Société

Dossier : Un commerce juteux

© D.R

Le camion serpentait le circuit de la palmeraie, à Marrakech et, curieusement, transportait des plants de palmiers. Cette cargaison n’est pas originaire de la palmeraie en question, mais bel et bien d’ailleurs : elle arrive principalement de la région de Zagora. Sa destination? L’une des villas cossues en pleine construction dans la zone. Il faut reconnaître que le palmier est un arbre de choix pour décorer son jardin. Aussi, ce phénomène de mode qui a subitement embrassé le dattier est au centre d’un commerce juteux. Un commerce dont une partie ne se fait pas sans porter préjudice à la palmeraie marocaine. Mais aussi d’un trafic en plein essor.
En effet, certains revendeurs de ces pieds de palmiers, que ce soit à Jamaâ Lafna, Chouiter ou ailleurs, reconnaissent à l’unisson que c’est un véritable massacre qui se déroule dans la région de Zagora. L’une des palmeraies du Maroc est en train de disparaître au profit de l’embellissement des grandes villes.
Les gens qui font leur beurre grâce à ce commerce savent comment s’y prendre, profitant de la situation de besoin dans laquelle se trouve la population locale. À la source, la pauvreté des autochtones ne leur laisse d’autres choix que de brader, souvent dans la douleur, des arbres qu’ils ont eux-même plantés et qu’ils ont vu grandir. Les néo-roublards du palmier de Zagora s’approvisionnent à des prix compris entre 100 et 200 DH. Ces prix atteignent, parfois, des proportions astronomiques lors de la revente dans certaines régions. Ainsi, à Marrakech, des plants de 3 à 5 mètres sont vendus à 1000 DH la pièce. Certains vendeurs plus futés peuvent en tirer beaucoup plus. Mais c’est en partant plus au Nord du Maroc que les compteurs s’affolent. Le responsable d’une société de jardinage, à Casablanca, affirme qu’un palmier adulte lui coûte jusqu’à 9.000 DH la pièce, livré sur-place en provenance de Zagora. Toutefois, précise-t-il, ses transactions se déroulent en toute légalité, s’approvisionnant dans une pépinière et disposant de factures pour chacun de ses achats.
Ainsi, cela démontre que le commerce du palmier n’est pas illégal, à condition que cela se fasse selon les règles de l’art. Disposer d’une pépinière ne ressemble en rien aux pratiques d’arrachage auxquelles recourent certains fournisseurs sans scrupule. À ce propos, les autorités font des mains et des pieds pour tenter de réguler cette pratique d’arrachage. Car on ne pourrait pas l’interdire catégoriquement. C’est une réalité sociale. Face à des besoins de plus en plus accrus et une pluviométrie en baisse constante, en plus des maladies qui ravagent tout sur leur passage, les agriculteurs, pour la plupart démunis, n’ont d’autres choix que de vendre une partie de leur plantation pour subvenir à leurs besoins élémentaires.
Par ailleurs, les répercussions de l’arrachage sauvage, de la sécheresse et des maladies, tel le «Bayoud» qui est fatal au palmier, sont désastreuses. Ainsi, plus des deux tiers de la palmeraie marocaine sont partie en fumée. En l’espace d’un siècle, celle-ci, qui s’étalait sur quelque 150.000 hectares, est passée à près de 44.000 hectares seulement. Une perte dangereuse pour cet arbre qui représente la culture de base de plusieurs régions du Maroc et qui fait vivre plus d’un million de personnes. Afin de contrecarrer cette détérioration constante, un programme d’intervention, d’une valeur de 87 millions de DH, a été élaboré par le ministère de l’Agriculture, du Développement rural et des Pêches maritimes dans l’optique de développer et de restructurer le secteur phoenicicole. Dans sa globalité, ce programme vise la mobilisation des moyens et des ressources, ainsi que l’amélioration des conditions de production par le biais de l’extension et la reconstitution des palmeraies.
Dans ce dessein, des variétés et clones compatibles avec les conditions spécifiques à chaque région et résistants au Bayoud seront remis aux agriculteurs.
Selon l’agence MAP, «ce programme prévoit la distribution de plus de 500 mille plants sur une période de 10 ans, dont 90 mille seront distribués durant les trois premières années (2006/2008), avant de passer au double durant la période allant de 2009 à 2015.» Un programme salutaire pour le palmier et qui, associé à un contrôle efficace de l’arrachage, permettra au Maroc de bien se repositionner parmi les pays producteurs de dattes, comme il le fut jadis, mais surtout de sauver un secteur en déperdition.

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