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Droits des personnes souffrant de troubles psychiques : Un collectif de 10 associations s’indigne

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Projet de loi n°71-13 présenté par le ministre de la santé au Parlement

Un texte imprécis et incomplet. C’est en ces termes que les associations qualifient le projet de loi n°71-13 récemment présenté par le ministre de la santé au Parlement. En effet, un collectif de dix associations de parents et amis de personnes souffrant de troubles psychiques dans diverses villes du pays a élaboré un mémorandum pour la santé mentale. Une initiative citoyenne qui revient essentiellement sur la prise en charge des personnes atteintes de ces troubles et sur leurs droits. «L’opinion publique doit être sensibilisée à la gravité de la situation», souligne Hachem Tyal, psychiatre, membre du premier collectif des associations de psychiatres pédopsychiatres ayant participé à l’élaboration des amendements dudit projet et membre actuel du collectif des associations des parents et amis souffrant de troubles psychiques et d’usagers de la psychiatrie.

Au Maroc, 48,90% des Marocains de plus de 15 ans ont fait ou feront l’objet à un moment de leur vie d’un trouble mental allant de l’insomnie jusqu’à la psychose, soulève le collectif. Tout en saluant la bonne intention du ministère de la santé de faire une loi compatible avec le droit international et axée sur la protection des malades souffrant de troubles psychiques, Hachem Tyal a souligné que «l’esprit dans lequel a été élaborée la loi a été marqué d’une part par une crainte illusoire du législateur que certaines personnes puissent subir une hospitalisation abusive alors que cela n’existe plus de par le monde depuis plus de 30 ans et d’autre part par la perception des malades comme étant véritablement dangereux assimilables à des prisonniers». Le collectif explique par la voix de son membre que ce projet de loi va entraver gravement l’accès aux soins psychiatriques alors qu’ils sont déjà très difficiles vu la rareté des lits d’hospitalisation et le très faible nombre de psychiatres par habitant. Pour preuve, la complexité des exigences en certificats en début d’hospitalisation émanant de médecins différents. M. Tyal explique que «les parents de patients vont devoir gérer cette difficulté dans la plupart des villes du Royaume.

De la même manière le directeur de l’institution d’accueil va refuser l’hospitalisation s’il n’a pas à disposition les médecins requis». Plus encore, ce projet de loi ne respecte pas la confidentialité et le secret professionnel avec comme conséquence que les familles vont éviter l’hospitalisation malgré les risques qu’ils encourent. Le collectif donne pour exemple l’accès non protégé aux dossiers, les correspondances non protégées à l’autorité et à une commission régionale. Les insuffisances ne s’arrêtent pas là selon le collectif des parents et amis souffrant de troubles psychiques et d’usagers de la psychiatrie. Le projet ne fait pas la distinction entre les hospitalisations sans consentement légères et courtes qui concernent des accès aigus le plus souvent sans lendemain et les cas très lourds regroupés tous sous le vocable hospitalisation involontaire. «Cette assimilation va faire fuir la psychiatrie par ses usagers», précise Hachem Tyal.

Prise en charge aux frais des familles et sanctions à outrance
Le spécialiste pointe du doigt l’impossibilité dans le projet de loi de recevoir, pour un patient, certains traitements psychiatriques qui réglaient d’énormes problématiques dans les familles. Il s’agit en particulier des traitements neuroleptiques à action prolongée qui ne devront plus être prescrits sans l’autorisation d’une commission. Pour ce qui est des frais d’hospitalisation, les familles seront dorénavant obligées de prendre en charge les frais sous contrainte alors que la précédente loi ne le prévoyait pas. Une situation compliquée pour les familles puisqu’elles devront payer une hospitalisation qu’elles n’ont pas demandée. Par ailleurs les mesures punitives de ce texte de loi font également objet de controverse. Ainsi, le collectif estime que les sanctions pénales du projet de loi sont à outrance. Le médecin et le directeur de l’établissement de soins risquent jusqu’à 5 ans de réclusion pour une omission involontaire.

Une ambiance qui ne favorise pas les chances de guérison des patients. Le collectif dénonce également la lourdeur des procédures administratives qui va avoir des retombées directes sur les soins. «Les médecins sont peu disponibles pour leurs patients vu leur nombre réduit. Ils vont l’être encore plus, occupés qu’ils seront à gérer les certificats et autres documents à faire et à suivre», souligne le psychiatre. De même, la confiance entre le médecin et son patient va être grandement compromise vu le nombre d’exigences de sécurité supposées dans l’esprit du projet de loi, faisant ainsi régner un climat de suspicion. Plus encore, le texte ne prend pas en compte des éléments pratiques essentiels et urgents «comme le transport des malades qui se fait, mais en toute illégalité alors qu’il sauve souvent des vies et des familles», indique le psychiatre et membre du collectif. Par ailleurs, certaines catégories pourtant vulnérables sont omises par le projet de loi, à savoir les enfants et les adolescents. D’autant plus que l’obligation pour l’Etat de reconnaître les professions associées à la prise en charge des malades mentaux n’est pas évoquée. Pourtant ces professionnels du soin constituent des éléments majeurs de tout projet de soins en psychiatrie, indique Hachem Tyal.

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