Société

Événement : CIH : une affaire viciée dès le départ

Les enquêteurs, cela s’est vérifié, étaient mal outillés. La commission ne comprenait aucun membre, connu pour ses penchants bancaires, ni être un homme de l’art bancaire. Nombreux, parmi les 24 députés, ceux qui ne savaient pas démêler les fils d’une affaire complexe, à laquelle les interventions politiques, au sens le plus large, n’étaient pas étrangères.
Aujourd’hui, après la publication du fameux rapport, le commun des mortels peut prétendre avoir tout compris et même s’estimer en mesure de discuter du fonds des rouages financiers. Comme d’ailleurs n’importe quel intellectuel peut avoir l’audace d’aborder le physique nucléaire dans son contenu le plus pointu ou de la cybernétique.
En principe, une commission d’enquête, fut-elle formée des meilleurs spécialistes d’un domaine donné, fait appel à des experts du métier, nationaux ou étrangers, se fait seconder officiellement par un ou des cabinets d’audit et par le recours à des conseils d’hommes qui font autorité en la matière. Cette démarche a le mérite de parvenir à la vérité, sans risque de son dévoiement par des implications directes ou indirectes.
D’ailleurs l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) a eu le courage de soulever cette question, à la suite de la publication du rapport parlementaire sur le CIH. «La commission a étudié plus de 4 000 documents, ce qui lui a permis de prendre connaissance de plusieurs éléments du dossier CIH. Cependant, l’exploitation meilleure des documents nécessitait de faire appel aux services d’experts et de professionnels», lit-on dans le communiqué rendu public à cette occasion. Et de poursuivre : l’OMDH «constate que l’utilisation par la commission de l’ensemble des moyens mis à sa disposition pour accomplir sa mission se sont révélés insuffisants ; donc il est nécessaire de doter les commissions d’enquête de moyens matériels et humains à sa hauteur ».
Le même constat est fait par de grands spécialistes de la banque, qui estiment que les parlementaires ne se sont pas dotés des principaux moyens indispensables à une enquête sérieuse. Ainsi, nos députés se sont contentés de la compilation des documents, « d’inquisitions » et de traitement de façade d’une mission pourtant noble. Forte du « précédent Fès », quand une première commission d’enquête parlementaire a vu le jour pour rapporter la vérité sur les événements dramatiques de la ville, l’équipe chargée du cas CIH a fait un véritable travail d’amateurs. Sans savoir faire pointu en matière de gestion bancaire, elle a plus obéi aux impératifs politiques que réaliser un travail remarquable en matière d’investigation, de méthodologie et de conclusions. Plus grave encore, certains de ses membres n’auraient pas mérité d’y figurer à cause « d’antécédents » avec la même banque. Ils seraient intervenus pour obtenir des facilités et avantages à leur profit ou pour de tierces personnes. D’immenses pressions auraient été exercées pour tenter d’obtenir des crédits, la révision des taux, etc. D’où l’éventualité de règlements de comptes, qui, dans la confusion générale, ne disaient pas leurs noms. Et puis, c’est connu, les demandes « d’aide » ou les injonctions ne provenaient pas seulement des personnes de la haute sphère de l’Etat. Bien des hommes politiques et des parlementaires auraient bénéficié du laxisme, des faiblesses ou de la peur du chantage. Ils auraient fait appel à des ministres influents de l’époque incriminée pour obtenir des passe droits. De même des clients, qui se trouvaient dans des situations similaires à ceux qui sont cités par le rapports, auraient été omis volontairement. Car ils sont liés à quelques formations politiques. Et pas n’importe lesquelles… Bizarrement, aucune trace de ces « protégés » de la politique politicienne, dans le fameux rapport. Nos équitables parlementaires, pour noyer le poisson, auraient volontairement gonflé le manque à gagner causé par les détournements et la «mauvaise» gestion. En mettant en avant surtout les intérêts non recouverts et la différence des taux pratiqués. La seule chose à mettre au crédit de la commission est d’avoir élucidé les détournements de fonds de la banque pour des dépenses personnelles et familiales. Mais les accusations sur la mauvaise gestion (créances, taux d’intérêt préférentiels et manque ou insuffisance de garanties) semblent, de l’avis d’hommes au fait de la chose bancaire, complètement fallacieuses.
Les spécialistes de la banque estiment que, dans certains cas, des taux extrêmement bas ou même un taux zéro % peuvent être justifiés. Des confirmations que des hommes politiques, style ou génération des années quatre-vingt-dix, ne sont en mesure ni d’écouter, ni de comprendre. Ils ne voyaient, face à la suprématie du savoir des témoins et des enquêtés, que des pots-de-vin. Partout. Une grave ignorance. Car le CIH n’est ni seul sur le marché du crédit, ni bénéficiaire d’un monopole quelconque. C’est ce que rappellent avec insistance des experts en banques. Et puis, c’est connu, aucune banque n’aimerait recourir à la Justice. «Elle serait perdante, en fin de compte». Sur toute la ligne. Les directions de banques privilégient la renégociation des taux d’intérêt et l’accord de facilités de paiements, pour obtenir des remboursements immédiats. Le temps c’est de l’argent. Et l’hypothécaire jugement qui sera rendu par les tribunaux pourrait être une chimère, au point de ne recouvrer même pas la dette principale. «Le panier, sans le raisin», comme le dit si bien un dicton bien de chez nous.
Mais le noyau dur de nos enquêteurs n’avait que faire de la rigueur scientifique et des logiques bancaires. Et puis, pourquoi «se casser la tête» avec ces chiffres ?
L’essentiel est de montrer du doigt deux gros calibres avec des charges supposées réelles, de faire une estimation trop approximative et «tant pis» pour les gens qui peuvent être innocents ! La démagogie et le populisme pour en finir avec un dossier trop gênant même pour certains hommes politiques. Il est vrai que les voleurs doivent payer et que les mauvais payeurs doivent repasser à la caisse. Mais est-ce une raison pour ne pas chercher, éperdument, la vérité et éclabousser des gens qui peuvent être VRAIEMENT innocents ?

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