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Abdelkrim Benatiq : «Notre feuille de route concernera un champ d’action multidimensionnel et multidisciplinaire»

© D.R

Entretien avec Abdelkrim Benatiq, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration

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Les transferts financiers de nos concitoyens vont majoritairement à la consommation ou à l’achat de logements, alors que les secteurs productifs ne retiennent qu’une part minime de cette manne. Ce constat rend impératif pour nous l’exploration de nouvelles voies pour favoriser les investissements productifs de nos migrants et accroître leur contribution effective aux chantiers de développement économique, social et territorial du Royaume.

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ALM : Depuis votre prise de fonctions, on vous a vu actif sur plusieurs fronts. Quelle est aujourd’hui votre appréciation de l’état d’esprit général qui règne chez les MRE? Et quelles sont les mesures qui vous semblent aujourd’hui importantes à prendre ?

Abdelkrim Benatiq : Les rencontres d’échange avec les citoyens marocains résidant à l’étranger répondent à un but essentiel et une orientation stratégique pour la mise en œuvre d’une politique de proximité. Ces rencontres permettent de mieux capitaliser sur l’existant pour améliorer les services rendus, en mettant en commun notre intelligence collective pour proposer des solutions innovantes et nouvelles à travers la mobilisation des compétences de tous les acteurs concernés. Ces différents espaces d’échange, thématiques ou géographiques, auxquels vous faites référence témoignent de la richesse et de la diversité du potentiel existant, mais ils renseignent aussi sur les problématiques majeures et les défis à relever. Ce que nous pouvons noter avec fierté c’est la Haute sollicitude royale qui donne ses orientations à chaque fois pour démultiplier les espaces de rencontres et de communication avec les citoyens marocains résidant à l’étranger qui manifestent, dans un esprit général, leur attachement indéfectible à la mère patrie et leur volonté et disponibilité à participer à son développement, tout en veillant à la sauvegarde de leurs intérêts et la défense de leurs droits dans un monde en pleine mutation. En termes de mesures, cela se traduit par un ciblage rationnel, une identification et une mobilisation des acteurs, une levée des moyens et une mise en place d’un système de gouvernance adéquat. Cela concerne plusieurs niveaux et axes, entre autres : la mise en œuvre des dispositions de la Constitution, la défense et la protection des droits des MRE, la mobilisation des compétences pour la participation au développement du Maroc, l’assistance sociale et les dispositifs de gestion de crise ainsi que la diversité de l’offre culturelle et le renforcement de l’attachement au pays d’origine.

Au terme de vos nombreuses activités, pouvez-vous nous faire part des grandes lignes de votre feuille de route pour les MRE dans les 5 prochaines années ?

La feuille de route devrait s’inscrire tout d’abord dans le cadre d’une vision globale, intégrée et prospective. Elle doit apporter les réponses concrètes aux attentes de nos MRE selon les catégories : premières générations, jeunes, enfants, travailleurs, femmes, etc. Les domaines prioritaires sont ceux que j’ai détaillés en réponse à votre première question. La feuille de route concernera un champ d’action multidimensionnel et multidisciplinaire suivant une approche participative et de responsabilité partagée en associant les partenaires concernés dans les domaines cités précédemment et en associant également les cibles visées à travers les associations de MRE, les réseaux de compétences et autres groupes de personnes ressources.

Récemment, avec la CGEM, vous avez donné corps à la 13ème région en mettant l’accent sur les investissements des MRE au Maroc. Avez-vous des projets pour mettre en place des incitations spécifiques pour encourager cette catégorie d’investisseurs ?

Nous avons observé au Maroc, depuis plusieurs années, un accroissement important du nombre d’entreprises créées sous l’impulsion d’entrepreneurs, d’investisseurs et de talents marocains résidant à l’étranger. Le ministère s’est fixé comme priorité d’encourager cette dynamique entrepreneuriale à travers notamment la mise en place d’une cellule d’information et d’orientation, d’outils d’accompagnement dédiés consultables sur le site internet du ministère www.marocainsdumonde.gov.ma ainsi que des programmes d’aide à la création d’entreprises. L’une des préoccupations majeures du département dont j’ai la charge est la mobilisation des Marocains du monde pour contribuer au développement de leur pays d’origine tout en œuvrant au renforcement des liens du Maroc avec les pays où ils résident. La 13ème région est l’une des réponses opérationnelles à cette préoccupation. Elle est l’aboutissement d’un travail rigoureux en symbiose avec le contexte politique et économique actuel et assure à son échelle l’articulation souhaitée entre la migration et le développement. Cette région économique virtuelle facilitera ainsi l’intégration des Marocains entrepreneurs du monde (MeM) dans l’économie marocaine en y apportant leur expérience et leur savoir-faire d’une part, et d’autre part, en bénéficiant de l’expérience marocaine dans les différents domaines. Le partenariat liant le ministère à la CGEM permet aux deux parties de coordonner leurs actions et d’unifier leurs efforts, en vue de développer une coopération économique et sociale destinée aux MeM.

Quels sont les principaux objectifs de cette région économique virtuelle?

L’ambition de cette 13ème région est de créer une plate-forme d’échange professionnel entre les Marocains entrepreneurs du monde et ceux du Maroc et d’assurer et faciliter la rencontre et le partenariat des Marocains entrepreneurs du monde avec les décideurs économiques du Maroc. Elle a également pour objectif d’inciter les investisseurs marocains vivant à l’étranger à s’implanter sur le marché marocain, de faciliter le développement des exportateurs marocains sur les marchés étrangers par le biais des Marocains entrepreneurs du monde et de contribuer au développement du Maroc en valorisant son image à l’international. Dans le même sens, nous avons mis en place des cadres de coopération bilatérale ou multilatérale pour la création d’entreprises au Maroc par les Marocains résidant à l’étranger, dont je citerais notamment le dernier en date, le programme Maghrib Entrepreneurs mené avec l’Agence française de développement qui a permis d’identifier et d’accompagner près d’une centaine de porteurs de projets d’investissements. Certains ont créé leur activité et d’autres sont dans le processus de création. Aussi, nous préparons avec la coopération technique belge un programme similaire pour la communauté belgo-marocaine.

On sait aussi que les MRE constituent une clientèle de choix pour les banques marocaines. N’y a-t-il pas lieu d’inviter les banques marocaines à mettre en place des financements spécifiques adaptés et plus souples pour encourager l’investissement des MRE ?

Aujourd’hui, la contribution des MRE à l’économie nationale, davantage visible à travers ses transferts de fonds, est devenue une réalité et est appelée à prendre plusieurs formes. Elle nécessite, pour plus d’efficacité, la conception et la mise en œuvre de politiques publiques ciblées, afin de pérenniser et d’améliorer le flux des transferts de fonds MRE vers le Maroc et optimiser l’emploi de ces transferts, en particulier dans des investissements productifs.

Justement, où vont ces transferts ?

Les transferts financiers de nos concitoyens vont majoritairement à la consommation ou à l’achat de logements, alors que les secteurs productifs ne retiennent qu’une part minime de cette manne. Ce constat rend impératif pour nous l’exploration de nouvelles voies pour favoriser les investissements productifs de nos migrants et accroître leur contribution effective aux chantiers de développement économique, social et territorial du Royaume. Pour y parvenir, des dispositions sont à l’étude comme l’adaptation des produits bancaires aux caractéristiques des migrants, la baisse des coûts de transfert, l’assouplissement des conditions d’accès au crédit, etc. Un dispositif d’encouragement, le Fonds MDM Invest, est d’ores et déjà mis en place avec un appui financier de l’Etat couvrant 10% du montant des projets d’investissements réalisés au Maroc par nos concitoyens à l’étranger.

L’un des principaux centres d’intérêt des MRE quand ils sont de retour au pays durant l’été réside dans les procédures et démarches administratives qu’ils doivent souvent accomplir auprès des administrations marocaines et qui sont parfois lourdes, lentes et compliquées. Que prévoyez-vous de concret pour leur rendre la tâche plus aisée et leur permettre plus de profiter de leur pays et de leurs vacances au lieu de les passer dans les administrations ?

L’accueil de qualité et de proximité figure parmi les engagements forts au profit des Marocains résidant à l’étranger pendant la saison estivale d’été. En effet, la fréquence et la régularité du retour au pays des Marocains du monde témoignent de l’attachement de ces derniers à leur pays d’origine et aux valeurs historiques du Royaume chérifien. Pour accompagner l’opération de retour, le ministère délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration prépare, chaque année, en parfaite coordination avec les administrations et les organismes publics concernés, un dispositif d’accueil et d’accompagnement afin de faciliter les mesures administratives et offrir un accueil de qualité pendant le transit au sein des frontières aériennes, maritimes et terrestres, mais également pendant le séjour des vacances d’été. Ce dispositif concerne la mise en place des structures d’accueil et d’orientation en parfaite coordination avec les administrations et les institutions concernées, d’un plan de communication destiné à fournir les informations nécessaires et utiles aux MRE ainsi que d’un programme d’accompagnement riche et diversifié à l’occasion de forums et de manifestations à caractère économique, culturel, social et éducatif permettant ainsi de consolider les liens d’appartenance avec la mère patrie. La meilleure illustration de l’engagement très fort déployé au profit des MRE pendant leur séjour au Maroc est l’opération Marhaba, qui reste un modèle au niveau international en termes de mobilisation des moyens et de dispositions d’envergure dans le but de faciliter le transit de bonnes conditions de près de 5 millions de MRE dans les deux sens à travers les points d’entrée. Il y a lieu de saluer les efforts et le rôle central de la Fondation Mohammed V pour la solidarité en matière d’accueil, d’assistance et de proximité des MRE durant leur transit à travers un dispositif d’assistance multiforme.

Qu’en est-il du volet administratif ?

un guichet spécial est mis en place au niveau des administrations et les organismes publics connaissant un afflux important de MRE, et ce conformément à la circulaire publiée par Monsieur le chef de gouvernement pour la mise en place de ce guichet, aussi bien au niveau central que régional et local, dans le but d’assurer un traitement rapide respectant la durée limitée du séjour des MRE pendant les vacances d’été. La mise en place d’un service de permanence au sein du ministère au niveau central, mais également au niveau territoire, dans les Maisons des MRE à Tiznit, Béni Mellal et Nador, permet d’assurer l’accueil, l’orientation et la communication avec les MRE, ainsi que la coordination avec les autorités locales pour répondre aux doléances à caractère administratif ou juridique. Et chaque année, de nouvelles mesures d’amélioration sont mises en place par les administrations marocaines comme les facilités douanières via Internet, le projet «Mouhafadati» qui offre le service de suivre toutes les formalités opérées sur le titre foncier et de consulter l’état des biens fonciers à travers une application facile à suivre en tout temps. Sur le volet de la communication, plusieurs campagnes d’information et de sensibilisation sont organisées sur les programmes et les services offerts, et ce en coordination avec les administrations et les organismes concernés. Ces campagnes ont pour objectif de mettre à la disposition des MRE les informations nécessaires pendant leur séjour au Maroc, en termes de services, de règlements et de procédures administratives. A rappeler le guide préparé par la Fondation Mohammed V pour la solidarité, en 6 langues, distribué dans tous les points d’entrée donnant les informations utiles. En termes d’accompagnement, un programme culturel diversifié est mis en place qui touche toutes les catégories des MRE comme l’organisation des Universités d’été, des colonies des vacances des jeunes MRE, la participation des MRE aux festivités de la Fête du Trône. Le Maroc célèbre le 10 août de chaque année la journée nationale des Marocains résidant à l’étranger, qui a été instituée en 2003 par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le glorifie. Cet événement devenu dès lors une occasion de consolider les liens entre les Marocains résidant à l’étranger et leur mère patrie, constitue un espace de dialogue entre les Marocains du monde et divers acteurs économiques et sociaux nationaux. Cet événement constitue, également, une occasion de faire le point sur les réalisations et les aspirations des Marocains résidant à l’étranger, ainsi que sur leur précieuse contribution au développement économique et social de leur pays d’origine.

Quid de la représentativité des MRE au sein des institutions nationales comme le Parlement ? En avez-vous discuté avec eux ? Et le gouvernement envisage-t-il de les faire participer davantage à la vie politique ?

Le débat sur cette question est déjà amorcé. Le 2 août dernier, le ministère a organisé le 2ème forum des associations MRE et un atelier spécifique a été réservé spécifiquement à la question de la participation politique des MRE. Ce que nous avons constaté c’est qu’il n’y a pas une seule lecture sur la question. La perception diffère. En tout cas, nous allons accompagner et suivre le débat. L’objectif reste la mise en œuvre des dispositions de la Constitution et honorer les engagements pris par le Royaume sur le plan continental et international. L’expérience marocaine est riche en la matière et remonte aux années 80, et un ensemble de débats et de travaux ont été réalisés. Il faut donc continuer le débat dans un esprit constructif et proposer les schémas et les formules réalistes et réalisables. La volonté politique existe, il faudra trouver la meilleure option.

Où en est le Conseil supérieur?

Dans le cadre de ses attributions, le ministère a initié l’action en concertation avec les institutions concernées en proposant un projet de loi relatif au Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) en application de l’article 163 de la Constitution. Le projet est mis dans le circuit de discussion et d’approbation suivant les voies réglementaires en vigueur.

Prévoyez-vous une tournée dans les différents pays pour rencontrer les représentants des MRE ? Si oui quand et dans quels pays ?

Oui, à partir de la rentrée, j’entamerai une tournée à l’étranger pour aller à la rencontre et à l’écoute de nos MRE là où ils se trouvent : en Europe, en Afrique, dans les pays du Golfe, en Amérique du Nord et ailleurs. Je suis persuadé que le contact direct avec nos MRE est très utile et fructueux pour adapter nos programmes à leurs attentes et aux défis changeants auxquels ils sont confrontés.

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