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Chafik Chraibi : «Les Marocains ne comprennent pas encore la physiologie de ce phénomène»

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ALM : Que veut-on dire par femme fontaine ? Peut-on parler dans ce sens d’une éjaculation féminine ?
Chafik Chraibi : L’appellation «femmes fontaines» désigne une réaction de certaines femmes qui lors des rapports sexuels l’orgasme s’accompagne chez elles de l’émission d’un liquide. Par ailleurs, le problème de l’éjaculat féminin est encore soulevé et de nombreuses recherches sont actuellement en cours.
En effet, l’éjaculation féminine a fait l’objet de vives controverses. Scientifiquement, on peut qualifier l’émission de ce liquide par les femmes fontaines en tant qu’éjaculation. Contrairement au sperme, généralement acide, l’éjaculat des femmes fontaines est décrit comme un liquide incolore, indolore, de goût neutre comme de l’eau. La quantité varie de quelques gouttes à 50 millimètres.

Cette éjaculation est-elle un fait psychique ou physique ?
Dans l’expérience de l’éjaculation, le mental compte beaucoup mais aussi le physique, plus précisément la force des muscles pélviens . Ceux-ci sont souvent trop tendus ou trop mous, alors qu’ils ont besoin d’être forts et toniques. D’autant que ces muscles n’aident pas seulement à obtenir une éjaculation féminine, mais aussi à mieux ressentir les mouvements liés à la pénétration.


Peut-on identifié cette éjaculation comme anomalie organique ?
En aucun cas , nous , spécialistes en gynécologie-obstétrique, ne considérons pas cette éjaculation féminine comme étant une anomalie organique. C’est un phénomène qui existe chez pratiquement toutes les femmes sauf que certaines émettent quelques gouttes de ce liquide, phénomène qui ne se remarque nullement durant le coït et d’autres émettent des quantités plus importantes allant jusqu’à 50 ml.

Constitue-t-elle un handicap pour la femme et son partenaire ?
Il est évident que si la femme et son partenaire n’ont jamais entendu parler de ce phénomène, celui-ci pourrait être qualifié comme étant une émission d’urine lors de l’orgasme et la femme pourrait ressentir une certaine gêne vis-à-vis de son partenaire. Dans notre contexte, certains hommes pourraient même rejeter leur partenaire. Par contre, si nous sommes en présence d’une femme informée de ce phénomène , elle pourrait elle- même, en parler à son partenaire dans un cadre d’ouverture et de dialogue. Et dans le cas où les deux partenaires en sont informés, le problème ne se pose plus et ils pourraient même en rire intimement assimilant ce phénomène à la célébration d’un extase festif .

Est-ce que toutes les femmes sont prédisposées à éjaculer de la sorte?
Pas du tout , comme je l’ai précisé plus haut , certaines femmes n’émettent pendant le coït que quelques gouttes qui ne sont aucunement remarquables. Lorsqu’il s’agit de femmes en pré-ménopause ou ménopausées, ce phénomène n’est point apparent étant donné que ces glandes subissent une atrophie et ne secrètent plus ce liquide. D’ailleurs, dans ce cas précis, on parle de sécheresse vaginale qui est traitée soit par hormonothérapie orale ou locale, soit par l’application de certains gels lubrifiants pour faciliter la pénétration lors d’un rapport sexuel.

Les Marocaines osent-elles en parler ?
Sincèrement , au courant de mon exercice, en tant que spésialiste en gynécologie-obstétrique depuis plus d’une vingtaine d’année, il m’est arrivé de recevoir des patientes qui consultent spécifiquement pour ce problème. Cependant , elles en parlent toujours avec gêne. Notre rôle est de les rassurer , de les informer de la normalité de ce phénomène et parfois même de rassurer le partenaire ou le conjoint.

Pourquoi l’émission de ce liquide est plus abondante chez une femme plus que l’autre ?
Selon des données scientifiques, 75% des femmes sujettes à l’étude expulsent un liquide lors de l’orgasme. Mais la sécrétion est souvent insuffisante pour être perçue. Ses expérimentations ont permis de mettre en évidence que les sécrétions de la prostate féminine entrent dans la composition de la lubrification vaginale. Dans une enquête faite auprès d’un grand échantillon de femmes travaillant dans le milieu de la santé, 39,5 % en France affirmaient ressentir une éjaculation au moment de l’orgasme. Par ailleurs , nous ne disposons d’aucune statistique nationale nous éclairant sur ce phénomène. Celui-ci reste toujours un phénomène, méconnu ou connu mais tabou pour pouvoir l’aborder sans gêne . Mais pour répondre plus précisément à votre question, les Marocains ne comprennent pas encore toute la physiologie de ce phénomène.

Comment peut-on confirmer qu’il s’agit d’un écoulement et non pas de l’urine ?
Pour les partenaires lors d’un orgasme, et comme je l’ai stipulé plus haut, ce liquide est inodore, incolore et ne tache pas les draps. Or , l’urine qui est un liquide biologique composé des déchets de l’organisme, étant concentré à raison de 2% en urée (produit terminal du catabolisme des protéines) est coloré. L’urine peut acquérir une forte odeur , principalement lors de la décomposition de l’urée qui une fois entré en contact avec l’oxygène se décompose en ammoniac et en nitrite. Biologiquement , la composition chimique de ce liquide est complètement différente de celle de l’urine.

Cette éjaculation est-elle synonyme de plaisir ?
La notion de plaisir est très relative lors d’un rapport sexuel. Le plaisir ici en jeu est celui propre à l’inconscient et à la mobilité des représentations . Il est celui qui se réalise dans l’accomplissement de désir qui est l’apanage du rêve lié aux fantasmes de désir, aux zones érogènes et à l’infantile. Chez certaines femmes , le plaisir se limite aux préliminaires : baisers, caresses et rapports buco-vaginaux. Cependant,  en prenant le cas de femmes en bonne santé psychique et organique , et en sachant que l’orgasme peut être ou clytoridien ou vaginal ou parfois les deux, nous pouvons conclure que la notion d’éjaculation est peut-être synonyme de plaisir .

Y a-t-il des thérapies adaptées à ce genre de cas ?
Déjà lorsque vous parlez de thérapie , ça sous-entend une pathologie ou un dysfonctionnement organique . Or , il n’en ai pas le cas .Puisque cette éjaculation féminine est un phénomène physiologique. La meilleure thérapie dans ce cas , c’est le dialogue avec le partenaire de façon à ce que ce phénomène soit vécu sans gêne et sans tabou. Cependant, il ne faut pas confondre ce phénomène avec des hypersécrétions de glaire cervicale observées chez certaines femmes au moment de l’ovulation due le plus souvent à une hyperoestrogénie pouvant parfois être un signal d’alarme de certaines pathologies qui dans certains cas nécessiteraient quelques investigations ou du moins un traitement progestatif.

Mécanisme de l’éjaculation féminine
En 1950, un grand chercheur Ernest Gräfenberg a décrit une zone anatomique située sur la face antérieure du vagin : c’est le fameux point G. Selon lui, c’est cette zone qui gonfle et produit un liquide lors de l’orgasme. Mais des travaux plus récents permettent de mieux comprendre ce phénomène. Pour le docteur Zaviacic qui étudie cette question depuis de nombreuses années, les femmes auraient une prostate. Ce chercheur a en effet démontré que les tissus des petites glandes qui se trouvent entre le vagin et l’urètre et autour de l’urètre (appelées les glandes de Skène ou glandes para-urétrales) étaient similaires à ceux de la prostate de l’homme. Et qu’ils produisaient comme chez l’homme une substance fabriquée naturellement par la prostate un antigène prostatique spécifique autrement appelé PSA. Devant tant de similitudes, le docteur Zaviacic propose de rebaptiser les glandes de Skène : prostate féminine. Cette prostate féminine correspond anatomiquement au point G. Le problème de l’éjaculat féminin est encore soulevé et de nombreuses recherches sont actuellement en cours . Si la femme a une prostate celle-ci pèserait moins de 5 g (chez l’homme la prostate pèse 15 à 25 g). Cette petite prostate ne pourrait donc excréter que quelques gouttes de liquide. Lors de l’excitation, cette glande devrait se gonfler particulièrement et donc en secréter d’avantage, ce gonflement serait proportionnel à l’état d’excitation de la femme

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