Les professionnels craignent une rupture de stock
[table class= »Encadre »]Actuellement, seules cinq entreprises ont réussi leur reconversion. Ayant démarré le processus en 2015, elles assurent actuellement l’approvisionnement du marché. |
«Nous avons du mal à gérer la demande en sacs remplaçant les sachets en plastique». Une phrase qui retentit à chaque fois que l’on aborde un fournisseur ou revendeur à propos de l’alternative adoptée après l’entrée en vigueur de la loi interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation et l’usage des sacs en plastique. Depuis le 1er juillet courant, le Marocain se voit contraint de changer une habitude qui lui était très familière : celle d’emballer ses courses dans un sac en plastique. Sur le terrain, consommateurs et commerçants ne cessent de souligner l’indisponibilité d’alternatives à la «Mika». Simple effet de perception ou réel problème de substitution sur le marché ? Du côté des commerçants et de certains industriels, contactés par Aujourd’hui Le Maroc, on parle de pénurie des sacs en papier, de difficultés à s’approvisionner, voire, selon certaines sources, d’une prochaine rupture de stock puisque ce dernier ne représenterait que l’équivalent de 3 à 4 jours pour couvrir les besoins. Tout autre son de cloche du côté du ministère de l’industrie dont les responsables se veulent rassurants quant à la disponibilité des emballages alternatifs aux sacs en plastique. Aujourd’hui Le Maroc a mené l’enquête. Tour d’horizon.
200 millions DH pour la reconversion
Parallèlement à la promulgation de la loi 77-15 mettant fin aux sacs en plastique au Maroc, l’État a déployé un dispositif dédié au secteur de la plasturgie et plus spécialement aux unités qui fabriquaient les fameux sachets. Un plan de reconversion des unités productrices est actuellement mis en place pour assurer la transition dans les meilleures conditions. En tout cas, du côté du département de l’industrie, on nous assure que toutes les mesures sont prises de manière à ce que la loi n’impacte pas de manière sévère les fabricants.
Cette reconversion, selon le ministère, «peut être élargie même aux fabricants de produits non concernés par l’interdiction». Ainsi, quatre initiatives sont prises en compte dans le cadre de ce programme d’accompagnement. La première concerne les entreprises créées avant le 10 décembre 2015 et qui souhaitent fabriquer des produits autres que les matières en plastique concernées par l’interdiction prévue. Il s’agit d’entreprises pour lesquelles les sacs en plastique représentent plus de 30% du chiffre d’affaires. Pour ces entreprises, l’État a mis en place un fonds d’investissement de 200 millions de dirhams. Il s’agit là d’un montant initial qui pourrait éventuellement être augmenté au besoin. L’État attribue dans ce sens une allocation allant jusqu’à 14 millions de dirhams par entreprise.
Cette aide, qui peut aller jusqu’à 50% de l’investissement global, servira à remplacer l’équipement actuel de la société bénéficiaire par un matériel neuf adapté au besoin du marché. Elle comprend également la prise en charge des prestations de service liées à la commercialisation. La deuxième initiative s’adresse aux entreprises, exclues de l’interdiction stipulée par la loi 77-15. Il est question de fabricants de sacs de congélation et surgélation, sacs poubelles, sacs isothermes, sacs industriels, etc. Le soutien financier porte, à cet égard, sur un montant plafonné à 9 millions de dirhams par entreprise, couvrant 50 % de l’investissement nécessaire au processus d’adaptation des équipements. Selon le ministère de tutelle, ces entités doivent respecter certaines caractéristiques qualitatives comme le marquage qui doit être visible sur leurs sacs. La troisième mesure engagée concerne les entreprises qui fabriquent une très faible quantité de sacs en plastique. Une activité qui doit représenter moins de 30% de leur chiffre d’affaires global. L’accompagnement prévu s’inscrit dans le programme «Imtiaz» initié par Maroc PME. Les structures opérant dans l’informel ne sont pas non plus écartées du circuit de reconversion. L’État met à leur disposition un accompagnement pouvant atteindre 2 millions de dirhams par entreprise, et ce dans une optique de formalisation de leurs activités.
Des unités pourtant structurées sont à l’arrêt
«Aucune entreprise n’a bénéficié, à ce jour, de cette subvention». C’est ce que nous confirme une source opérant dans le secteur de la plasturgie. Selon notre interlocuteur, souhaitant garder l’anonymat, les bénéficiaires potentiels élaborent actuellement un business plan qui par la suite sera présenté à Maroc PME (l’ex Agence nationale pour la promotion des petites et moyennes entreprises). Interrogé sur les difficultés qu’ont les entreprises à se reconvertir, la réponse de cet industriel est sans équivoque : «Il est impossible d’opérer une reconversion totale en aussi peu de temps».
L’Etat a, en effet, donné aux industriels un préavis de 6 mois. Mais la durée est jugée trop courte par les chefs d’entreprises. En formulant sa propre lecture des faits, un autre industriel nous a confié que la loi n°77-15 a été mise en place «sans qu’il y ait un véritable travail autour». Et de préciser : «Bien que la volonté derrière cette loi soit bonne, la mise en place a été mal gérée. Il aurait été préférable que ce projet soit étalé sur une dizaine d’année et que le plastique soit enlevé ou réduit de manière sectorielle et progressive». Pour lui, «le sachet en plastique ne disparaîtra pas en si peu de temps». Toujours selon la même source, 80 % des usines de fabrication de sac en plastique sont toujours dans l’informel. N’ayant toujours pas touché de subvention, les entreprises structurées (20% du marché) ont suspendu leurs activités. Un constat qu’Aujourd’hui Le Maroc a pu confirmer en tentant de joindre quelques entreprises connues comme Plasticas et Marcoplast. Contactées, ces deux entités confient en effet que leurs usines sont à l’arrêt depuis la promulgation de la loi.
[table class= »Encadre »]Meriem Laftouty et Salma Sobhi
(Journalistes stagiaires)