Société

Conciliabules informels

Hilton Rabat. Mercredi en fin de soirée. Le café des Palmiers grouille de monde. Et pas n’importe quel monde. C’est tout le gotha de la politique nationale qui était présent. Pas pour une quelconque réception ou congrès. Et, d’ailleurs, on avait l’impression que chaque petit groupe était là pour une affaire le concernant.
Les regards n’étaient pas vraiment sympathiques et les salamalecs se font occasionnellement, mais avec une froideur qui n’a rien à envier au climat quelque peu glacial de cette soirée automnale. Même un petit groupe de touristes et hommes d’affaires asiatiques passe presque inaperçu entre les tables sans leur aspect vestimentaire, on aurait pensé à un groupe de rabatteurs ou de gardes du corps. Trois filles attablées dans un coin ont vite fait de déduire que la soirée n’est pas propice et ont plié bagage avant que le serveur vienne prendre leurs commandes. Le climat est très politique. «ça sent le souffre les filles, pas de plaisir en vue», aurait lancé l’une d’elles avant de quitter les lieux…
Juste à côté de leur table vacante, il y avait Mohmed Guertili. L’homme fort du football, porte parole du GNF, bon vivant, cache mal sa déception. Membre dirigeant de l’UC, il avait travaillé en tant que proche collaborateur de feu Abdellatif Semlali pour la révision des statuts du parti et a été tête de liste UC à Khémisset. Manque de pot, il avait face à lui un Bouazza Ikken, patron de l’Union démocratique, qui n’a pas lésiné sur les moyens pour se faire élire. M. Guertili, en bon joueur, n’admet que les victoires méritées et accepte les défaites dans les règles. «Ce n’est pas le cas en ce qui me concerne», fulmine celui qui n’arrête pas de rire à grand éclat. Et de conclure qu’il déposera incessamment un recours demandant l’invalidation de l’élection de son ennemi Ikken.
Toujours à propos de l’Union démocratique, M. Guertili n’a pas omis de consacrer un bon bout de temps à deux femmes membres de ce parti mais dont l’une poursuit, avec son mari, en justice M. Ikken. Il s’agit d’Amale Ziadi, donnée pour tête de liste nationale UD, dont elle est membre du bureau politique et qui a vu son dossier de candidature rejeté par le secrétaire général qui l’accuse de tous les maux. «Mon mari porte plainte contre M. Ikken pour sauver notre honneur souillé par les propos indécents tenus à mon endroit par notre secrétaire général. Moi, je le poursuis pour réclamer les dommages consécutifs à mon éviction de la tête de liste. Et puis, il n’a pas non plus le droit d’évincer celle qui était promise deuxième et qui est membre du conseil consultatif pour les affaires sahariennes, Mme Dbiali Chaiaa» La justice doit trancher et la volonté royale n’a pas trouvé de répondant, lâche M. Dbiali Chaiaa.
Une table où il y avait aussi des juristes, notamment Me Amina Messaoudi, avocate à la cour de Paris et à Rabat et qui prend en charge la défense des deux femmes. «Comment se fait-il que M. Ikken ait pu être autorisé à fonder un parti?» lance-t-elle. Ce n’est pas une question mais dans la bouche d’une juriste confirmée de notoriété internationale, elle veut tout dire.
Notre dossier est bétonné, ajoute-t-elle en direction d’un Guertili éberlué. Non loin de là, était debout un Abdellah Kadiri, habitué des lieux de grand luxe. Le secrétaire général du Parti national démocrate s’était auparavant attablé avec des membres du bureau politique de son parti et du candidat malheureux à Mohammedia, le peintre Abdellatif Zine. Une longue discussion émaillée d’éclats de rires, de prises de bec, tout le monde était satisfait. Cela se lisait aisément sur les visages. M. Kadiri, qui a salué, à sa manière, certaines connaissances a quitté le prestigieux palace, laisant derrière lui un Tahar Chakir plus rayonnant que jamais, malgré sa défaite électorale. Où allez vous M. le secrétaire général? «Nous avons une réunion avec les dirigeants de l’Istiqlal. Je rentrerai tard à Casa certainement», dit-il avant de sortir. Il a oublié une chose avant de quitter l’hôtel, il était déjà tard, mais ce n’est là qu’un détail pour dire que les conciliabules autour du gouvernement Jettou ne sont pas faciles et rien n’est gagné d’avance.
Le Palmier, lui, continue son train politique exceptionnel. Un Youssef Tazi, avec trois de ses proches, était lui aussi de la fête. On ne sait pas ce qu’ils se disaient, mais on peut dire qu’ils suivaient des yeux ce qui se passait autour d’eux. L’enjeu n’est pas minime et un Istiqlalien fût-il fils d’un notable de même parti reste toujours sur ses gardes. On peut dire que le groupe Youssef Tazi était là par hasard. Probablement pour prendre un pot, mais le moment n’était pas propice, tout comme pour les trois filles…
Les téléphones n’arrêtent pas de sonner. Les traits des visages changent au gré des communications. Quelques éléments de la mouvance populaire, de seconds coûteux, n’étaient pas loin. Le PJD n’était visiblement pas présent dans les parages. Histoire de ne pas cautionner des rencontres dans un lieu pas du tout indiqué pour des islamistes déclarés. Il n’y avait pas non plus d’usfpéites. Il fallait s’y attendre, on était à la veille d’un comité central crucial du parti. Tout le monde préparait ses notes et comptait ses alliés… Vingt trois heures passées. Le climat est toujours aussi lourd et bizzare. Moins de va-et-vient, mais ceux qui sont attablés semblaient là pour l’éternité. Un gouvernement, cela se fignole la nuit. Et la nuit porte conseil, même avec un café noir bien corsé au Hilton.

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