Société

Hayat Amjaâ, revoir après 14 ans de cécité

© D.R

Connaissez-vous l’histoire de l’ophtalmologue et de la jeune villageoise d’Aït Atab (Azilal) ? Non, ce n’est pas un conte de fées, même si c’en a tout l’air. La réalité, parfois, fait cadeau de miracles auxquels on y croit à peine.
Dans la médecine, ce qui est arrivé à la jeune Hayat Amjaâ, 17ans, ne relève que d’une logique purement scientifique. La magie, elle, c’est ce sentiment indescriptible qu’a éprouvé cette jeune fille en redécouvrant la lumière dont elle a été privée…quatorze longues années ! Hayat, atteinte d’une cataracte congénitale bilatérale depuis qu’elle était enfant (3 ans), s’est retrouvée, tout d’un coup, plongée dans l’obscurité. Dans une petite maison perchée sur une montagne à 7km de la localité d’Aït Atab, Hayat était seule dans cet univers noir qui l’encerclait de tous les côtés. Ayant perdu très tôt son père, c’est sa mère qui tentait de combler le vide avec toute l’affection et l’amour que l’on pouvait offrir à son enfant.
Hayat vivait ainsi, tous les jours. Jamais, elle n’a mis les pieds dans une école ou même joué à cache-cache comme les autres enfants. Dans ces localités reculées, on a appris à accepter les fatalités et celle de Hayat n’en était qu’une parmi tant d’autres. Lorsque le brouillard s’est installé sur les cristallins des yeux, on se disait que le destin avait voulu que Hayat soit aveugle. Non, en fait, ce n’était pas le destin, mais plutôt l’inconscience qu’il ne s’agissait que d’une maladie oculaire des plus fréquentes et les plus opérées avec succès au Maroc. Hayat ne pouvait pas le savoir ni les habitants de ce village qui se trouvait à des centaines de kilomètres des structures sanitaires. Il aura fallu attendre cette initiative de l’association de développement d’Aït Atab pour que la chance vienne frapper à la porte de Hayat. «Un ami m’avait parlé, par hasard, de l’initiative humanitaire que s’apprêtait à effectuer, en mi-décembre 2006, l’association et j’ai proposé d’y intégrer une équipe de médecins volontaires, dont je ferai partie», raconte Dr. Brahim Afroukh, l’ophtalmologue qui sauvera Hayat.
A ce moment-là, ce médecin n’agissait que par conviction que son rôle était avant tout d’aider ceux qui en ont le plus grand besoin. Décembre dernier, il arrive, non sans difficultés, dans ce douar couvert de neige et entame les consultations. Plus de 650 personnes en ont bénéficié : «J’ai trouvé parmi elles plus de 70 nécessitant une opération chirurgicale, dont cette jeune fille, Hayat, qui m’a vraiment impressionné par son courage», se rappelle, tout ému, Dr. Afroukh. Hayat l’a marqué au point qu’il l’a considérée comme sa propre fille. «J’ai quatre filles et je me disais que Hayat était devenue la cinquième. Alors je n’ai ménagé aucun effort pour la convaincre de se soigner…», confie-t-il, les larmes aux yeux. Hayat ne parle que le tachelhit et c’est avec le Dr. Afroukh, originaire de Zagora (Tagonite), qu’elle discute librement. Ce n’est qu’après lui avoir donné sa parole qu’elle allait voir les couleurs et pouvoir choisir son mari, qu’enfin la peur a quitté l’esprit de Hayat. «Le délégué médical de Settat et le directeur de l’hôpital Hassan II où je travaille m’ont apporté un soutien précieux. Hayat a été hospitalisée gratuitement, il y a un peu plus de deux mois», indique cet ophtalmologue. Après des examens, ayant duré trois jours, Hayat est sur la table des opérations sous anesthésie totale. «Je n’ai pas eu de frissons, lors de l’acte chirurgical. J’étais, comme toujours, convaincu par mon objectif. L’opération n’a pris qu’une trentaine de minutes», précise le Dr. Afroukh. C’est en retirant les pansements couvrant les yeux de Hayat, un jour après l’opération, que l’ophtalmologue s’est apaisé : «Je lui ai montré deux doigts et elle m’a dit avec un large sourire : «sine» (deux en amazigh). J’allais sauter de joie!». Grande émotion dans tout l’hôpital où les youyous retentissaient. Hayat a retrouvé la lumière.
A Settat, elle est même devenue une vedette. A présent, les autorités locales s’engagent à prendre en charge sa scolarité et un soutien psychologique est en train de s’organiser à son profit. Hayat retrouve la vie qu’elle n’attendait plus.

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