. «J’y ai travaillé pendant cinq ans dans l’agriculture, je gagnais environ 2000 euros. Mais j’ai été arrêté et ramené au Maroc parce que j’ai été dans une situation irrégulière», déplore Ahmed qui jure de tenter un jour d’émigrer vers l’Eldorado européen et de retourner au bercail « en voiture et avec beaucoup d’argent».
Selon une source policière, les arrestations des mineurs candidats à l’émigration clandestine augmentent pendant les mercredi et samedi. Puisque le port connaît un grand trafic pendant ces deux jours.
Les mineurs candidats à l’émigration clandestine, selon toujours la même source, sont originaires des quatre villes du Maroc dont notamment Beni Mellal et Kalâat Sraghna. D’aucuns sont connus par les services de la police puisqu’ils sont arrêtés plusieurs fois et ramenés jusqu’à leurs villes ou villages. Mais ils reviennent peu de temps après à Tanger. «C’est la wilaya qui s’occupe de les ramener jusqu’aux services de la police ou de la gendarmerie dans certains cas. Ils sont généralement accompagnés par deux agents des services de la police, deux autres des forces auxiliaires, un M’kadem et un Cheikh. Après avoir remis ces mineurs candidats à l’émigration clandestine à la police ou la gendarmerie de leurs villes ou de leurs villages, ils vérifient s’ils ne font pas objet d’un mandat d’arrêt avant de les remettre à leur famille», toujours d’après notre source policière.

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