Société

Enseignement : la francophonisation au détriment de l’arabisation

© D.R

Sans vergogne ni scrupule, certains, pourtant marocains, s’évertuent à traiter la langue arabe de langue vouée à être rangée au rayon des langues enfermées sur elles-mêmes, destinées uniquement à communiquer avec (….. les Arabes). L’auteur de l’article en question s’acharne avec passion à démontrer que tous les maux dont souffre la société marocaine, sont dus essentiellement à l’utilisation de cette langue qui n’a produit, d’après lui, que des analphabètes diplômés sans avenir ni possibilité d’insertion dans un monde en mouvement. Cette attaque constitue une insulte à la mémoire de ceux qui ont pourtant contribué au développement de la science par le biais de cette langue qui a tant donné, irrigué et enrichi les langues latines. Mon propos n’est pas de nier l’apport et l’importance des langues étrangères, bien au contraire, il convient d’encourager nos enfants à s’approprier deux langues étrangères au moins, sinon plus, sans pourtant négliger la langue arabe : langue maternelle et reconnue langue officielle. Le ministre de l’Enseignement reconnaît lui-même que l’échec de l’enseignement n’est pas le fait de la langue arabe, mais plutôt de l’incohérence qui a prévalu entre le secondaire et l’université dans la mesure où les matières scientifiques enseignées au secondaire en arabe l’ont été en langue française dès les portes de l’université franchies.
L’échec de notre enseignement réside davantage dans l’inadéquation entre le produit de l’université et la demande du marché du travail. Durant les 3 décennies écoulées, nous avons produit en quantité abondante des lauréats des facultés publiques possédant des diplômes en littérature, philosophie, histoire, ou la chariaâ  sans commune mesure avec les attentes du marché demandeur d’expertise en matières technique et économique. Ces diplômés qui déclenchent l’hilarité lorsqu’ils prennent la parole et ce d’après l’auteur de l’article, s’ils ont à rougir n’ont pas à le faire parce qu’ils maîtrisent mal le français mais plutôt parce qu’ils maîtrisent mal leur langue maternelle et aussi du fait que leur profil de formation est inapproprié par rapport aux besoins du marché de l’emploi.
Il semble d’après les mêmes détracteurs que le fait de revendiquer la langue arabe, relève du conservatisme, voire de la schizophrénie. Je pense que ces attaques ne doivent pas passer inaperçues, elles doivent donner lieu à un débat de fond, car il va de notre identité, et nos capacités à défendre nos valeurs dans le concert des nations. La question qui se pose, avec acuité, est de savoir si nous voulons gagner notre insertion dans le concert des nations développées ou tout simplement nous laisser dissoudre à petite dose. Nous constatons depuis 3 ou 4 années une accélération dans le processus de « francophonisation » à tous les niveaux et ce, au détriment de la langue arabe.
Cette mutation est présente avec force aussi bien dans les enseignes publicitaires des différents commerces, qu’à travers les médias, radios et télévisions. Bien plus, certaines chaînes radio se déploient à produire au vu et au su de tout le monde une langue mixte , une espèce de galimatias, du français et de l’arabe, quelle trouvaille !! Une fois de plus, je ne conteste nullement l’utilisation des langues étrangères, et notamment les langues française, anglaise et espagnole, mais il faut bien admettre le principe de mettre chaque chose à sa place. Réservons des heures entières aux émissions en langue étrangère, mais de grâce, pas de mixage sordide, ne profitant à aucune des deux langues, bien au contraire cette approche invite à l’appauvrissement des capacités à s’exprimer dans les deux langues. Elle détruit l’effort qui est à la base de toute aisance. D’autre part, un visiteur étranger qui se rend pour la première fois au Maroc, aura du mal à reconnaître qu’il est dans une ville marocaine, car les enseignes publicitaires sont en grande majorité exprimées en langue française et de plus en plus anglaise même lorsque ces dernières présentent des produits de consommation de base, adressés spécifiquement à la classe moyenne à majorité arabophone.
Où allons-nous à travers cette cacophonie?
Y a-t-il un message à décoder derrière cette sérénade, d’un néo modernisme à inventer ?
Avons-nous honte de revendiquer notre marocanité ?
Une société qui se détache de ses racines aura du mal à compter demain sur ses propres enfants pour défendre et porter le flambeau des fondamentaux de la nation. Les citoyens deviendront des citoyens du monde tout court sans être citoyens de nulle part. Or, il me semble que la mondialisation qui se traduit par une ouverture sur le monde n’a pas pour vocation de vider et de détruire les substances essentielles des nations, en l’occurrence les cultures, mais plutôt de faciliter les échanges socio-économiques et culturels. L’ouverture sur le monde doit nous permettre d’échanger nos expériences sans pourtant détruire nos identités. Il faut citer, comme exemple, la Turquie dont la langue n’est parlée nulle part au monde, sinon par sa diaspora, en dehors de la Turquie. Pourtant l’usage officiel et populaire de la langue turque n’a pas empêché ce pays de réaliser des taux de croissance à deux chiffres. Les problématiques de développement se situent ailleurs. De grâce ne faites pas de l’arabe le bouc émissaire des échecs répétés et répétitifs que nous vivons. Soyons fiers de ce que nous sommes, apprenons à nos enfants à communiquer dans leur langue maternelle. Faisons en sorte que nos enfants maîtrisent deux autres langues au moins, apprenons leur à aimer leur patrie, nos traditions, nos coutumes, vous verrez que nous serons plus attractifs pour le reste du monde.

  Abderrahim Lahjouji (*)

(*)Président du parti Forces citoyennes et ancien président
de la CGEM

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