Questions à Ahmed Al Motamassik, sociologue
ALM : Quelles sont les catégories les plus touchées par ce phénomène ?
Ahmed Al Motamassik : La réponse à cette question découle de notre typologie annoncée précédemment. Les relations sexuelles avant le mariage concernent toutes les couches sociales et les jeunes jusqu’à l’âge de 40 ans. L’union libre par obligation touche surtout les ouvriers et les classes désignées par C et C+. Par contre l’union libre comme option dans la vie relève de la couche sociale supérieure est désignée par B et B+. S’agissant du concubinage qui répond à notre définition, il reste dans son ensemble une pratique des couches sociales qui ont les moyens de leur choix.
Comment le concubinage est-il perçu par la société ?
En apparence, les trois formes de pratiques sont très mal vues et les syndics de copropriété contrôlent directement ou indirectement l’application de l’interdit en invoquant la loi. En fait, il y a aussi une tolérance qui fait que les parents ferment les yeux en espérant que cela aboutisse à une consécration par le mariage. Bref, l’attitude de notre société est ambivalente : selon l’évaluation de la situation, elle sévit où elle fait semblant de ne pas voir mais jamais la tolérance n’est à l’ordre du jour.
Quelles en sont les conséquences?
Tant que la loi ne change pas, les conséquences sont préjudiciables à la population fragile constituée des femmes et des enfants. Elle n’a pas accès à ses droits fondamentaux. Un exemple simple, comment inscrire à l’école un enfant issu d’une relation de concubinage ?
De plus le concubinage est vécu dans la peur et dans l’angoisse. La peur du regard social et d’être pris en flagrant délit par les autorités compétentes.
Peut-on considérer le mariage par la fatiha comme une sorte de concubinage ?
Cette question est surchargée idéologiquement du fait qu’on l’a utilisée pour d’autres desseins qui dépassent la portée du phénomène. Pour faire la différence entre la fatiha et le concubinage, il est nécessaire de revenir aux contextes sociaux et historiques. La fatiha était dominante dans le monde rural. Elle correspond à une société sans écriture où le contrat de mariage est scellé par la parole donnée et la fatiha présidée par le Fqih de la communauté, cela relève aussi de la coutume largement approuvée par les citoyens du monde rural. Cet acte déclamé de mariage est reconnu socialement mais pas par la loi écrite qui exige un acte scellé par les tribunaux. Par contre le concubinage est un acte qui se fait en dehors des usages sociaux en vigueur. De ce point de vue, l’amalgame n’a pas à avoir lieu.