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Cardiopathie congénitale : Un bébé sur 100 atteint par la pathologie

© D.R

Interview du Dr Said Ejjenane, cardiologue et président de l’association Les Bonnes Œuvres du Cœur

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«La chirurgie cardiaque néonatale à cœur ouvert ne peut être mélangée avec la chirurgie cardiaque adulte à cœur ouvert».

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ALM : Dressez-nous un état des lieux de la cardiopathie congénitale au Maroc ?

Dr Said Ejjenane : Les chiffres sont alarmants. La cardiopathie congénitale étant la plus fréquente des malformations fœtales représente une des premières causes de mortalité en période néonatale. Un bébé sur 100 est touché. Cela dit, au moins 80% de ces cardiopathies congénitales peuvent être diagnostiquées en anténatal avec des mains expertes dans le domaine et un équipement de haute gamme adapté. Au Maroc, au moins 7.000 bébés par an naissent avec une cardiopathie congénitale. 90% d’entre eux sont soignables et guérissables.  25% environ d’entre eux sont à opérer la première semaine de vie sinon ils meurent.

Quelle est la problématique sur le plan compétences humaines et logistique?

Déjà, je dirais qu’il y a un grand souci en termes de communication. Cette pathologie est très méconnue du citoyen, en particulier des parents touchés par ce problème. Ces derniers se trouvent souvent perdus quand le diagnostic tombe. Résultat : le bébé meurt souvent avant le diagnostic en raison de son retard. Le problème est structurel dans le sens où le Maroc compte à peine une quinzaine de spécialistes en cardiopédiatrie. La chirurgie cardiopédiatrique exclusive n’est pas non plus encore suffisamment installée, ce qui impacte le taux de mortalité post opératoire bien des fois. Les anesthésistes en réanimation pour cardiopathie congénitale sont rares aussi.

Comment prenez-vous en charge ces bébés dans le cadre de l’association ?

Comme d’habitude, depuis 22 ans nous disposons d’assistantes sociales qui reçoivent les enfants cardiaques venant de toutes les régions du Maroc. Elles préparent un dossier social complet qui confirme le caractère vraiment démuni de la famille de l’enfant. Nous effectuons par la suite un appel aux mécènes pour la prise en charge de l’opération chirurgicale. Un forfait est pratiqué par l’association. L’association Les Bonnes Oeuvres du Cœur n’a pas changé son mode de fonctionnement pour pouvoir opérer le maximum de malades. La seule différence c’est que nous opérons actuellement à l’hôpital Cheikh Zaid à Rabat. 

Quels sont les moyens dont vous bénéficiez aujourd’hui, compte tenu de la fermeture de la clinique ?

Nous avons toujours lutté pour que les enfants, en particulier les bébés cardiaques, soient opérés par des chirurgiens cardiaques qui opèrent exclusivement ces petits, et non qui opèrent et les enfants et les adultes. La chirurgie cardiaque néonatale à cœur ouvert ne peut être mélangée avec la chirurgie cardiaque adulte à cœur ouvert.  Elles représentent des chirurgies complètement différentes, raison pour laquelle en Europe, au Canada, aux USA et en Asie, il existe des centres de chirurgie cardiaque réservés uniquement aux enfants et d’autres uniquement à l’adulte. Nous avons essayé de former un chirurgien cardiaque exclusif pour enfants et une équipe dédiée à la cardiologie du bébé et de l’enfant grâce à des missions répétitives européennes et canadiennes au sein du centre que nous avons réalisé, à Casablanca. Malheureusement, les choses ne se sont pas déroulées comme nous le souhaitions sur le plan déontologique. Depuis l’arrêt de l’activité du centre des Bonnes œuvres du Cœur, l’association n’a pas arrêté une seconde son activité. Elle collabore depuis avec la seule équipe marocaine et d’Afrique subsaharienne dédiée uniquement à la cardiologie pédiatrique associée à la chirurgie cardiaque pédiatrique et au cathétérisme pédiatrique exclusif, en particulier, en période néo-natale, à Rabat. La prise de conscience que la chirurgie cardiaque et le cathétérisme cardiaque de l’enfant ne se mélangent pas avec la chirurgie cardiaque et le cathétérisme de l’adulte étant au cœur des valeurs de cette équipe. Celle-ci enregistre des résultats comparables aux plus grands centres européens en termes de mortalité post-opératoire (ndlr : mortalité après les interventions à cœur ouvert des bébés).

A quoi est due essentiellement la fermeture du centre?

L’association Les Bonnes Œuvres du Cœur ne refusant ou ne rejetant aucun enfant cardiaque démuni pendant son activité a été obligée de faire des crédits fournisseurs pour pouvoir opérer et soulager les enfants en souffrance. Elle a ainsi contracté des crédits bancaires importants pour honorer aussi les 120 personnes qui travaillaient au sein du centre de l’association.  Nous avons préféré nous endetter que laisser mourir des enfants. Le mécénat nous permettait de prendre en charge seulement 30% des opérés. Les autres étaient sauvés par les crédits précités, les évènements organisés de collectes de fonds, et les rares subventions. Ils sont plus de 6.000 enfants démunis à avoir bénéficié de prises en charge de leurs opérations. La grande majorité ne payait pas plus en raison de leur statut social en général très bas. A peine environ 35% en moyenne de mutualistes ont été soignés au centre. Les crédits engagés ont été à l’origine de la faillite d’un centre. Un centre, il faut le rappeler, qui a beaucoup servi la cause des enfants cardiaques démunis marocains et africains. Il a partiellement formé certains médecins, chirurgiens et personnel paramédical.

Envisagez-vous d’organiser un téléthon comme jadis pour récolter des fonds ?

Non, plus maintenant car ce téléthon avait causé beaucoup de problèmes à l’époque et a soulevé bien des polémiques. Nous préférons faire confiance à nos mécènes. Nous espérons également plus de subventions étatiques pour aider ces petits à guérir de leurs maladies cardiaques.

Quelles sont vos recommandations?

Il faut motiver plus de médecins à se spécialiser en cardiologie pédiatrique, et plus de chirurgiens à se spécialiser en chirurgie cardiaque pédiatrique, en particulier néo-natale. Il faut développer la cardiologie du foetus avec l’aide des obstétriciens et des radiomorphologistes fœtaux. Il faut plus de néo-natologistes, de réanimateurs en cardio-pédiatrie; il faut former un cathétériseur pédiatrique exclusif…, Bref, il y a encore beaucoup de travail dans ce domaine…

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