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Contrefaçon de médicaments : Le Maroc à l’abri, mais…

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La fabrication des médicaments est effectuée par l’établissement pharmaceutique industriel. L’approvisionnement des pharmacies est assuré par les grossistes répartiteurs. Et par conséquent, ce circuit garantit l’absence d’infiltration de médicaments contrefaits

42% des médicaments contrefaits dans le monde sont distribués en Afrique. Selon les conclusions d’un récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans ces pays, la réglementation est faible, voire inexistante, ce qui incite les contrefacteurs à agir impunément. Ce qui n’est pas le cas du Maroc. «Nous sommes pour l’instant épargnés par la contrefaçon des médicaments. Mais cela ne veut pas dire que le risque n’existe pas», indique Dr Omar Bouazza, directeur de la direction du médicament et de la pharmacie au ministère de la santé. Cette situation s’explique tout d’abord par le circuit de distribution. «Notre circuit est bien maîtrisé et bien verrouillé. La fabrication des médicaments est effectuée par l’établissement pharmaceutique industriel. L’approvisionnement des pharmacies est assuré par les grossistes répartiteurs. Et par conséquent, ce circuit garantit l’absence d’infiltration de médicaments contrefaits», signale Dr Bouazza.

L’autre point important à relever est que l’Internet constitue l’une des principales sources de distribution des produits contrefaits. Contrairement à de nombreux pays, la vente des médicaments par Internet est strictement interdite au Maroc. L’article 30 de la loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie instaure l’obligation de la vente des médicaments en pharmacie. Parmi ses prérogatives la direction veille en étroite collaboration avec les autorités compétentes, à lutter contre l’utilisation du Web dans le commerce des médicaments. En revanche, la vente des médicaments contrefaits par Internet a pris des proportions alarmantes aux Etats-Unis et en Europe. Il faut savoir qu’un médicament sur deux qui est vendu sur Internet est faux. «La contrefaçon des médicaments est devenue le business le plus juteux pour les trafiquants. Il est beaucoup plus rentable que le trafic d’armes ou de drogue. Des rapports menés par Interpol ont montré que ce genre de trafic alimente le terrorisme. La contrefaçon des médicaments est néfaste à tout point de vue que ce soit pour la santé du patient ou pour l’économie des pays», fait-il remarquer.

Une réglementation stricte

Le Maroc est aussi doté d’une réglementation pharmaceutique stricte qui lui permet de contrecarrer ce fléau. «Ces dernières années, nous avons pu réglementer bon nombre de produits de santé. Hormis la loi 17-04, il y a eu plusieurs textes de loi avec leur texte d’application, à savoir la loi 11-08 relative aux réactifs de diagnostic in vitro la loi 84-12 relative aux dispositifs médicaux. Il y a actuellement deux projets de loi qui sont en cours de finalisation, à savoir les produits cosmétiques et les compléments alimentaires», indique le responsable de la direction du médicament et de la pharmacie. Rappelons à ce sujet qu’en attendant l’élaboration d’une législation spécifique sur les produits cosmétiques, le ministère de la santé avait émis une circulaire relative à la procédure d’enregistrement des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle. Signalons également que pour lutter contre la contrefaçon des produits médicaux (médicaments, dispositifs médicaux, substances actives…) le Maroc avait signé le 13 décembre 2012 la Convention Medicrime, mais il ne l’a toujours pas ratifiée. Il s’agit actuellement du seul outil juridique international existant qui criminalise la contrefaçon, mais aussi la fabrication et la distribution de faux produits médicaux en renforçant la pénalisation du trafic et la coopération entre les États. L’objectif étant d’appliquer des sanctions dissuasives afin de mieux protéger les patients contre ce fléau. Cette convention permettra ainsi au Maroc de renforcer la lutte contre ce trafic lucratif en imposant des mesures de répression plus strictes au niveau national. «Le Maroc en adoptant la loi 16-16 portant approbation de la convention Medicrime est tenu d’intégrer dans sa réglementation les médicaments et les dispositifs contrefaits et les sanctions à l’encontre de ceux qui achètent, vendent ou distribuent ces produits contrefaits», explique Dr Bouazza.

Le Maroc n’est pas à l’abri du risque de la contrefaçon des médicaments. «Le risque zéro n’existe pas. Le principal danger est que le Maroc de par sa position géostratégique puisse devenir une plateforme pour le passage de produits de santé contrefaits soit vers l’Europe, soit vers les pays du Sud. C’est pour cette raison que nous devons être très vigilants. Nous travaillons en étroite collaboration avec la police, la gendarmerie, la douane et la justice ainsi qu’avec les autorités sécuritaires étrangères, notamment Interpol pour contrecarrer ce risque potentiel», signale le directeur de la direction du médicament et de la pharmacie. Et d’ajouter: «Nous avons formé nos pharmaciens inspecteurs, les douaniers par rapport aux techniques d’identification de ces produits de santé. Il est impératif que les autorités mutualisent leurs efforts pour lutter contre les réseaux mafieux sachant que ces derniers essaient de trouver des brèches pour introduire leurs produits». Si le Maroc est épargné pour le moment par la contrefaçon, en revanche le phénomène de la contrebande des médicaments a pris de l’ampleur. En témoigne la saisie récente de 25 millions de comprimés de «Tramadol» en provenance d’Asie au port de Tanger Med. Les médicaments de contrebande au Maroc viennent majoritairement de l’Algérie et de l’Espagne via Sebta et Mellilia. Les trafiquants achètent des médicaments légalement dans les pays voisins où ils sont moins chers, puis les revendent dans les souks marocains au niveau des zones frontalières. «La contrebande est devenue une culture au niveau des zones frontalières. Les gens achètent ces médicaments en pensant qu’ils sont de meilleure qualité que ceux qui sont vendus en officine du fait qu’ils proviennent de pays étrangers. L’autre raison a trait à leur prix attractif. Les médicaments concernés par ce trafic sont divers et variés mais ils ont trait essentiellement aux maladies chroniques, à savoir les maladies cardio-vasculaires, le diabète (insulines)», note Dr Bouazza. Ce dernier estime que la généralisation de la couverture médicale peut constituer une solution pour lutter contre la contrebande des médicaments. «Avec cette couverture, on élimine le facteur prix. Les personnes qui seront prises en charge ne seront plus tentées d’acheter des médicaments de contrebande en raison de leur prix», conclut-il. Des campagnes de sensibilisation destinées au grand public vont être lancées prochainement par le ministère de la santé pour sensibiliser les citoyens à ce fléau et ses dangers pour la santé. «La sensibilisation, à elle seule, n’est pas suffisante. Il faut des sanctions très lourdes pour lutter contre ce phénomène. Il ne faut en aucun cas faire de la demi-mesure quand il s’agit de la santé des patients», conclut-il. Au mieux, le médicament contrefait sera inefficace, au pire, il entraînera de graves complications, voire la mort.

La lutte contre la contrefaçon débattue aux  2èmes Assises nationales du médicament

Le ministère de la santé organise ces 23 et 24 février à Skhirat la 2ème édition des «Assises nationales du médicament et des produits de santé». Cette manifestation portera sur la lutte contre la contrefaçon des médicaments qui est un problème mondial. Ce phénomène en pleine croissance touche aussi bien les pays développés que ceux en voie de développement. Cela dit, les zones les plus touchées sont l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine. Selon le ministère de la santé, le continent africain est le plus exposé, accusant jusqu’à 60% de contrefaçon au niveau des marchés pharmaceutiques de certains pays. Plus de 16 pays africains sont attendus à ces Assises. Cette manifestation connaîtra la participation de plusieurs ministres africains de la santé, de hauts responsables de l’Union africaine (UA), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), d’instances internationales opérant dans le domaine de la contrefaçon, des représentants de différentes autorités réglementaires du médicament et de l’industrie pharmaceutique et de la société civile. Cette rencontre sera l’occasion pour les participants de débattre du problème des produits contrefaits, de ses répercussions sur la santé et des facteurs facilitant la production et la circulation de médicaments contrefaits, notamment l’absence d’une législation appropriée, la faiblesse des autorités nationales pharmaceutiques ainsi que l’application inadéquate des lois et des sanctions insuffisantes. Lors de ces Assises, une résolution, baptisée «Résolution de Rabat sur la lutte contre les médicaments falsifiés en Afrique», sera signée par l’ensemble des ministres des pays africains. Cette Résolution vise à renforcer les efforts dans la lutte contre les médicaments et les produits de santé falsifiés sur le continent africain et prôner les engagements qui seront pris dans ce domaine.

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Contrebande des médicaments : Le bilan des saisies

La contrebande des médicaments prend de l’ampleur et ce au détriment de la santé des citoyens. Les éléments de la Gendarmerie royale de Tanger, en collaboration avec les éléments de la douane, ont procédé le 14 février , à la saisie, dans un conteneur au port Tanger Med I, de 25 millions de comprimés du médicament «Tramadol» (225 mg) emballés dans des cartons. Ces médicaments en provenance de l’Asie étaient destinés à un pays africain. Deux mois auparavant, 35 millions de gélules de Tramadol avaient été saisies au port Tanger Med.

Les investigations entreprises avaient révélé que cette substance est un produit anti-inflammatoire délivré seulement sur ordonnance médicale, susceptible d’être utilisé comme drogue. Au cours de l’année 2017, la gendarmerie royale a saisi dans deux opérations menées au port de Tanger Med aux mois de juillet et d’octobre 2.880.000 gélules de «Tramadol» 120 mg et 501.000 comprimés du médicament Tab-Teedoll-p contenant la substance «Tramadol». Par ailleurs, il faut noter que du 1er janvier au 30 novembre 2017, 52 personnes ont été arrêtées au niveau national pour leur implication dans le commerce illégal de médicaments et de produits pharmaceutiques. Ainsi, 41 affaires ont été transmises à la justice.

Les opérations de perquisitions et de saisie menées par les services de police ont permis la saisie de 32.584 médicaments de contrebande et de 133 litres d’alcool à usage médical. Ces opérations ont été menées en coordination avec les représentants et les délégués du secteur médical et pharmaceutique.

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