Société

Débats : Les fautes de l’Algérie et l’opportunité marocaine

A plus d’un titre, l’initiative prise par le Maroc de lancer un appel à l’Algérie pour l’ouverture des frontières s’apparente à un coup de maître. Simple et d’une logique diabolique, mais également brusque et d’un opportunisme désarçonnant, elle a produit ses effets en poussant l’Algérie à la faute. Et ce n’est sûrement pas l’unique bénéfice : après les échecs répétés des négociations de Manhasset, elle participe à remontrer à  ce qu’on appelle communément « la communauté internationale » une des raisons objectives du blocage et, de l’autre côté, elle enregistre pour l’histoire et pour l’avenir une responsabilité dont un jour ou l’autre l’Algérie aura à répondre.
En opposant des arguments entourloupés pour repousser une proposition très objective et très concrète du Maroc, l’Algérie vient de  commettre sa deuxième faute de l’histoire du Sahara. Après sa fameuse proposition de partage de 2001 que, malheureusement, le Maroc n’a pas su exploiter à son avantage comme il aurait fallu, la voilà donc prise encore une fois en défaut. Ne pas tirer profit de la situation serait aussi absurde que condamnable.
Comment se présente la situation ?
Sur le conflit du Sahara, l’Algérie a toujours voulu faire croire que sa position se fondait sur des principes qu’elle puise dans le fameux concept du droit des peuples à se déterminer.
S’agissant de positions de principe, il est admis intellectuellement et philosophiquement que les valeurs à partir desquelles elles s’inspirent ne changent pas et ne peuvent pas changer au gré des aléas et des conjonctures. L’interprétation d’un principe peut être certes sujet à des nuances au moment où il faut passer au compromis. Mais, son principal fondement demeure son intangibilité. Alors, quand les positions sont dictées par des considérations à géométrie variable, le sens même du principe est forcément remis en cause !
Quel est l’argument masse que les autorités algériennes ont fait valoir pour opposer leur refus à la proposition marocaine ? D’après les propos du ministre algérien de l’Intérieur relayés par l’agence APS : «Il ne s’agit pas de construire un Maghreb où les uns gagnent et les autres perdent. Le Maghreb ne se limite pas seulement au Maroc et à l’Algérie. Il faut que tous les peuples qui se trouvent dans cet ensemble trouvent leurs places». En cela, les responsables algériens ne dérogent effectivement pas à leur position appelée de principe et demeurent fidèles à leur ligne.
Mais, sur ce premier point également, l’actualité offre des points d’appui pour remettre en cause le degré d’attachement des autorités algériennes au fameux principe sur lequel elles prétendent se fonder. Pour se limiter aux seuls évènements d’actualité en effet, il y a quelques semaines seulement, le Kosovo proclamait son indépendance vis-à-vis de la Serbie et actuellement le Tibet connaît une révolte contre la Chine. Dans les deux cas, si elle était cohérente avec les principes qu’elle prétend défendre, l’Algérie aurait dû être en première ligne pour reconnaître le premier et soutenir le second dans sa lutte pour l’émancipation de la tutelle chinoise. Pourtant, ni sur le premier sujet, ni sur le second, elle ne s’est manifestée. Sur les deux, elle s’est illustrée par ce qu’on appelle un silence assourdissant.
Ensuite, rappelons ce que disait le président A. Bouteflika le 3 août 2004 dans un courrier adressé au Secrétaire général de l’ONU, rapporté par le journal algérien l’Expression : «Bouteflika a souligné (dans son courrier) la volonté sincère de l’Algérie de développer et d’élargir le plus possible les relations algéro-marocaines sans opposer aucune condition préalable à ce développement». Pour le président de la République la question du Sahara occidental, qui est avant tout un problème de décolonisation, ne doit pas interférer dans les rapports entre Alger et Rabat. Depuis, la position algérienne sur ce point précis a évolué au gré des vents, jusqu’à cette dernière manifestation, en opposition totale par rapport à celle de 2004.
Dans les deux cas au moins, l’attitude changeante et humorale de l’Algérie confirme si besoin en était sa responsabilité engagée dans le déclenchement et le pourrissement de l’affaire du Sahara.
Maintenant, la question qui mérite d’être posée est celle de savoir si dans l’esprit des autorités marocaines, il y a un prolongement politique et diplomatique prévu à l’appel pour l’ouverture des frontières et au refus prévisible des Algériens ou ne s’agit-il, encore une fois, que d’une initiative sans suite. Ne serait-il pas en effet dommageable qu’une situation aussi favorable ne soit pas exploitée ?
Les autorités marocaines, pour des considérations multiples et jusqu’alors compréhensibles, ont toujours choisi de privilégier le front intérieur et son corollaire de l’unanimité nationale pour puiser leurs arguments et leur force sur le dossier du Sahara. En cet épisode, le même mécanisme est réactivé. Mais en cela, il y a lieu de croire que ce modèle commence à donner des signes de fatigue et ce, pour trois raisons essentielles :
• la première tient au fait que les Marocains sont suffisamment convaincus de la justesse de leur dossier et qu’ils ne seront jamais plus convaincus qu’ils ne le sont déjà ; sans parler des dangers que recèle une communication trop normative qui peut conduire à des résultats en total déphasage avec son objet comme cela a été observé avec l’affaire Belliraj dernièrement.
• la deuxième a un rapport avec la tactique de défense qui s’en décline, se bornant juste à des contre-attaques ponctuelles, certes parfois méritoires comme ce fut le cas quand l’été dernier, le Maroc a accusé ouvertement l’Algérie d’être partie prenante dans le conflit, mais jamais dangereuse car sans concrétisation aucune ;
• enfin, la troisième raison a un lien avec l’épuisement des possibilités de production de nouvelles initiatives à partir de cette posture.
Aujourd’hui, il s’agit de passer carrément à l’offensive. Cette offensive ne concerne pas l’opinion publique nationale tant elle est acquise. Elle doit être destinée à la communauté internationale dans son acceptation la plus large. Cela a été entamé quelque peu avec le projet d’autonomie dont le mérite premier est d’avoir contribué à désarçonner l’adversaire. Aujourd’hui, il s’agit de porter le coup de grâce en lançant une grande campagne médiatico-diplomatique pour dévêtir l’Algérie de ses pseudo-attachements à des principes et montrer qu’elle est véritablement guidée par des intérêts qu’elle n’ose avouer.
Pour cela, les derniers développements offrent une occasion en or. Il s’agit de s’en saisir pour administrer la preuve tangible que le conflit du Sahara est avant tout une volonté de nuisance de l’Algérie.
Rien que pour l’histoire, une œuvre de cette nature est indispensable. Au-delà des bénéfices immédiats que le Maroc peut engranger d’une telle démarche, il aura au moins fixé sur les tables de l’histoire qu’il revient à l’Algérie de s’être opposée à l’édification du Maghreb Arabe. En cela, elle assume une énorme responsabilité et l’histoire doit garder en mémoire cet épisode. Un jour ou l’autre, il sera question de chercher les raisons et les causes qui ont empêché notre région de s’arrimer à la dynamique mondiale. Ce jour-là, il serait de bon ton de demander à l’Algérie des comptes. Fixer l’évènement par les autorités marocaines est un gage pour que, quand ce jour interviendra, chacun saura précisément qui responsabiliser.

Mohamed Chakib Bensouda

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