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Gajmoula Bent Abbi : «L’Etat a toujours traité la région du Sahara sur une base tribale»

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Vous avez récemment évoqué la question de la conflictualité entre les tribus lors des élections du 12 juin. Quel est le risque que représente cette question?
Gajmoula Bent Abbi : Le risque est double. D’une part, cette conflictualité crée une sorte de discorde au sein de la société sahraouie dont les habitants vivent en parfaite harmonie et homogénéité. Tous les habitants des provinces du Sud sont des familles et des frères. C’est en quelque sorte un mélange de tribus. L’accentuation des conflictualités tribales est en mesure de semer la «fitna» au sein des mêmes familles. D’autre part, et au niveau des élections, la compétition doit avoir lieu sur la base des programmes et non pas entre les tribus. Cela est très dangereux et contraire aux règles de la démocratie. La «fitna» que crée cette conflictualité est contraire aux principes de la société sahraouie basée sur la fraternité et l’amitié. Ceci dit, cette conflictualité porte largement atteinte à la crédibilité de l’Etat. Car on peut se demander dès lors si on est réellement dans un régime tribal ou un régime démocratique. Il y a une autre question qui est également très importante. Le Maroc vient de présenter un projet d’autonomie moderniste pour les provinces du Sud. Il doit ainsi montrer qu’il est capable de mettre fin à un tel phénomène car il ne cadre pas avec son projet.

Certains estiment que cette conflictualité qui a marqué, selon vous, l’opération électorale, constitue un phénomène normal qui rentre dans le cadre de la compétition entre les partis politiques. Qu’en pensez-vous?
La conflictualité entre les tribus est loin d’être normale. La compétition entre les partis politiques lors de la campagne électorale doit être transparente et honnête. Les élections ne constituent pas une affaire de pure formalité. Elles sont porteuses de projets visant à améliorer les conditions de vie des citoyens et trouver des solutions à leurs problèmes. Les élections doivent avoir pour objectif l’émergence d’élites élues par les habitants. Alors que la compétition sur la base tribale est un mal ni plus ni moins.

Quelle est, à votre avis, la partie responsable de l’accentuation de cette conflictualité?
J’ai moi-même posé la question au ministre de l’Intérieur Chakib Benmoussa lors de la réunion de la Commission de l’Intérieur. Je me suis demandé : quel le responsable de cette situation ? Et qui tire profit de cela ? Lors de mes rencontres avec les citoyens, ils étaient plusieurs à mettre le point sur ce problème. Je pense que les responsables doivent être conscients du danger que représente la conflictualité entre les tribus. Nous voulons promouvoir l’esprit de fraternité entre les tribus.

Certains observateurs pensent que c’est l’Etat marocain qui a favorisé la reproduction des valeurs tribales et est ainsi responsable de cette situation. Qu’en pensez-vous?
Malheureusement, l’Etat marocain a toujours traité la région du Sud sur une base tribale. Le Maroc est présent sur le territoire du Sahara depuis plus de trente ans à travers ses institutions. Cette attitude de l’Etat marocain a consacré chez les habitants cette vision des choses. Je pense que l’Etat doit se comporter avec nous en tant que citoyens et non en tant que tribus.
Le traitement sur une base tribale est catégoriquement rejeté. Certes, la tribu est très présente dans notre vie et nous en sommes très fiers. Ce que je dénonce c’est le côté négatif de l’affaire, c’est-à-dire la conflictualité, les agressions et le désaccord.

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