Société

Événement : Les droits de la femme demeurent bafoués

ALM : Vous avez observé un sit-in jeudi 6 mars devant la wilaya de Casablanca. Quelle signification donnez-vous à cette forme de protestation ?
Maria Charaf : Par notre sit-in du jeudi 6 Mars devant la wilaya de Casablanca, nous avons voulu rappeler aux autorités marocaines que nous sommes en colère devant le retard de la refonte du statut de la famille, que nous sommes uni(e)s pour défendre notre cause. Un autre sit-in est annoncé ce vendredi 7 mars devant le Parlement à Rabat, et va avoir lieu de 19 heures à 19 heures 30mn. En effet, le 8 mars 2003 est une occasion pour nous, démocrates et femmes marocaines, de rappeler, à l’opinion publique et aux décideurs, que la femme au Maroc n’a pas encore accédé à l’ensemble des droits humains, et que le peu de droits qui lui sont accordés sont souvent bafoués.
Nous constatons avec amertume que le gouvernement précédent n’a pas tenu ses engagements d’oeuvrer pour la promotion des droits des femmes, qu’il avait annoncés dans sa déclaration devant le Parlement. Quant à l’actuel gouvernement, il s’est complètement dessaisi de ce dossier. Il a démontré son désintéressement total en affectant des missions de second ordre aux rares femmes qui font partie de son équipe et en les mettant sous la tutelle d’un ministère dirigé par un homme (à l’instar de ce qui se fait actuellement pour la refonte du statut de la famille). Aussi, nous avons axé notre campagne, cette année, autour de cet appel : «Ensemble pour une législation familiale qui préserve la dignité et qui garantit l’égalité entre les femmes et les hommes».
Pourquoi prétendez-vous que la situation de la femme marocaine est toujours au point mort depuis l’indépendance ?
Le statut de la famille actuel est l’héritage d’un passé dépassé. Il est incompatible avec le vécu réel des familles et de la société, et il est en total déphasage avec l’arsenal juridique national: droit commercial, droit civil, droit pénal… Nous demandons aux autorités d’intervenir d’urgence, pour que l’adoption des textes juridiques de la législation familiale passe par le même itinéraire que celui par lequel sont adoptées les autres lois. Nous appelons aussi ces autorités à tenir leurs engagements de rendre la législation nationale compatible avec les conventions sur les droits humains, que le Maroc a signées et à lever les réserves que le Maroc a formulé sur certaines de leurs clauses.
Pensez-vous que la réforme de la Moudawana va avoir lieu dans des délais très proches vu la nature et l’ampleur de la polémique qui persiste à cet égard ?
Il est difficile d’envisager une réelle refonte de la législation familiale avec l’actuelle composition de la commission chargée de cette mission, où ne siègent que trois femmes sur un effectif total de tant d’hommes, dont une majorité de sexagénaires conservateurs.
Je pense que la refonte des textes de la législation familiale est possible si les pouvoirs publics démontrent une réelle volonté dans ce domaine, en dépassant le niveau des discours aux actes concrets en remplaçant le statut de la famille actuel par une législation familiale, qui préserve la dignité et qui garantit l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pourquoi, d’après vous, malgré les efforts entrepris par des ONG défendant la cause de la femme, aucune avancée n’a été enregistrée dans ce sens ?
Les ONG déploient beaucoup d’efforts pour aboutir à une législation familiale équitable, mais se heurtent à la politique hésitante des autorités qui, malgré un discours ouvert, ne mettent pas encore en place les mécanismes efficaces pour concrétiser leurs engagements, et cèdent facilement aux calculs politiques de certaines mouvances qui font de la question de la femme un tabou. D’ailleurs , il faut noter que les autorités ne cèdent actuellement que sur le terrain des droits des femmes, ce qui constitue une atteinte flagrante au droit d’égalité de traitement envers les citoyens.
Existe-t-il une réelle coordination entre les différentes organisations féministes ou est-ce que chaque entité navigue indépendamment des autres ?
Cette année encore, à l’instar de l’année dernière, l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) a appelé à une coordination nationale et régionale des activités de commémoration de la Journée du 8 Mars. Cette coordination concerne des ONG, des syndicats et des partis de la mouvance démocratique. Nous allons oeuvrer pour que cette coordination s’inscrive dans la durée, jusqu’à ce que la femme marocaine recouvre ses droits fondamentaux. C’est le slogan de notre association, l’AMDH, pour l’année 2003. Je dois rappeler que la coordination entre ONG ne date pas d’hier. Elle remonte aux années 80 et 90. Ces dernières années ont vu la naissance du Réseau et du Front de Défense des Droits des Femmes, puis du Printemps de l’Egalité et actuellement nous voyons naître une instance de coordination à l’échelle nationale et régionale, qui a organisé les sit-in du 6 mars à Casablanca et du 7 mars à Rabat, ainsi que les tentes qui seront montées du 4 au 9 mars à Rabat et du 7 au 9 mars à Casablanca, pour promouvoir les droits des femmes auprès des citoyens. Cette coordination appelle au port du badge rouge, avec l’inscription : «Ensemble pour une législation familiale qui préserve la dignité et qui garantit l’égalité entre les femmes et les hommes».
Le port du badge est prévu durant trois jours, les 6, 7 et 8 mars 2003.
Je suis convaincue que les autorités finiront par comprendre que la promotion des droits des femmes est un puissant levier pour le développement du Maroc.
Nous allons de notre côté, à l’AMDH, oeuvrer pour que cette coordination englobe, à l’avenir, d’autres actions, afin de réaliser notre objectif d’obtenir pour toutes les femmes leurs droits humains.

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