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Généralisation de la couverture maladie : Regards croisés sur les expériences marocaine et européenne

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«70% des Marocains ont une couverture de base mais elle n’est pas la même pour tous. Celui qui a la CNSS paie plus que celui qui a la CNOPS, mais le remboursement du premier est moindre par rapport au deuxième».

«La généralisation de la couverture maladie est un objectif partagé avec le Maroc». Ainsi s’exprimait, mercredi à Rabat, l’ambassadrice de l’Union européenne (UE) au Maroc à propos du chantier de la protection sociale lancé dans le Royaume. Claudia Wiedey, qui s’exprimait lors d’une conférence, initiée par le Policy Center for the New South avec l’EuroMeSCo et dédiée à «La nouvelle politique européenne de voisinage post-Covid-19 : Quel appui de l’UE au Maroc dans la généralisation de la couverture maladie ?», ne manque pas d’avancer des chiffres intéressants bien qu’ils soient à portée internationale. «Seulement 24% de la population mondiale bénéficie d’une protection sociale. 50% n’en a aucune», précise-t-elle.

Pour un accès direct à une protection sociale

A lui seul, le Maroc a, au sens de la responsable européenne, fait des «progrès, efforts et succès». «Il faut se baser sur ce qui a déjà été fait», avance-t-elle. Dans ce sens, elle met en avant l’approche de l’UE en tant que partenaire. «Nous travaillons sur des stratégies du Royaume. Mais le Maroc, c’est le Maroc !», exalte-t-elle en rappelant l’accompagnement du pays avec de l’expertise et du financement. Par l’occasion, elle rappelle un nouveau programme ambitieux et innovant, adopté en début 2021, pour la Méditerranée pour une économie verte. «C’est la première fois qu’une stratégie pareille résulte d’un processus consultatif», se félicite-t-elle. C’est une douzaine de projets, dont celui de la protection sociale et la réduction des inégalités entre le rural et l’urbain, qui fait partie de ce programme. «Nous avons la tâche de construire ensemble l’avenir avec une protection sociale pour tout le monde et des programmes bénéficiant de financement correspondant», ajoute-t-elle. Cependant, elle n’hésite pas à s’exprimer sur des problèmes. Pour elle, ceux-ci concernent «la coordination et la cohérence». Le tout en plaidant pour un «accès à une protection sociale directe». Et ce n’est pas tout. Elle annonce la préparation d’un programme de couverture sociale de la population de la montagne sur la période 2021-2027. «C’est une population productive», commente-t-elle en rappelant que l’universalité en Europe a pris des décennies.

La «réponse la plus forte à la pandémie»

Egalement de la partie, Anas Doukkali, ex- ministre de la santé, estime, de son côté, que «la couverture sociale, qui n’est pas un fardeau, est la réponse la plus forte à la pandémie». Pour lui, ce chantier doit être accompagné de mesures législatives, notamment la loi-cadre 34, et financières via la contribution solidaire de l’Etat. Il met en avant des mesures de gouvernance par le biais d’un pilotage ainsi que des procédés indirects, soit la transition numérique. L’ancien responsable gouvernemental, qui indique que la généralisation va générer d’autres recettes en plaidant pour de nouveaux modes de gestion du secteur qui n’est pas que social mais aussi économique, pose même des conditions pour la mise en œuvre de ce chantier. Il s’agit, comme il l’indique, de poursuivre la mise à niveau de l’offre de soins, combler le déficit en RH, valoriser la fonction publique sanitaire, consacrer la dimension régionale en gestion sanitaire, faire des CHU des locomotives de développement régional, réaliser une prévention de maladies, faire du secteur libéral un partenaire de réforme et réussir la transition digitale du secteur.

Pas de formation en gestion des caisses

Au-delà de ces conditions, Abdelaaziz Adnane, directeur de la caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS), conçoit la protection sociale sous un angle de compétences. Tel qu’il l’explicite, il n’y a «pas de formation en gestion des caisses des malades». Dans ce sens, il met l’accent sur «l’absence d’institut de formation». «J’avais proposé au chef de gouvernement la création d’une école nationale de formation à la protection sociale mais cela a fait défaut», enchaîne-t-il en estimant que les acteurs de caisse se débrouillent comme ils peuvent. Et ce n’est pas tout. Il cite le montant de «300 millionsDH» comme manque à gagner, pour la CNOPS, sur des médicaments dont le prix est élevé par rapport à l’Europe. Quant aux dysfonctionnements, il les situe au niveau de l’équité et la solidarité. Dans ce sens, il indique que «70% des Marocains ont une couverture de base mais elle n’est pas la même pour tous».

«Celui qui a la CNSS paie plus que celui qui a la CNOPS, mais le remboursement du premier est moindre par rapport au deuxième», reformule-t-il. A ce propos, il plaide pour un «accès au même panier de soins et même taux de couverture». A propos de la loi-cadre, il estime qu’elle répond à certaines insuffisances comme la gouvernance. «Mais le premier périmètre de la protection sociale consiste à définir le réajustement des taux de cotisation», tempère-t-il. Mieux encore, le défi réside, à son sens, dans le pilotage de la protection sociale. Aussi, l’assurance maladie et la couverture de base sont, pour lui, très peu intégrées dans le système national de santé. «Je plaide pour que les finances sociales et la couverture médicale de base fassent l’objet d’un débat démocratique dans le Parlement», ajoute l’intervenant. De plus, il trouve que « les cotisations professionnelles ne peuvent pas financer à elles seules le système de couverture ». «Il y a un écart de 20 à 40 fois entre le prix déclaré et le PPM», poursuit-il en abordant les médicaments. En outre, il rappelle que les textes ne prévoient pas l’intervention des caisses en prévention des maladies. «Il est temps que notre Parlement puisse se saisir d’une loi sur la protection des malades et des assurés», enchaîne-t-il en allusion aux prises en charge, chèques et «noir».

Equité quand tu nous tiens !

A son tour, Larabi Jaidi, Senior Fellow au Policy Center for the New South, qui estime que la population marocaine est hétérogène, abonde dans le sens de M. Adnane. Pour M. Jaidi, il est question d’harmoniser les différents mécanismes existants. A son sens, il faut que «l’équité et la solidarité soient respectées». «L’harmonisation ne peut se faire que par la gouvernance», détaille-t-il. A ses yeux, les paramètres-clés consistent à assurer la pérennité du système à travers «un financement équilibré et une soutenabilité sur la longue durée». C’est cette pérennité qui constitue un défi pour lui. Quant aux maladies lourdes, il précise que l’anticipation a un coût à cet égard. De surcroît, l’orateur soutient la rationalisation de la relation entre patient et offre de soins avec une régulation financière et qualitative de cette offre, ainsi que la redéfinition des rapports entre «professionnels de santé, pouvoirs publics et caisses». Et pour une organisation du système, il avance la réduction des inégalités de soins entre les régions.

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