Société

Des ressources et des hommes

© D.R

Une centaine de kilomètres au sud-est de la ville de Laâyoune, loin de tout. A droite comme à gauche de la longue route, le paysage est désert. On se croit en plein milieu de nulle part. Personne en vue, à part les quelques chameaux qui parsèment, ici et là, une plaine caillouteuse, aride. Des hauteurs tout aussi désertes se profilent à l’horizon. Le vide est le seul décor. Jusqu’à ce que des lotissements commencent à émerger, des bouts de terrains que l’on semble avoir préparé dans on ne sait quel objectif mais qui semblent désormais abandonnés, proie à l’érosion. Plus loin, des petites maisons, aux allures délabrées et comme d’une autre époque, apportent la preuve qu’il y a une vie dans les parages. Une vie, il y en a bel et bien. Avancer, c’est se retrouver devant un véritable campement, fait de plusieurs constructions curieuses. Le matériau utilisé n’est pas le béton, mais le fer, que ce soit pour les murs, les toits ou le revêtement. C’est là où sont installés les ingénieurs et les ouvriers de la société PhosBoucraa, filiale à 100% de l’Office Chérifien des Phosphates (OCP), après que Sepi-Espagne a cédé ses 35%.
Bien qu’on soit un dimanche, le va et vient dans ce qu’on appelle « la cité» ne cesse pas pour autant. Un jeune cadre vient vers vous, l’air sympathique, sourire aux lèvres, se présente en disant qu’il a été chargé de faire «le tour du propriétaire», bien qu’il soit loin d’en être un. «La mine appartient à tous les marocains, et d’abord, aux gens d’ici», tranche-t-il. Lui, c’est Abdelmounaïme Zaki, ingénieur, chef du service electrique de PhosBoucraa. Il est de garde ce jour-là. La visite des lieux fait ressortir un certain confort. Tout le nécessaire, aussi bien en termes de moyens de travail que de distraction, a été mis en place, d’abord par les Espagnols qui avaient, dans les années 1950, commencé à explorer et exploiter la mine, que par l’OCP qui a pris le relais par la suite. La cité dispose non seulement de dortoirs et logements pour ses employés, mais aussi d’une piscine, une salle de cinéma et même un zoo, qui fait la fierté de tout le personnel. Une infrastructure à laquelle s’ajoutent des projets d’envergure, notamment la construction de quelque 307 logements, entrant dans le cadre du projet de la nouvelle cité minière à fin 2004, avec un coût de 38 millions de DH.
Une deuxième tranche de ce projet sera également réalisée à fin 2006. Et la mine ? Il faudra encore faire un bon bout de chemin avant d’y arriver. La piste est aussi tortueuse que poussiéreuse. Et encore : «il faut voir quand il y a des tempêtes de sable. L’asphyxie est garantie», prévient le jeune lauréat de l’ENIM, originaire d’Agadir, qui a choisi de rejoindre l’OCP après quelques années passées dans le secteur privé. Pourquoi donc venir travailler dans cette région, dans un environnement démotivant à première vue.
«L’OCP est une grande école. Travailler pour une structure aussi importante et sur un site comme Boucraâ est pour moi une chance dans la mesure où une telle mission fait appel à plusieurs compétences, dont la possibilité de travailler en parfaite autonomie», explique le jeune ingénieur. Des propos que confirme la simple vue des gisements, divisés en trois tranches : Sud, Central et Nord. Pour son extraction, un travail de fourmis est mené 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Une cadence ininterrompue que renforcent la qualité de l’énorme matériel d’exploitation, américain dans sa majorité, et face auquel l’homme est réduit à un nain et, la qualité des hommes dont l’activité est ponctuée par les seules fêtes religieuses et nationales et les quelques pannes, notamment d’électricité. Ils sont en cela 518 personnes à oeuvrer pour le maintien et le bon fonctionnement de la société, composée de 10 ingénieurs, 79 agents de maîtrise et 439 ouvriers et employés. Toutes les phases de la production sont effectuées in-situ: la formation jusqu’à la couche de phosphate, le sautage et fragmentation des couches de recouvrement, l’arrosage, le décapage et le transport. Pour cela des équipements de taille, au sens propre du mot, sont constamment en service, dont 3 énormes sondeuses et 2 draglines pour le décapage. Si la zone centrale est d’ores et déjà épuisée, les autres zones promettent un maintien de l’activité de PhosBoucraâ au moins jusqu’en 2046. La réserve de la mine ne représente pour autant pas plus de 2 à 3% de la réserve nationale aussi bien en termes de production que d’exportations. L’évolution de la production est stable et tourne autour de 2,3 millions de tonnes, bien qu’ayant enregistré une baisse en 2003, pour cause de déplacement d’une dragline sur un autre site. Bien que déficitaire, PhosBoucraâ n’en continue pas moins à fonctionner.
Les raisons du déficit sont, selon M. Mae Elaynain, a trouvé dans l’arrêt d’activité de la société dont il est le PDG. « Nous devions financer à la fois les salaires des employés et les frais de maintien à niveau du matériel pendant 7 ans, de 1975 à 1982, alors que la société était à l’arrêt », déclare-t-il. La société n’en continue pas moins à investir. Elle s’est même fixé comme objectif de participer au développement du tissu industriel de la région en faisant participer d’autres entreprises, essentiellement de la région, par le biais de la sous-traitance, dans l’ensemble des opérations. Ce qui n’est pas sans faire travailler une main-d’oeuvre supplémentaire et des rentrées pour plus d’une structure.
De 4 entreprises locales en 2000, PhosBoucraa a ainsi impliqué quelques 12 entreprises locales et 4 sociétés nationales, employant quelque 247 personnes extérieures. «Là est notre mission principale : le développement de la région et l’implication des acteurs locaux», résume le PDG de la société. Dans ce sens, la société compte employer une moyenne de 100 personnes par année. L’exploration continuera.
Si tout le monde connaît la notion «d’entreprise citoyenne», pour PhosBoucraâ il faudrait inventer une nouvelle expression. Pourquoi pas : une «entreprise patriote»?

• Tarik Qattab
[email protected]
Envoyé spécial à Laâyoune

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