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Algérie : les 50 ans de la bombe française

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Cinquante ans après l’explosion de la première bombe atomique française en Algérie, des milliers de vétérans des essais nucléaires, persuadés d’avoir été contaminés par la radioactivité, se battent pour la reconnaissance de leur préjudice. «Aussitôt après l’explosion de cette bombe, on nous a dit : allez voir le résultat. On nous a donné de belles combinaisons en tissu blanc qui ne servaient à rien et un masque à gaz», raconte dans sa maison du Valdecie (nord) Auguste Ribet, 74 ans, la voix enrouée par un cancer de la gorge. Ce 13 février 1960 vers 07h00, près de Reggane (Sahara) à 1.700 km d’Alger, alors que l’Algérie est encore une colonie française, la France procède à son premier essai nucléaire, avec une bombe au plutonium, lors de l’opération Gerboise bleue. Juste après la déflagration, une armada de techniciens en combinaison antiradiations n’auront que 15 à 20 minutes, avant les retombées radioactives, pour récupérer sur les lieux de l’explosion les précieux appareils de mesure enfouis dans le sable. Au total, 6.000 à 7.000 personnes travaillent depuis des mois pour cet essai au Centre saharien d’expérimentation militaire de Reggane. Le retraité, qui se «bat depuis 10 ans contre» plusieurs cancers, montre des documents qui lui permettront peut-être un jour d’être reconnu comme victime des essais: photo de lui avec deux camarades de Algérie, ordres de mission, bulletins médicaux récents. «Moi, on m’a même demandé d’aller planter le drapeau français dans le trou de l’explosion», dit Gérard Dellac, 71 ans, atteint depuis 1991 d’un cancer de la peau qui l’a conduit à 14 interventions chirurgicales.  Les deux hommes dénoncent une absence de suivi médical et des décontaminations «complètement à côté de la plaque». Des témoignages comme ceux là, l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) en a récolté une multitude auprès des 4.500 adhérents qu’elle revendique, tous ceux qui ont participé, eux ou leur conjoint, aux 210 essais nucléaires français entre 1960 et 1996 en Algérie, puis en Polynésie. Tous les essais ne se sont pas déroulés dans les même conditions, mais selon une étude de l’association fondée en 2001 par un vétéran chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les vétérans ont deux fois plus de cancers que les Français de plus de 65 ans. L’association note aussi une mortalité infantile trois fois supérieure à la moyenne chez leurs descendants. Peu ont obtenu gain de cause en justice: jusqu’à présent l’Etat a demandé des preuves de la contamination, que les vétérans disent souvent ne pas pouvoir obtenir en raison du «secret défense» ou de l’absence de données, et du lien de causalité entre la maladie et l’exposition. M. Dellac s’est ainsi vu refuser une pension par le Conseil d’Etat en 2002, après six ans de bataille juridique. La haute juridiction a estimé que «l’irradiation n’était qu’un facteur aggravant, comme pourrait l’être le soleil», selon son épouse Arlette Dellac. Quelque 150.000 travailleurs civils et militaires ont participé de 1960 à 1996 aux essais français, sans compter les populations locales.  Le ministère de la Défense évalue à «quelques centaines» le nombre de ceux ayant pu développer un cancer suite aux radiations (thyroïde, leucémies). Le 27 mai dernier, le gouvernement a adopté le premier plan d’indemnisation doté de 10 millions d’euros pour 2009. Et le 22 décembre était adoptée une loi qui va reconnaît une «présomption de causalité» entre exposition au risque et maladie.

 Chloé Coupeau (AFP)

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