Société

Des métiers et des gens : Concierge : veiller sur les vies et les biens

© D.R

Noureddine, le gardien ne sait pas épeler son nom en français. Pour la transcription de son nom de famille, il va chercher sa carte d’identité nationale. Il s’appelle Noureddine Ouaida, il est né en 1978 à Béni-Mellal et à l’époque où cette carte a été établie, il était ouvrier. Le visage sur la photo est pourtant celui d’un lycéen. C’est qu’à l’âge de quatorze ans déjà, Noureddine prenait la route, sac au dos, pour aller gagner sa vie dans les champs de tomates d’Agadir. Dans la vie réelle, celle promise à ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller jusqu’au certificat d’études primaires mais qu’une personnalité entreprenante pousse à affronter l’adversité. Trois ans de sa vie s’écouleront ainsi.
Noureddine a dix-sept ans. Il vient d’être engagé comme gardien par les propriétaires d’une villa à Mohammédia. Il fait l’apprentissage de la responsabilité des biens et de la sécurité d’autrui. Mais la condition de gardien lui convient. Il revendique à sa façon, c’est-à-dire très modestement, sa capacité à se dévouer dans la mesure où on lui fait confiance. Bien entendu, ce métier exige d’autres qualités, mais pour Noureddine, la confiance est vraiment ce qui peut pousser quelqu’un à se dépasser, chercher à faire toujours mieux.
Il fait également la découverte de l’ingratitude, de ces gens qui ne savent pas reconnaître la valeur du dévouement et ne conçoivent les relations que dans un contexte marchand. Noureddine admet volontiers la notion d’échange de prestations, un travail contre de l’argent et il en profite pour se demander pourquoi certains rechignent autant à mieux payer leurs employés méritants ? Toujours est-il que la coupe fut bientôt pleine et qu’après trois ans de bons et loyaux services au service des gens de la villa, il finit par démissionner.
Retour à Béni-Mellal pour une année. Puis il s’installe à Casablanca, chez son frère. Avec la sérénité des ouvriers confiants dans la bonne réputation qu’ils ont su forger et qu’on vient chercher jusqu’à chez eux. C’est d’ailleurs ce qui va se passer : l’une de ses connaissances du temps où il travaillait à Mohammédia lui parle d’un poste de concierge à pourvoir en intérim dans une résidence casablancaise. Noureddine est présenté au syndic de l’époque qui le recrute aussitôt. Pour lui, c’est une espèce de promotion, d’autant plus qu’il est engagé à de bien meilleures conditions que dans son poste précédent.
Il est de ces concierges qu’il n’est pas difficile de remplacer, tellement ils sont inefficaces. Il semble que Noureddine n’ait pas eu trop de mal à faire valoir ses qualités personnelles aux yeux de son nouvel employeur. Au point que lorsque le syndic en question s’en alla habiter ailleurs, il prétendit faire de Noureddine le gardien de son nouveau domicile. Mais cela ne dura pas. Cinq mois après son départ, les copropriétaires de son ancienne résidence, bien décidés à ne pas se passer de lui, parvinrent à le récupérer.
Cela fait trois ans aujourd’hui que Noureddine veille sur « sa » résidence et ses résidents; qu’il contribue à leur confort et à leur quiétude. Sans compter les services, petits et grands, qu’il est toujours prêt à rendre. Avec en permanence, cette discrétion qui fait de lui un homme de confiance précieux. Sachant que sur ce point également, il s’efface devant le compliment comme si tout cela allait de soi, comme si son attitude était la moindre des choses.
Levé chaque matin à cinq heures, il a d’abord les escaliers à laver. Puis il prend son poste à l’entrée de la résidence jusqu’à 12h30 et de 14h à 21h.
Et là, chaque jour apporte son lot d’événements et d’activités. Par exemple, faire en sorte que pendant les travaux dans l’appartement d’un nouveau locataire en cours d’aménagement, les sacs de gravats soient systématiquement évacués sans trop séjourner dans l’entrée et que les ouvriers n’abusent pas de l’ascenseur pour effectuer leurs acheminements. Il y a aussi, parfois, la visite du moqaddem passant prendre les nouvelles du quartier et à qui il faut faire des comptes rendus précis : «On ne plaisante pas avec le Makhzen!» commente sobrement Noureddine, « cela fait partie de ma fonction et de mes responsabilités ». Il reconnaît toutefois n’avoir jamais entendu parler de la loi votée par le gouvernement Osman, qui avait réglementé les professions de gardien de villas et de concierges d’immeubles.
Noureddine est conscient de sa chance. Concierge d’un immeuble sans histoires, plébiscité par des résidents, tous des gens «bien», dont il prend soin sans ménager sa peine, il a même la satisfaction d’en entendre certains déplorer que son salaire ne soit pas tout à fait à la hauteur de ses qualités. Mais il croit que la bonne foi finit toujours par triompher d’autant qu’au fond de lui, il s’en remet profondément à Dieu en s’appliquant simplement à faire toujours mieux.

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