Société

Harcèlement sexuel : les langues se délient

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Vous avez dit harcèlement sexuel ?  Elles sont peu nombreuses à en parler et même à en prendre conscience lorsqu’elles en sont victimes.  Et pourtant, deux femmes, Najlae et Souâd, ont fait l’exception en s’insurgeant contre des abus sexuels que leur infligeait un de leurs collègues au travail. Elles ont déposé plainte contre lui au mois de mai dernier et c’est ce jeudi que l’affaire sera entre les mains du juge au tribunal de première instance de Rabat. «Ce n’était pas facile d’arriver à ce stade. Il a fallu beaucoup de courage et de persévérance pour que ces harcèlements sexuels fassent l’objet d’une poursuite en justice», reconnaît Fatiha au centre d’écoute et d’orientation juridique « Nejma » de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM).
C’est suite aux conseils du syndicat (UMT) des employés de l’hôtel où travaillent les victimes que celles-ci se sont dirigées vers le centre «Nejma», il y a de cela près d’un an. «Elles venaient chaque jour pour nous décrire en larmes ce que leur collègue leur faisait subir. Elles n’étaient pas seules dans cet hôtel à être victimes de harcèlements sexuels. Deux autres femmes partageaient les mêmes souffrances qu’elles, mais elles ont préféré quitter le travail au lieu de se défendre et c’est en majorité ce qui se passe chez nous», souligne Fatiha faisant référence à sa longue expérience en matière d’écoute.
Pour elle, cette affaire devra briser un tabou qui a longtemps entouré le harcèlement sexuel surtout dans le milieu professionnel. Si les femmes n’osent pas en parler, c’est par peur de perdre leur emploi et pour éviter des regards accusateurs plutôt que compatissants. «L’une des deux femmes qui ont choisi le silence s’est vue interdire le droit de porter plainte par sa famille. C’est une honte lui a-t-on dit que de parler des abus sexuels !», s’exclame cette militante. Parler de sexe quel qu’en soit le contexte reste difficile tout aussi que le fait de se battre pour se faire entendre.
Le centre «Nejma» qui a recommandé aux deux victimes de porter leur dossier devant la justice a eu beaucoup de mal à accomplir sa mission. C’est grâce à la constitution d’un réseau contre le harcèlement sexuel composé de différents organismes, associations et syndicats, que le dossier a véritablement fait bouger les choses autour de lui. Un sit-in a été organisé, en juin dernier, devant l’hôtel, une lettre a été adressée au directeur de l’hôtel appartenant à un groupe international et une pétition est toujours en cours. C’est à la suite de ce bruit qui devenait menaçant pour la réputation de l’hôtel que le principal accusé (sous-chef de cuisine) a été d’abord muté à Tétouan avant d’être suspendu de son travail. «Engager des poursuites en justice reste une procédure pénible, mais ce délit doit être sanctionné pour que des actes de ce type cessent», estime Fatiha.
Le code du travail considère le harcèlement sexuel comme étant une faute grave. Alors que le droit pénal prévoit une condamnation à une peine d’emprisonnement allant d’une à deux années et une amende de 5.000 à 55.000 DH contre toute personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa fonction par des harcèlements sous forme de menaces ou autres afin d’obtenir des faveurs sexuelles.
D’après les centres d’écoute des femmes victimes de violences, il n’y a pas que le silence qui fait durer le harcèlement sexuel, c’est aussi son ignorance par les victimes. Elles peuvent en témoigner sans savoir qu’il s’agit d’un harcèlement sexuel et donc d’un délit pouvant faire l’objet d’une plainte. Il faudra penser à des campagnes de sensibilisation, mais ce travail n’est pas seulement celui des associations. L’Etat doit aussi en faire son affaire, comme le soulignent les associations. Du 27 novembre au 20 décembre, la campagne annuelle de lutte contre la violence à l’égard des femmes abordera justement le harcèlement sexuel dans le milieu du travail, mais aussi dans les lieux publics. Ce sera le moment de faire prendre conscience de ce problème et de ses effets sur la femme.
 

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