Société

Débats : Réconcilier notre jeunesse avec son histoire

© D.R

L’initiative «Watanouna» pour la libération des Marocains séquestrés à Tindouf a constitué un véritable révélateur à bien des égards :
Elle a tout d’abord montré une véritable société civile du « Maroc d’en bas » qui a favorisé l’émergence de nouveaux visages, d’une population s’appropriant la cause, d’une jeunesse militante, alors que les 10 figures connues, qui depuis des années se partagent le titre de “société civile” sont restées étrangement en marge.
Elle a ensuite montré que dans notre société réputée machiste, 15 femmes avaient fait bouger tout un pays.
Elle a enfin prouvé que la fibre patriotique était enfouie au coeur de notre population et qu’une cause juste, nationale, défendue par des personnalités crédibles la faisait aussitôt émerger. C’est surtout sur ce point que je voudrais insister dans ce texte. «Watanouna» a montré à quel point il était nécessaire de réconcilier notre jeunesse avec son histoire.
Un entretien avec le docteur Guessouss dans Aujourd’hui Le Maroc, paru la semaine dernière, montrait que « notre enseignement était à revoir dans le fond comme dans la forme ».
Les pateras qui ne désemplissent pas, les attentats du 16 mai et les discours nihilistes montrent à quel point justement nos jeunes sont en manque de repères, voire d’identité.
L’engagement associatif des jeunes est peu à peu en train de palier une partie de ces manques en favorisant une conscience collective, en offrant des objectifs et en permettant l’apprentissage des responsabilités.
Mais ce qui «cimente» une jeunesse, c’est aussi le «combat» pour une cause, l’effacement de l’intérêt personnel devant l’intérêt collectif, la pratique de la mobilisation, le sentiment d’oeuvrer pour la patrie.
Or, qu’a-t-on proposé aux nouvelles générations ? De se mobiliser pour des causes certes nobles – mais sans lien direct avec le pays auquel elles appartiennent : la Palestine, l’Irak, etc.
Watanouna à l’immense mérite d’avoir offert aux jeunes la possibilité de se reconnaître dans une cause, de se l’approprier, de s’en sentir acteurs. Voilà le mot-clé, les jeunes de nos quartiers populaires ont fait « leur » cette marche.
Il suffit de voir l’immense mobilisation dans les quartiers populaires de Casablanca, Rabat, Salé, Temara mais aussi Meknès, Béni-Mellal, Tadla… les bidonvilles de Bachkou, Akreuch, Aïn Khalouia… de voir les jeunes et les femmes du mouvement associatif, côte-à-côte faire signer déjà plus de 500.000 cartes pour la libération des séquestrés de Tindouf, sans même qu’on les sollicite, faisant eux-mêmes la démarche pour s’impliquer sans se soucier des «places pour les personnalités au 1er rang de la marche de ce dimanche ».
On avait remarqué cet enthousiasme lors du retour de nos Lionceaux après la CAN-2004, mais c’était alors un contexte ludique. Maintenant, il s’agit dune cause humanitaire.
Quelque part le « chaînon manquant » se reforme : nos parents et grands-parents ont participé à la Marche Verte ; toutes propositions gardées, nos jeunes empruntent ce chemin à leur tour.
Cela doit interpeller notre classe politique, nos intellectuels mais aussi (surtout ?) nos enseignants : n’avons-nous pas failli à notre transmission de mémoire, à notre enseignement de notre propre histoire ? Regardez un calendrier ! Que trouve-t-on à la date du 6 novembre: « Aid Watani », soit, mais lquel ?
Or, nos jeunes – comme tous les jeunes – ont besoin de se sentir «appartenir à un collectivité», ils ont aussi besoin de savoir pourquoi ils appartiennent à celle-ci.
Pourquoi vivons nous ensemble ? Autre question fondamentale à laquelle il faut donner une réponse: en expliquant ce qui nous lie, ce qui nous rassemble.
Là aussi, nos intellectuels, notre «élite» ont failli certains de leurs responsabilités : les uns en ne transmettant pas la mémoire, les autres en ne montrant pas l’exemple en matière d’amour de la partie, de civisme. Qu’elle que soit la mobilisation de ce dimanche, le pari de “Watanouna” est déjà gagné : partout on parle de nos compatriotes de Tindouf ; dans tous les quartiers, Marocains et Marocains – volontairement, spontanément – s’en vont signer les cartes qui partiront à l’ONU, 30 ans plus tard une nouvelle génération se met en marche pour une cause nationale.
Pour ne m’attarder que sur un aspect de cette initiative qui méritera plus tard l’intérêt des sociologues et historiens, je dirais qu’elle a allié pédagogie et travaux pratiques. C’est en effet à une formation accéléré de militantisme que nos jeunes se sont vue exposés et ça a marché ! Certes, il ne faudra pas s’arrêter là, et il est indispensable que de «Watanouna», nous tirons les enseignements : qu’avons nous raté ? De quoi et comment faut-il parler à nos nouvelles générations ? Mais aussi de quelle façon considérer aujourd’hui notre jeunesse ?
Partout où la population a bougé autour de «Watanouna», deux symboles forts ont toujours été présents: le drapeau et le portrait de SM le Roi. Partout, les jeunes ont surpris par leur enthousiasme, leur mobilisation.
Bien des représentants de la «société civile ont raté le coche en ne sentant pas ce vent nouveau se lever, en ne voyant pas l’émergence de ce mouvement du « Maroc d’en bas », puissent donc nos responsables gouvernementaux en tirer les conclusions, en matière d’enseignement par exemple.
Certains politiques, plus à l’écoute de la base, ont compris qu’il fallait « accompagner » ce mouvement, toujours est-il que c’est le pays tout entier qui peut tirer bénéfice de cette bouffée de patriotisme.
Ce n’est pas là le moindre intérêt de «Watanouna», alors lorsque nous nous retrouverons côte-à-côte ce dimanche dans les rues de Rabat, soyons conscients de participer – modestement – à un moment de notre Histoire.
Enfin si les jeunes de Tindouf – notamment ceux nés dans les camps – voient le nombre de jeunes présents à cette marche, alors nous pourrons entamer l’indispensable construction d’un pont entre des deux jeunesses, car le déracinement des jeunes des camps aura trouvé le début d’une réponse dans cette main tendue.

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