Société

Correspondance particulière : À la redécouverte de la Mauritanie (3)

© D.R

Le lendemain du jour de la consultation référendaire, c’est-à-dire le lundi 26 juin 2006, les quelques millions de Mauritaniens se sont réveillés régis désormais par les dispositions nouvelles d’une Constitution ou plutôt par une Constitution nouvelle aux dispositions autres. Ils l’auront “massivement et franchement” acceptée, même si, pour faire bonne mesure, il y a eu quelques rechignements et grognements.
Ce qui a été désigné sous l’infamant vocable de “fraude” se rapporte bien évidemment au taux de participation. Quelques-uns – pas trop nombreux malgré tout – sont allés jusqu’à affirmer qu’il n’y aurait eu que 19 à 20% du corps électoral à s’être déplacés jusqu’aux urnes à l’appel du président du “CMJD”et de ses frères d’armes et de sécurité.
Qu’il soit permis toutefois ici de considérer que le référendum, du témoignage des journalistes et des observateurs étrangers (Ligue arabe, Union européenne, O.N.G, etc), que les opérations se sont déroulées plutôt correctement et qu’il n’a pas été signalé de manquement grave ni d’entorse notable aux règles de l’éthique. Mais qu’est-ce que dit donc la nouvelle loi fondamentale, qui entrera en vigueur sitôt que les usages l’aurait déclarée officielle, Quelques exemples de dispositions significatives :
• Article 26 : «Le président de la république est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour de scrutin par l’un des candidats, il est procédé à un second tour deux semaines plus tard. Seuls peuvent s’y présenter les deux candidats qui, restant en compétition, ont recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour. Est éligible à la présidence de la République, tout citoyen né mauritanien jouissant de ses droits civils et politiques et âgé de quarante ans au moins, et de soixante-quinze ans au plus à la date du premier tour de l’élection. Le scrutin est ouvert sur convocation de la république, il a lieu trente jours au moins et quarante-cinq jours au plus avant l’expiration du mandat du président en exercice, les conditions et formes d’acceptation de la candidature ainsi que les règles relatives au décès ou à l’empêchement des candidats à la présidence de la République sont déterminées par une loi organique. Les dossiers des candidatures sont reçus par le Conseil constitutionnel qui statue sur leur régularité et proclame les résultats du scrutin.
•  Article 27 : Le mandat du président de la République est rééligible une seule fois.
• Article 29 : Le président de la République, nouvellement élu entre en fonction à l’expiration du mandat de son prédécesseur. Avant d’entrer en fonction, le président de la République prête serment en ces termes: «Je jure par Allah l’Unique de bien et fidèlement remplir mes fonctions, dans le respect de la Constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je jure par Allah l’Unique de ne point prendre ni soutenir, directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat présidentiel et au régime de son renouvellement prévues aux articles 26 et 28 de la présente Constitution".
L’article 29 concernant la révision de la Constitution a été, pour sa part, remanié aussi pout préciser que si «l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République et aux membres du Parlement», «aucun projet de révision présenté par les parlementaires ne peut être discuté s’il n’a pas été signé par un tiers au moins des membres composant l’une des Assemblées». Spécifiant aussi «que tout projet de révision doit être voté à la majorité des deux tiers des députés composant l’Assemblée nationale et des deux tiers des sénateurs composant le Sénat pour pouvoir être soumis au référendum».
Bien sûr, dans ce même article 29, il est prévu clairement qu’ « aucune procédure de révision de la Constitution ne peut être engagée si elle met en cause J’existence de l’Etat ou porte atteinte à l’intégrité du territoire, à la forme républicaine des institutions, au caractère pluraliste de la démocratie mauritanienne ou au principe de l’alternance démocratique au pouvoir et à son corollaire, le principe selon lequel le mandat du Président est de cinq ans, renouvelable une seule fois, comme prévu aux articles 26 et 28 ci-dessus». Les dispositions finales de la Constitution, désormais adoptée et bientôt exécutée, signifient que les rédacteurs du texte (par l’article 102) ont eu à cœur de baliser le parcours de la période de transilion devant ne pas excéder les 36 mois.
«La législation et la réglementation en vigueur en République islamique de Mauritanie», permettent de rester « applicables tant qu’elles n’ont pas été modifiées, dans les formes prévues par la Constitution. Les antérieures à la Constitution [présente] doivent être modifiées, s’il y a lieu, pour les rendre conformes aux droits et libertés constitutionnels, dans un délai n’excédant pas trois ans pour compter de la date de promulgation de la (présente) loi constitutionnelle».
Avancée importante et significative de la pratique démocratique et des droits humains, l’ultime paragraphe du texte prévoit qu’«au cas ou les modifications prévues à l’alinéa précédent ne seraient pas apportées dans les délais présents, tout individu pourra déférer ces lois au Conseil constitutionnel pour examiner de leur constitutionnalité. Les dispositions déclarées inconstitutionnelles ne (pouvant pas être appliquées)».
Le président du «Comité militaire pour la justice et la démocratie» est interrogé derechef sur les déclarations d’intention du «Conseil Militaire pour la justice et la Démocratie» d’adopter pour tous ses membres «sans exception aucune» – une attitude de «réserve active», dirions-nous. De sourcilleux arbitrages, nous affirme-t-il, seront effectués pour faire en sorte que les législatives et la présidentielle, qui se tiendront pour les premières en novembre 2006 et pour la dernière en mars 2007, puissent se passer en un total fair-play respectueux des règles de l’éthique et de la moralité.
Promis, juré, aucun membre du CMJD. ne briguera un mandat de député ou de sénateur pour les prochaines échéances électorales! Et même, ils s’interdiront d’apporter un soutien, d’une quelconque nature, à qui que ce soit… Même discipline, cela va de soi, de la part de membres du gouvernement ou de l’appareil de sécurité. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant explicitement. Monsieur Ely Ould Mohamed Vall, dans son costume (complet-veston de coupe classique) rappelle que, une des premières mesures prises par deux semaines après la déposition du précédent-chef de I’Etat a été l’adoption d’ «une loi-ordonnance interdisant formellement aux CMJDistes et aux ministres de faire acte de candidature et même prêter main-forte à qui que ce soit pour essayer de lui assurer la victoire. «Nous tiendrons nos engagements, tous nos engagements !», répète le président exécutif actuel en regardant dans les yeux le journaliste qui revient à la charge pour s’assurer de sa conviction. «Je suis très heureux que le début du processus (La refonte de la Constitution) dont nous nous sommes assigné la mise en œuvre ait été couronné d’un succès  aussi certain».
Nous avons compris : le colonel lui-même ne sera candidat à rien. Du moins jusqu’à nouvel ordre. Après la période qui remplacera les 36 mois de transition ? 

Par Abdallah Stouky de Nouakchott

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