Société

Diplômé-voleur

Fin de l’année universitaire 1996. Rachid, vingt-quatre ans, attend les résultats des examens de quatrième année en Mathématiques Appliquées. Depuis ses premiers jours à l’école, il avait toujours eu pour ambition de réussir et avec des bonnes notes. Il n’a jamais redoublé, il n’a jamais connu d’échec scolaire. Il est le grand rêve, le grand enjeu de la vie de ses parents.
« Ouaiiis !!!», crie Rachid en sautillant et en embrassant ses amis. Il a réussi avec mention «très bien». Il retourne chez lui, plein de joie. «Mère ! Enfin, voilà ma licence en Mathématiques Appliquées». Sa mère se jette dans ses bras, l’embrasse, avant de fondre en larmes. C’est un instant qu’elle attendait depuis des années. «Enfin, notre situation va s’améliorer…Mon fils va travailler…Oh mon Dieu ! comme Tu es Grand…». Les premiers jours passés, Rachid pense poursuivre ses études dans le cycle supérieur. «Mais je dois d’abord travailler».
L’indigence de sa famille l’oblige à chercher un job. Il entame une nouvelle expérience dans sa vie : écrire des demandes d’emploi. Des jours et des semaines plus tard, il ne reçoit aucune réponse. «Qu’est-ce que je vais attendre?», se demande-t-il. Il pense à l’argent, rien qu’à l’argent. «Je dois poursuivre mes études», pense-t-il. Il passe des nuits à penser au problème de son avenir. Mais il ne trouve aucune solution. Sa mère tente de l’apaiser, lui demande de s’en remettre à Dieu, de patienter. «Non et non ! Je dois trouver une solution, je dois poursuivre mes études à n’importe quel prix». Des idées noires commencent à lui hanter l’esprit. «Et pourquoi pas?», se demande-t-il. A quoi pensait-il au juste ? Au vol !. «C’est mon seul recours pour avoir de l’argent, poursuivre mes études et décrocher un diplôme en informatique». Rachid est convaincu que le marché du travail lui est fermé. Il pense au vol et il n’hésite pas une seconde pour entamer les préparatifs. Aussitôt, il s’adresse à ses amis du quartier, Tarek et Mounir. Il leur propose l’idée. Ils ne réfléchissent pas trop avant d’accepter. Ils n’ont rien à faire et n’ont pas de boulot. «Mais on ne volera pas n’importe quoi, on doit s’intéresser aux voitures», leur propose Rachid. Il leur parle comme le ferait un professionnel, sûr de lui-même. Le trio passe à l’acte.
Le premier jour était difficile pour lui; Rachid, Tarek et Mounir arrivent près de la Corniche, font un tour autour du parking situé près du Mac Donald’s. Ils ont remarqué un homme avec son fils en train de garer sa voiture. Ils l’ont guetté. L’homme descend sur la plage et se met à nager en compagnie de son enfant. Mounir les surveille de loin. Un moment plus tard, il met la main sur leurs vêtements, prend la clef de la voiture et retourne auprès de ses acolytes. Ils montent dans la voiture et démarrent. Trois jours plus tard, ils attaquent un autre automobiliste avec une bombe lacrymogène. Ils l’ont jeté dehors, pris sa voiture et démarré. Ils ont tout revendu à des ferrailleurs. Les poches du trio sont pleines d’argent. Rachid a actuellement l’argent nécessaire. Il s’adresse à une école d’informatique privée. Il n’a pas de problème pour payer les frais de scolarité et aider ses parents. «J’ai trouvé un travail qui me permet d‘avoir cet argent», affirme-t-il à ses parents.
Le 24 mai 1997, Tarek et Mounir étaient à bord d’un 4X4. Ils arrivent au douar Chems, quartier Essalam. Tarek hèle un garçon de neuf ans qui passe près d’eux. L’enfant s’approche. Tarek le tire vers lui, le fait monter dans la voiture et démarre. Arrivé dans une ruelle, il menace l’enfant avec un couteau, avant de le mettre dans la malle. Quatre heures plus tard, il téléphone à la famille de l’enfant, leur demande une rançon de 5.000 dirhams. Tarek avait déjà leur numéro car il avait une liaison avec la soeur de l’enfant, qu’il conduit le soir, non loin d’une école, au quartier Sidi Abderrahmane, tout près de son domicile. Rachid n’a pas participé avec eux à cette opération. Mais ils continuent, tous les trois, à attaquer les automobilistes avec des bombes lacrymogènes et des couteaux, à dévaliser leurs véhicules, à ouvrir avec des fausses clefs des voitures, à les revendre à des ferrailleurs. Mais Rachid ne cesse pas de poursuivre ses études. Trois ans plus tard , il a décroché le diplôme d’ingénieur en informatique.
Et pourtant, il a continué à voler des voitures. Il ne peut plus renoncer à cette habitude. Au contraire, son activité a connu un développement «remarquable». Il commence à utiliser les matériaux informatiques pour falsifier les papiers des voitures volées afin de les revendre à des prix raisonnables. Six ans plus tard, Rachid se trouve plongé dans le monde de la criminalité, bien que titulaire d’une licence en «maths appliquées» et d’un diplôme en informatique. Grisé, il ne réalise pas qu’il s’est noyé dans un monde pourri qui ne lui rapportera que la prison. Effectivement, la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca l’a condamné avec ses deux amis, Tarek et Mounir, à sept ans de réclusion criminelle.

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