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Dr Hachem Tyal : «Ne pas se masturber est problématique»

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ALM : Pourquoi les hommes et les femmes se masturbent ?
Hachem Tyal : Il faut dissocier le monde des adolescents de celui des adultes. Chez les adolescents, c’est le meilleur moyen pour canaliser les pulsions sexuelles. Les adolescents sont plein d’hormones. L’adolescence est une période d’effervescence hormonale et fantasmatique. Un adolescent qui ne se masturbe pas est une personne problématique. On peut se demander si cela n’est pas dangereux pour l’adolescent de n’y avoir pas recours. Il faut savoir que la masturbation au cours de l’adolescence permet également de développer les capacités de fantasmer. Les rares personnes qui n’ont pas pratiqué la masturbation sont des gens qui au niveau de leur fantasme ont de gros problèmes par la suite. Contrairement à l’idée préconçue qui a prévalu pendant de nombreuses années, c’est ne pas se masturber qui est problématique. D’ailleurs, selon les études des sexologues américains Masters et Johnson, plus de 90% des femmes qui ne se masturbent pas n’ont pas d’organismes vaginaux. Alors que pour les femmes qui se masturbent, le taux d’échec n’est que de 10 à 12%. Par conséquent, ne pas se masturber est problématique. Je reçois assez régulièrement des femmes qui n’ont pas de partenaire sexuel et qui se masturbent car cela leur produit beaucoup de bien. Par la suite, elles culpabilisent après avoir vu un «fkih» ou un «âlem » qui leur explique qu’il est interdit de se masturber. Mais, les «ouléma» sont fous de dire une telle chose parce qu’ils culpabilisent quelque chose qui est déjà culpabilisée. Ils ne peuvent pas se rendre compte à quel point ils font du mal à ces personnes alors que la masturbation est une chose qui est vraiment basique. Quand la masturbation n’est pas pratiquée, elle est fortement préjudiciable à l’équilibre sexuel et psychologique de l’individu.

A partir de quel âge les jeunes commencent à se masturber?
Les gens commencent à se masturber durant la préadolescence et à l’adolescence. Il y a des jeunes qui se masturbent dès la puberté. En fait c’est très variable. Les enfants, le plus naturellement du monde, mettent la main sur le sexe. C’est une activité autoérotique par laquelle ils découvrent des sensations agréables, bien entendu sans orgasme. Il ne faut surtout pas les culpabiliser. Culpabiliser à outrance est une erreur phénoménale.

Quels sont les bienfaits de la masturbation ?
La masturbation a beaucoup de bienfaits. Si la ou le partenaire est absent, la masturbation permet de calmer ses pulsions sexuelles. Il y a des femmes veuves et qui n’ont pas la possibilité de se marier et qui accèdent au plaisir en se masturbant. A travers cet acte, elles se libèrent de leur tension sexuelle. Chez l’adolescent, la masturbation lui permet de canaliser ses pulsions sexuelles et d’être sûr de ses capacités sexuelles. Ainsi, la masturbation lui permet d’apprendre ce qu’est la jouissance et donc de développer tout ce qui a trait à sa sexualité. De grands auteurs n’avaient pas hésité à parler de ces bienfaits tels que Rousseau qui disait que c’est dans son auto-érotisme qu’il puisait son inspiration. La masturbation apaise. Tout comme le rapport sexuel, la masturbation favorise le sommeil. Je me souviens qu’un jour j’avais reçu un patient qui m’avait confié que lorsqu’il n’arrivait pas à dormir, il réveillait sa femme pour lui faire l’amour. Sa femme est en quelque sorte son somnifère.

Quand est-ce que la masturbation pose problème ?
La masturbation pose problème lorsqu’elle devient compulsive. Dans ce cas, il ne s’agit pas de troubles sexuels mais de troubles psychologiques d’ordre névrotique c’est ce que l’on appelle «les troubles obsessionnels compulsifs». C’est quelque chose qui nous pousse à le faire malgré soi. Ce n’est pas du tout une addiction. Mais il s’agit plutôt d’un trouble névrotique. Cela calme un certain type d’angoisse mais pas suffisamment et c’est ce qui explique pourquoi l’acte se répète. C’est une forme de névrose. C’est un trouble de notre fonctionnement qui détermine très tôt dans notre enfance la mise en place d’angoisses avec des comportements qui doivent les calmer. La masturbation compulsive se soigne à travers un traitement psychothérapeutique et médicamenteux qui arrive à calmer un peu ce dysfonctionnement. L’autre problématique que l’on peut retrouver et qui est un problème sexuel c’est quand on préfère la masturbation à l’acte sexuel, c’est-à-dire que la personne préfère se faire plaisir toute seule plutôt que d’avoir un rapport sexuel. C’est un trouble qui relève du ressort du sexologue.

Pourquoi se masturber quand on est en couple ?
Là aussi, il faut dissocier les hommes des femmes. L’homme se masturbe essentiellement en l’ absence de sa partenaire ou lorsqu’elle ne peut pas avoir de rapport sexuel pour certaines raisons (menstruation…). Un certain nombre de femmes ont recours à la masturbation en couple. C’est un plus dans leur vie sexuelle en ce sens qu’elles ont besoin de quelque chose d’autre pour arriver à jouir. Bon nombre d’entre elles préfèrent se caresser elles-mêmes pendant la pénétration car elles sentent une jouissance plus importante. D’autres femmes préfèrent plutôt que leur partenaire leur caresse le clitoris pendant la pénétration. L’homme a grandi dans un environnement qui pousse à la consommation et donc il est toujours à la recherche du plaisir alors que les femmes ont écrasé ce fonctionnement par leur éducation. Elles n’ont souvent recours à la sexualité que lorsqu’elles sont sollicitées.

Qu’en est-il des écrits sur la question ?
Durant l’ère victorienne, il y a eu plusieurs écrits à ce sujet. Un psychiatre et médecin légiste autrichien avait révélé à travers ses écrits des énormités sur la masturbation à savoir qu’elle rendait fou et que c’était quelque chose de dangereux, nocif sur la personnalité. Il y a plusieurs années déjà, j’avais lu dans des livres de médecine de famille qu’on demandait de faire attention à la masturbation car elle pouvait engendrer des troubles graves dans le cerveau, ce qui est terrible. La masturbation a été fortement culpabilisée jusqu’à ce que les Américains, en particulier les sexologues Masters et Johnson, effectuent des études statistiques à très grande échelle. A travers ces études, ils avaient remarqué que pratiquement tous les adolescents se masturbaient et que les garçons s’y adonnaient davantage que les filles. Ils avaient également expliqué les raisons, à savoir que les filles ressentaient un sentiment de culpabilité à se masturber. Elles évitaient de le faire jusqu’à ce qu’elles découvrent inopinément du plaisir, par exemple en faisant du vélo, du cheval ou en se frottant les cuisses. Pour les adultes, ces études ont montré qu’ils y avaient recours de manière fréquente et que plus de la moitié des couples mariés se masturbaient, ce qui est énorme. Souvent, elle se pratique en l’absence du partenaire. Ces dernières années, la masturbation se pratique fréquemment, les hommes en particulier lorsque leurs femmes dorment en visionnant des images pornographiques.

La masturbation compulsive
La masturbation ne devient pathologique que si elle est exclusive, c’est-à-dire que la personne ne parvient pas à obtenir du plaisir autrement ou lorsqu’elle devient compulsive. Dans ce dernier cas, elle est pratiquée régulièrement plusieurs fois par jour sans pouvoir se retenir et entre dans le cadre d’un trouble obsessionnel compulsif. Autrement dit, la masturbation devient alors une nécessité. Le but n’est plus de se procurer du plaisir, mais d’apaiser une tension, une angoisse, extérieure à la sexualité. Ainsi, ceux qui se masturbent trop ont le sentiment de ne plus maîtriser leur pratique, elle est réalisée par nécessité avec peu de plaisir, la motivation n’est pas la satisfaction sexuelle mais l’apaisement d’une tension dont la source est extérieure à la sexualité. L’activité masturbatoire compulsive est le signe d’un mal être ou d’angoisses. Dans ce cas, il est nécessaire de consulter un médecin afin de soigner ce trouble.

 

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