Société

Ils tuent pour voler du bétail

Mardi 26 mars 2002. Dans l’après-midi. Un parking au quartier d’Aïn-Chok, à Casablanca. Les chauffeurs des taxi-colis y stationnent leurs véhicules. Chacun d’eux attend un client. L’un d’eux, Khaled, converse avec un ami à côté de sa Mercedes 207. Deux jeunes hommes s’approchent du véhicule, cherchant son propriétaire.
Khaled s’adresse à eux :
-Salut
-Salut, c’est toi le propriétaire de ce véhicule ?
-Oui. Je suis à votre service.
-Nous avons besoin de transporter des légumes et des fruits d’un champ situé dans la région d’Ouled Bouziri, province de Settat, à Casablanca. Mais pas pour aujourd’hui. C’est pour la semaine prochaine. -D’accord.
Khaled, plein de joie, convient d’un rendez-vous avec eux, leur donne son numéro de portable. La semaine prochaine est pleine de travail. «Tu nous transporteras plusieurs cargaisons», lui avaient appris les deux jeunes hommes. L’un s’appelle Mohamed et l’autre Bouchaïb, la trentaine, tous deux célibataire. Bouchaïb et Mohamed disparaissent le premier jour, le deuxième…une semaine.
Le mardi 2 avril. Le portable de Khaled sonne. -Qui est à l’appareil ? demande-t-il.
-Je suis Bouchaïb d’Ouled Bouziri, on va commencer aujourd’hui, dans l’après-midi…on se rencontre près du marché de légumes en gros, lui répond son interlocuteur.
L’après-midi. Ils se rencontrent. Khaled les conduit à côté de chez lui, à Sidi Othmane. Il les laisse à bord de sa voiture, monte à la maison, change ses vêtements, demande à sa femme de ne pas l’attendre pour la nuit.
«J’ai beaucoup de travail à Ouled Bouziri…alors je m’en vais parce que deux hommes m’attendent», dit-il à sa mère et à son frère. Khaled descend, monte dans la voiture et démarre. Destination : la région d’Ouled Bouziri. Ils conversent, parlent d’agriculture, de transport, des problèmes de la vie quotidienne. La nuit tombe. Bouchaïb lui demande de s’arrêter à Sidi Laâydi. Arrivant à ce centre, ils descendent, se rendent dans un restaurant, dînent ensemble. Khaled se lève, se rend aux toilettes. Bouchaïb et Mohamed échangent des regards.
– Je crois qu’on a commencé à jouer avec le feu, dit Bouchaïb à son ami Mohamed.
– Je n’ai rien compris, on a décidé et c’est fini, lui répond Mohamed.
– Mais maintenant, je crois que quelqu’un nous a vu ensemble et si nous avons…dit Bouchaïb sans ajouter un mot.
-Mais on peut…on peut le liquider, pourquoi pas ?
Bouchaïb écarquille les yeux. Il ne concevait pas qu’ils puissent en arriver à une telle extrémité. Ils n’avaient l’intention que de lui voler sa voiture, et non pas de le tuer. Mais apparemment, cela ne pose aucun problème à Mohamed.
Khaled les rejoint à la table. Il s’assoit et sirote son verre de thé. Puis les trois hommes quittent le restaurant, montent en voiture et reprennent leur chemin. Bouchaïb lui demande de s’arrêter. «Mais, nous ne sommes pas encore arrivés à Sidi Bouziri», lui dit Khaled. Bouchaïb insiste pour qu’il s’arrête. «Parce ce que nous sommes tout près des champs… Et nous devons y aller à pied…», lui explique-t-il. Khaled freine.
Ils descendent ensemble. Il n’y a que l’obscurité.
Khaled ne voit rien. Bouchaïb se met derrière lui. Prépare-t-il quelque chose? Khaled ne soupçonne rien. Il continue de marcher. Mais, soudain il hurle. Que lui est-il arrivé? Mohamed lui a asséné deux coups de barre de fer. Le sang gicle de sa tête. Il tombe à terre, les supplie, crie encore. Bouchaïb prend une corde, l’entoure autour du cou de Khaled et serre, serre violemment. Khaled se convulse, commence à perdre connaissance. Le sang coule à flots de sa tête…et puis, il rend le dernier soupir. Les deux acolytes lui fouillent les poches, mettent la main sur un téléphone portable et 320 dirhams. Ils prennent le cadavre, le mettent dans le coffre de la voiture. Bouchaïb démarre le véhicule, ne freine que près d’Oued Oum Rbiî. Là, les deux hommes creusent une tombe, dénudent le cadavre et l’enterrent avant de remonter dans la voiture.
Ensuite, ils reprennent la route. Ils arrivent à Nzalte Cheikh, province de Settat, pour y passer la nuit. Le lendemain, ils empruntent le chemin vers Casablanca, y arrivent, rencontrent un de leurs amis à qui expliquent qu’ils ont acheté une voiture et qu’ils se préparent à commettre des vols des troupeaux.
M’hamed accepte de les rejoindre. Et les deux lascars deviennent trois.
Au fil des jours, ils décident de passer à l’action. Samedi 8 avril. Vers le crépuscule. Le trio arrive au douar Ouled Freha, rencontrent un berger, descendent de la voiture, s’adressent à lui. L’un d’eux lui assène un coup de poing. Le berger tombe à terre. Les coups pleuvent et il finit par perdre connaissance. Ils le ligotent, tentent de conduire le troupeau vers une direction inconnue, loin du douar. Mais le troupeau se disperse et le trio ne sait quoi faire. La nuit tombe et ils sont encore là, derrière les chèvres, les moutons et les brebis qu’ils n’arrivent pas à contrôler. Ils finissent par retourner vers la voiture. Quel destin ! elle ne veut pas démarrer. «Qu’est ce qu’on doit faire maintenant ?», s’écrie M’hamed. Bouchaïb décide de démonter le moteur du véhicule. Il était mécanicien de son état. Il commence le travail, y arrive enfin après quelques heures. Ils repartent avant l’aube. La liquidation des pièces n’est pas difficile pour Bouchaïb. Il connaît les ferrailleurs. Effectivement, les pièces leur rapportent 8.000 dirhams. Le trio commence à dilapider cette somme en attendant une autre opération.
Entre-temps la carcasse de la Mercedes est découverte par la gendarmerie Royale. Une enquête est ouverte. Elle n’aboutit à rien. Seulement un télex a été diffusé par la sûreté de Ben Msik-Sidi Othmane faisant état de la disparition, le 2 avril, du jeune Khaled et de sa Mercedes. Une enquête minutieuse arrive vingt jours plus tard à mettre le trio hors d’état de nuire. Les trois malfrats attendent actuellement leur jugement.

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