Société

Bizutage : Quand l’intégration passe par l’humiliation

© D.R

à chaque rentrée scolaire, le bizutage constitue le moment le plus redouté par les étudiants de première année. Les nouveaux inscrits aux Grandes écoles publiques et privées sont soumis à des rites humiliants ou dégradants parfois accompagnés de violence. Certains restent marqués durant toute leur vie et souffrent de troubles psychologiques. Cette pratique est souvent assimilée à un rite de passage ou à un «baptême» pour les bizutés. Le bizutage reste un passage obligatoire pour faire partie de la «famille». Contrairement aux écoles publiques et privées, les universités marocaines sont épargnées par cette pratique. Les actes de bizutages au Maroc sont souvent délirants : œufs pourris sur la tête, baise main, rasage de crâne, ramper dans la boue… et la liste est bien longue. Cela dit, il faut reconnaître que ces actes sont moins humiliants moralement et psychologiquement qu’en France. En effet, depuis quelques années, on voit apparaître dans l’Hexagone des actes de plus en plus dégradants comme les concours d’imitation d’orgasmes, être enfermé dans un placard pendant des heures, jouer avec le sexe d’un animal recouvert d’un préservatif, manger du poisson pourri, ramper dans des excréments sans compter les agressions sexuelles filmées à l’aide d’un téléphone portable et publiées sur le net. Cette pratique diffère selon les établissements comme l’atteste Lamia, ancienne étudiante d’un établissement privé de Casablanca. «Dans mon école, j’ai eu droit à un bizutage plutôt sympa.Les 2èmes années nous faisaient subir des travaux ménagers dans les chambres de l’internat. Ils nous obligeaient à crier à haute voix des choses idiotes devant les autres étudiants. Parfois, ils s’amusaient à mélanger la nourriture et nous devions ingurgiter leur mélange dégoûtant. Mais ce n’était pas méchant», se souvient-t-elle. Et de poursuivre : «le bizutage est un rituel d’accueil.C’est un règlement qu’il faut respecter si l’on souhaite être intégré. J’en garde de très bons souvenirs. D’ailleurs je suis toujours en contact avec mes bizuteurs». C’est loin d’être le cas de Slimane, un ancien étudiant dans une école publique à Casablanca. «Notre école est connue pour cette pratique. Aucun étudiant n’y échappe. En début d’année, les nouveaux étudiants subissent durant trois semaines diverses formes de perversité. Il faut obéir à toutes leurs demandes sinon un traitement spécial est réservé aux étudiants récalcitrants. Cela a été mon cas. On m’a maquillé et on m’a obligé à porter des couches. J’ai été plusieurs fois contraint de ramper dans la boue sans compter le nombre de fois où j’ai reçu des œufs sur le visage. Il fallait subir ces humiliations jusqu’au fameux jour «J» c’est-à-dire la soirée d’intégration où les bizuteurs et les nouveaux font la fête», raconte-t-il. Selon Nadia, une étudiante dans école étatique à Settat, le bizutage a toujours été une pratique ordinaire au sein de son établissement. «Les bizuteurs nous ont enfermés dans l’amphithéâtre. Ils nous ont mis une tonne de maquillage sur le visage et nous ont obligés à porter des couches. Le pire, c’est que l’on devait défiler de la sorte et ils nous prenaient en photos. En deuxième année, ce fut à mon tour de bizuter les nouveaux. On leur avait préparé un mélange explosif à base d’eau, farine, safran, œufs pourris et de fenugrec. Et on leur versait le fameux mélange sur le corps. Après cet acte, il devait faire le «salut» qui consiste à se mettre à genoux et à crier : mes respects mon supérieur ou mon seigneur. Les photos étaient par la suite publiées sur Facebook». Si le bizutage est banni en France, il est navrant de constater qu’il n’existe au Maroc aucune disposition juridique qui interdit cette pratique. La situation est d’autant plus déplorable que l’administration qui est au courant de ce qui se passe, ferme les yeux et s’abstient de tout commentaire.


 Le bizutage : Un délit pénal en France
Depuis 1998, le bizutage est un délit sévèrement puni par la loi. L’article 225-16-1 du code pénal français stipule que «Hors les cas de violences, de menaces ou d’atteintes sexuelles, le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ». La sanction est plus grave lorsque la victime souffre d’infirmité, de déficience physique ou psychique. «L’infraction définie à l’article 225-16-1 est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende lorsqu’elle est commise sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur» (Article 225-16-2).

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