Société

Des métiers et des gens : Hajja Fatéma : le ménage et ses soins

© D.R

Dans trois ans elle prendra sa retraite. Après 23 ans de bons et loyaux services en tant que femme de ménage et trois entreprises à son actif. Hajja Fatéma n’est pas du genre à multiplier les employeurs. Tout comme elle ne se voyait pas faire le ménage chez des particuliers : «Trop de chicanes», explique-t-elle en souriant. Sachant que les sourires de Fatéma sont souvent là pour exprimer ce que sa discrétion naturelle lui fait taire. À quoi bon parler de ce qu’elle aurait pu connaître de pire alors que Dieu, estime-t-elle, l’a toujours comblée de ses bienfaits et qu’elle lui en est plus que jamais reconnaissante.
La vie de Fatéma Abbad bascule pourtant, il y a 23 ans, lorsqu’elle perd son mari. La voila veuve et mère de trois enfants, deux filles et un garçon, dont il lui incombe d’assurer l’éducation. Mais aussi un logement et le pain quotidien. Bref, elle se résout à travailler. En pratiquant le seul métier auquel elle puisse prétendre: le ménage.
Elle se souvient de sa première entreprise : «Elle était spécialisée dans la photographie, une marque allemande je crois. Oui, c’était la maison Agfa ! J’ai travaillé près de sept ans chez eux… » Fatéma en parle encore avec émotion. Comme si elle réalisait aujourd’hui, alors qu’elle est invitée à évoquer son parcours de mère courage, combien elle a été comblée, en effet.
«La deuxième entreprise où j’ai travaillé appartenait à des Italiens. J’en garde de meilleurs souvenirs encore. Ils font partie de ces gens qui vous respectent avant tout en tant qu’être humain mais qui savent apprécier les services que vous rendez par votre métier. Il faut aimer la propreté pour respecter les gens qui font le travail que je fais. Mais Dieu vous fait toujours rencontrer les gens que vous méritez. En réalité, tout dépend de vous… Quant à moi, Dieu merci, je n’ai eu que la peine de demeurer telle que je suis, avec mes principes, ma foi de musulmane et mes responsabilités de mère de famille !»
Fatéma ne cache d’ailleurs pas sa fierté d’avoir élevé ses enfants « comme il faut ». Elle semble faire la démonstration qu’une bonne éducation n’est pas une question de moyens financiers. Que d’autres valeurs entrent en ligne de compte: le travail, le courage, l’honnêteté, la dignité. Autant de mots que Hajja Fatéma ne prononce pas explicitement mais qu’elle incarne intensément. Avec une classe impressionnante. Et toujours cette  réserve dont elle ne se départit jamais, même si son visage ne demande qu’à sourire…
Hajja Fatéma vient de boucler sa cinquième année au service de son troisième employeur, une entreprise d’édition à Casablanca. «Ils sont installés dans le même immeuble que mon précédent employeur. Je travaille pour eux depuis qu’ils ont commencé. Ils cherchaient une femme de ménage et comme j’étais connue dans l’immeuble, quelqu’un leur a conseillé de faire appel à moi ? Entre- temps, comme j’avais cessé de travailler pour les Italiens, j’ai accepté.»
Chaque matin, elle répète le rituel de sa vie professionnelle. Enfiler son tablier, ses chaussures de service et s’attaquer à la poussière et à la saleté. Avec une efficacité rendue encore plus visible par sa discrétion : pas facile de faire le ménage pendant que les gens travaillent, mais Hajja Fatéma connaît son métier. Il y a quelques temps, on lui a conseillé de protéger ses mains en portant des gants.
Elle a souri, comme surprise de constater que le sort de ses mains pouvait émouvoir quelqu’un. Sans dire que les gants coûtent cher, qu’ils s’usent vite et que de toutes façons ses mains sont habituées aux produits ménagers. Mais il y avait tout cela dans son regard.
Hajja Fatéma a pourtant promis à son interlocuteur d’y penser à l’avenir, comme pour lui faire plaisir : les gens qui se soucient de vous méritent bien qu’on tienne compte de leur avis, aussi Fatéma Abbad ajoutera désormais les gants en plastique à son équipement de service. «Mais pourquoi parler de moi dans votre journal ? Je ne croyais pas être aussi importante que ça ?» Sa question est de celle qui attendent une réponse. Hajja Fatéma écoute donc avec attention l’argumentaire du journaliste. Et après réflexion, elle convient du bien fondé de la démarche ; rendre hommage aux gens modestes, surtout ceux qui exercent des métiers peu valorisés. Et du moment que cela part d’une bonne intention, qu’elle n’a jamais rien eu à se reprocher, pourquoi refuser de contribuer à changer les mentalités ?
Depuis l’année dernière, Fatéma Abbad est Hajja. Le moins que l’on puisse dire est que ce statut lui convient plutôt bien. Ses collègues ont d’ailleurs encore dans la bouche le goût des dattes qu’elle leur avait ramenées des Lieux Saints. Avec en prime la ferveur de ses prières et l’aura de ses bénédictions.

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