Société

Comment le Polisario a dévié

© D.R

ALM : Vous faites partie des fondateurs du front polisario, quand ce dernier représentait une force de résistance marocaine contre l’occupation espagnole et avant qu’il ne dévie de sa mission première pour embrasser les intérêts algériens. Comment ce revirement s’est produit ? Et quelle a été votre réaction ?
Dahi Aguai : Le conflit qui nous a opposés au polisario a commencé en 1974, alors que les autorités espagnoles étaient encore présentes au Sahara. L’Algérie tentait à cette époque de faire du polisario un instrument mis à son service. Face à ce constat, nous nous sommes insurgés contre les dirigeants du polisario qui faisaient le jeu d’Alger. Au point de mener une révolution militaire. Une tentative organisée par un Comité militaire formé de cinq personnes dont je faisais partie et qui comptait plusieurs sympathisants et dont l’objectif était de redresser le cap du front. Ce dernier qui, d’un front de résistance contre l’occupation espagnole, se muait progressivement en une armée à la solde de l’Algérie. Notre tentative, qualifiée de coup d’Etat, a été stoppée net par le comité exécutif du Polisario, par la force des armes. Nous avons été emprisonnés, mais notre lutte n’a pas cessé pour autant.
D’autant qu’un conflit opposait le polisario aux cheikhs de nos tribus. A ce moment, en 1978, Amnesty International est intervenue, suite à la fuite de l’un des anciens détenus des camps du polisario et qui, parti s’installer aux Pays-bas, avait pour la première fois parlé de violations des droits de l’Homme dans les camps de Tindouf.
Que s’est-il passé par la suite ?
Cette ONG avait alors mené des enquêtes pendant deux ans, qui ont confirmé ces déclarations. Le polisario s’est vu alors dans l’obligation de nous relâcher, ce qui n’a pas été sans déplacer le conflit des prisons aux camps des réfugiés. Les citoyens demandaient des explications quant aux crimes commis dans les camps et prisons du polisario. Une véritable zizanie s’en est suivie entre les dirigeants même du polisario qui avaient commencé à s’accuser mutuellement. C’est à ce moment-là que Feu S.M Hassan II a déclaré l’amnéstie en disant que la nation était clémente et miséricordieuse. Nous sommes rentrés.
Quelle est la contre-partie du soutien algérien au polisario ?
Croire que l’Algérie agit par souci de venir en aide à une population donnée, sachant que le régime algérien ne cesse de violer les droits de sa propre population, est un leurre. L’Algérie a des intérêts à la fois politiques et économiques à préserver dans cette région. A commencer par le conflit qui l’oppose aux Touaregs et que ce pays tente de résoudre sur le dos de l’unité nationale du Maroc. Cette communauté cherche depuis une cinquantaine d’année à se séparer de l’Algérie. Il se trouve que son territoire est proche des puits de pétrole et du gaz algérien. Ce qui représente une menace à l’égard des intérêts économiques de l’Algérie.
L’Algérie a choisi de soutenir le polisario également dans la perspective de renforcer son positionnement au niveau du Grand Maghreb en comptant un soit-disant Etat allié et redevable.
C’est ainsi que l’Algérie a pris les tribus sahraouies d’origine algérienne, situées dans la région de Saoura (Sud d’Algérie) qui compte les villes comme Bachar, Tindouf et Borj El Mokhtar, sur un territoire équivalant à la superficie de tout le Maroc, et les a placées dans les camps du polisario. Mohamed Abdelaziz appartient à ces mêmes tribus. Il est même marié à la fille du président de la municipalité de Tindouf.
Dans cette opération, le polisario et l’Algérie ont également procédé à la liquidation des Sahraouis authentiques, soit dans les prisons de Tindouf, soit en les poussant à prendre les armes et combattre leur propre pays. Quelque 1.700 Sahraouis, faisant partie des tribus qui disposent de dahirs royaux (Takna, Oulad Drine, Oulad Bessbâ, Laroussiene, Oulad Tidrarine et quelques tribus du Sahel, les Rguibate notamment) ont ainsi été tués.
Quel était l’objectif réel de ces manoeuvres?
Le but n’était autre que de remplacer les uns par les autres. Résultat, 84% des personnes que comptent les camps du polisario sont des habitants de Bachar, Tindouf et d’autres villes. Ils n’ont aucun rapport avec le Sahara. L’Algérie, en cas de constitution de la république sahraouie, visait à déplacer les Touaregs dans les territoires qu’occupe maintenant le polisario.
Une façon de faire d’une pierre deux coups: un Etat sahraoui allié et des Touaregs loin de ses puits de pétrole et de gaz par le seul biais de changer une population par une autre. A cela s’ajoute l’issue que représente une ville comme Laâyoune pour bien de problèmes algériens. J’en prends pour exemple les mines de Jbilate en Algérie, dont le transport de la production doit se fair en parcourant quelque 3.000 km avant d’atteindre Oran. Ceci, sachant que seuls 700 km séparent Jbilate de Laâyoune. Des économies de coûts donc ainsi qu’une précieuse ouverture sur l’Atlantique.
Jouant pendant longtemps sur la corde des droits de l’Homme, le polisario s’est retrouvé pris dans son propre piège. Comment cela a-t-il été rendu possible ?
Les déclarations de ceux qui ont fui les affres des prisons et des camps de l’horreur polisariens n’ont pas tardé à apporter leurs fruits. Des ONG aussi bien en Europe qu’à l’intérieur du pays dénonçaient une réalité que le polisario s’était appliqué à cacher. Celle des infractions de toutes sortes, commises au vu et au su d’Alger. Cinq rapports d’Amnesty ont par la suite été élaborés et demandaient que le polisario soit jugé pour ses actes abominables contre les droits de l’Homme. Il y a eu également le dernier rapport de France Liberté, une organisation qui soutenait le Polisario, mais qui demande maintenant que ses dirigeants soient jugés. Le tournant a eu lieu à Genève, en 2002, quand cette ONG avait organisé une conférence de presse en faveur du polisario. Nous sommes intervenus presque de force et nous avons demandé à être écoutés. Quelques mois après, des investigations de cette ONG nous ont donné raison.
Quels sont à votre avis les meilleurs moyens pour lutter contre le polisario et la propagande anti-marocaine qu’il véhicule aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays?
Lutter contre la pensée séparatiste doit se faire, d’abord, à l’intérieur même du pays. En tant que Sahraouis, il faut que l’on se pose la question sur ce que nous avons fait pour la cause nationale. Il faut occuper le terrain et faire éclater au grand jour la vérité sur le polisario. Pour que cessent à jamais les voix des traîtres qui profitent d’un terrain vierge et font circuler leurs mensonges. Il faut que la société et les tribus sahraouies puissent les punir, en chassant ceux qui osent nier l’appartenance du Sahara au Maroc. Les dirigeants du polisario sont issus de familles qui n’ont jamais eu de poids dans la région. Ils sont avides de pouvoir, d’autorité. Elevant les étendards de liberté et de justice pour tous, ils ne cherchent que leur propre intérêt. Et c’est cela qu’il faut dénoncer.

• Propos recueillis par Tarik Qattab
Envoyé spécial à Laâyoune

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