Société

Bonnes feuilles : L’élite politique mise à l’écart dès l’indépendance (4)

© D.R

Pourquoi Boukhari n’a-t-il pas évoqué un officier nommé Housni Benslimane? Plusieurs personnes ont considéré que Boukhari, en sa qualité de policier, n’a pas le droit d’écrire l’histoire. Ces mêmes personnes ont reproché au journal "Al Ahdath Al Maghribia" d’avoir donné la possibilité à Boukhari de dire tout ce qu’il veut au sujet de la période sombre dont ont souffert les Marocains après l’Indépendance.
Evidemment, on ne peut pas soutenir que les déclarations de Boukhari sont la pure vérité ou la parole de l’Evangile. Il ne faut pas oublier que Boukhari a été l’un des agents qui ont travaillé dans le service de renseignements, un organe qui a représenté pendant longtemps l’outil essentiel dans la politique de répression sur laquelle se basait la relation entre l’Etat et la société.
Justement, les Marocains ne connaissent pas suffisamment les détails de cette politique dont ont été victimes plusieurs enfants du peuple qui ont fait l’objet d’arrestations, d’enlèvements, de tortures et même de liquidations physiques. Par conséquent, tous ceux qui n’acceptent pas les propos du seul policier qui a osé parler, indépendamment du degré de véracité de ce qu’il avance, oublient que des centaines d’autres policiers ont côtoyé de près la machine répressive, et pourtant, ils observent toujours le silence pour de multiples raisons, essentiellement la peur de dire la vérité.
De plus, Boukhari ne cache pas aux lecteurs son identité. C’était un ancien agent du service de renseignements, connu sous le nom de Cab1 instauré par le colonel Oufkir après sa nomination au poste de directeur de la Sûreté en été 1960. Et le capitaine Ahmed Boukhari était son bras droit dans la création de la "brigade spéciale" ou Cab1.
Et c’est ainsi que Boukhari nous dévoile la vérité sur son passé d’agent secret, ce qui est très important. Car certains qui se présentent, à nous, comme étant des universitaires ou des journalistes, ne nous disent pas un mot de leur relation avec le Cab1, et nous cachent leur passé d’agents de ce maudit service. Ils essayent aujourd’hui d’éluder leur rôle dans la guerre psychologique menée par Oufkir à travers le Cab1, qui consistait à tromper les Marocains et les manipuler, en plus de les réprimer bien sûr.
Boukhari, donc, ne cache nullement son identité. C’est un élément essentiel, et le lecteur doit imaginer la différence qui existe entre un homme qui parle à visage découvert et une autre qui masque son identité. La différence est claire, car le premier parle en son nom et le deuxième fait semblant de parler en son nom, alors, qu’en réalité, il ne fait que répéter les dires de son seigneur ou parler au nom de ses seigneurs.
C’est pour cette raison qu’il est intéressant d’écouter, d’abord, Boukhari. Et ce n’est qu’à ce moment-là que chacun aura le droit d’examiner les informations avancées par l’ancien agent du Cab1. Il est donc nécessaire de découvrir ce qu’affirme un homme qui a connu de près l’ambiance maussade des commissariats et des centres secrets de détention tout au long des années de plomb.
Est-ce que toutes les déclarations faites par Boukhari sont véritablement celles d’un ancien agent du Cab1, ou alors quelqu’un l’a-t-il "aidé" à écrire ses articles? Boukhari a-t-il agit par sa propre initiative ou l’a-t-on poussé à faire ces témoignages? Plusieurs remarques s’imposent, notamment celle qui consiste à savoir pourquoi Boukhari n’a pas évoqué dans la série d’articles, qu’il considère lui-même comme des témoignages sur les années de plomb, un officier nommé Housni Benslimane?
Le général Housni Benslimane est aujourd’hui le plus ancien responsable à la tête d’un organe de sécurité, après qu’il ait renoncé à garder le but de l’équipe des FAR et après avoir occupé le poste de Haut Commissaire à la Jeunesse et le Sport. Housni Benslimane a rejoint, en 1963, la direction de la sûreté nationale où il a dirigé la Compagnie Mobile d’Intervention (CMI) en 1967
Il devient directeur général-adjoint par intérim de la Sûreté nationale, succédant à Mohamed Eddoubbi El Kadmiri, qui avait lui-même remplacé Dlimi, après que ce dernier se soit "rendu" à la Justice française qui le recherchait dans le cadre de l’affaire de l’enlèvement du martyr Mehdi Ben Barka.
Il est surprenant que Boukhari ne dise rien au sujet de l’officier Hosni Benslimane qui occupe le poste de commandant de la Gendarmerie royale depuis 1972. Nous ignorons si Housni Benslimane soutenait, ou au contraire réprouvait, les agissements des services de sécurité que Boukhari prétend vouloir dévoiler à travers ses écrits et ses témoignages.
Tout ceux qui lisent ces témoignages sont en droit de se demander: est-ce qu’il y a au Maroc une autorité qui assume son obligation d’enquêter sur le policier Boukhari qui reconnaît, aujourd’hui, avoir participé à des séances de tortures organisées dans les commissariats ou dans les centres secrets appartenant au Cab1?
Car comme on dit, l’aveu est la reine des preuves. Voilà un homme qui reconnaît avoir commis des actes punissables par la loi. Nous avons tous entendu, dans les différents procès organisés dans les années 60 et 70, les procureurs affirmer que la police judiciaire ne torture nullement les détenus pour leur soutirer des aveux consignés dans les PV et que les allégations des détenus sont dépourvues de fondement.
Aujourd’hui, c’est l’un des éléments de la police qui témoigne des conditions atroces réservées aux détenus tout au long de leur séjour dans les commissariats et dans les centres secrets de détention comme Dar El Mokri, Derb Moulay Cherif et autres lieux maudits.
Boukhari a affirmé avoir participé à plusieurs "séances" où des citoyens marocains ont été tabassés, violentés, obligés de boire de l’eau souillée jusqu’à l’asphyxie. Mais au lieu d’écouter Boukhari, les responsables ont préféré l’ignorer malgré le fait que son témoignage soit un nouvel élément qui contredit le discours officiel qui a assuré, pendant longtemps, qu’au Maroc il n’y avait pas de torture.
Laissons de côté les cas de torture, et prenons uniquement l’opération d’enlèvement et d’assassinat du martyr Mehdi Ben Barka. Boukhari en parle longuement. Ses propos peuvent être vrais comme ils peuvent être totalement sans aucun fondement.

Traduction:
Abdelmohsin El Hassouni

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