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Immigration au Canada : Est-ce toujours intéressant ?

© D.R

L’intégration n’est pas assurée

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Les nouveaux migrants sont appelés à développer un bon réseau de contacts dès leur arrivée sur le sol canadien car 65% des demandes d’emploi se font en interne plutôt que sur les sites spécialisés ou journaux.

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En dépit des difficultés qui caractérisent l’immigration au Canada, notamment depuis quelques années, le rêve canadien continue de séduire les Marocains. Ils sont nombreux à tracer leur projet de vie au Canada. Jeunes, retraités, en couple ou célibataires… Le gouvernement fédéral compte sur son territoire actuellement, plus de 120.000 migrants marocains. Cette population est installée en grande partie au Québec, unique province canadienne à parler français. Certes, la concentration des Marocains au Québec trouve son explication principalement dans l’aspect francophone de la région, facilitant en quelque sorte l’intégration des nouveaux venus, mais elle pose, un enjeu énorme aussi bien sur le plan économique que social. L’intégration au Canada n’est pas assurée pour l’ensemble des migrants marocains, d’autant plus que ces dernières années le Canada a connu un flux massif de réfugiés après l’accueil de 25.000 Syriens.

Si certains Marocains ont réussi leur immigration, d’autres peinent toujours à s’adapter au rythme canadien. Ce principal challenge impacte l’image de la communauté marocaine dont 25% sont à ce jour au chômage. Et pourtant, la majorité de cette proportion de chômeurs marocains avait un travail stable au Maroc. Ce constat est alarmant vu que ce taux dépasse à la fois la moyenne du chômage au Québec (7,8%) et au Canada (7,5%). Contrairement aux autres pays, l’immigration au Canada est de nature économique.

Les profils qualifiés sont admis aisément par le gouvernement fédéral. La promotion de cette immigration est si bien faite que les personnes intéressées ne résistent pas à la tentation, prêtes à troquer toute une carrière contre une vie au Canada. Les opportunités sont énormes mais le chemin est parsemé d’embûches. Une bonne réflexion s’impose avant de plier bagage pour ce pays de l’Amérique du nord. C’est le message que veut transmettre Mohamed Barhone, (voir entretien), président fondateur de Racines Maroc, une association qui soutient les familles d’origine marocaine en difficulté au Québec. «Ce n’est pas pour décourager les Marocains de venir au Canada, mais je tiens à les inciter à bien réfléchir avant de s’y mettre surtout s’ils ont une carrière au Maroc», indique-t-il. Lui-même résident à Montréal depuis une quinzaine d’années, ce dernier confie que «le quotidien au Canada n’est pas aussi facile que l’on peut imaginer. D’énormes obstacles sont à franchir, ce qui risque d’avoir un impact déterminant sur la dynamique familiale des migrants». Cette situation est également confirmée par un couple d’ingénieurs marocain. S’étant installés depuis cinq ans au Québec, les deux époux ont été confrontés de près aux difficultés rencontrées par les migrants lors des premières années de leur installation. Toutefois, ces défis peuvent bien se convertir en opportunités pour les personnes ayant d’ores et déjà une vision claire de leur projet d’immigration. Ces témoignages nous poussent à essayer de diagnostiquer de près la vie canadienne, particulièrement québécoise, pour comprendre le fonctionnement de la société ainsi que les mécanismes d’une bonne intégration.

Pour que le dossier d’immigration soit approuvé par le gouvernement fédéral du Canada, le migrant doit disposer d’une diplomation qualifiante et une certaine connaissance linguistique et scientifique lui servant d’outils afin d’intégrer facilement le marché du travail canadien. Cependant, la réalité sur le terrain est tout à fait autre au Québec. «Le marché de l’emploi particulièrement au Québec est désormais saturé. L’accès au marché québécois dépend particulièrement du besoin des ordres professionnels qui travaillent dans une autonomie absolue loin des politiques ministérielles», explique M. Barhone. Face à la saturation du marché une question se pose : Pourquoi le Québec continue-t-il  de recevoir de plus en plus de migrants? Auparavant, selon notre interlocuteur, il n’y avait pas de stratégie de migration. Tout ce qui comptait au Québec c’est d’augmenter le seuil de sa population pour bénéficier des financements que le gouvernement accordait aux provinces. C’est ce qui explique le flux des migrants non seulement marocains mais également maghrébins et arabes.

Un couple marocain sur cinq divorce

Le divorce semble être très répandu dans la communauté marocaine. Un couple marocain sur cinq se sépare au cours des trois premières années de son arrivée au Québec. C’est d’ailleurs la moyenne nationale du divorce dans la province. Ceci est loin d’être un signe d’intégration, au contraire, c’est une sorte d’alerte de la fracture sociale qui chamboule carrément les fondements d’une famille ayant rêvé, autrefois, d’un avenir meilleur. Les difficultés que rencontrent les couples marocains lors des premières années de migration peuvent avoir des retombées négatives sur le plan familial. «Quand on ne travaille pas, les rôles changent au sein de la famille et se brise sa solidité. Quand le mari, premier pourvoyeur de la famille chôme, la femme prend le relais et s’affirme davantage, ce qui crée des tensions au sein du couple», souligne M. Barhone. Et de préciser: «Au Québec, les femmes s’intègrent facilement dans la société».

Cette nouvelle dynamique peut engendrer la violence sous toutes ses formes (physique, psychologique, économique…) et avoir des répercussions sur les enfants. «Les autorités canadiennes ont une tolérance zéro vis-à-vis la violence à l’égard des enfants. Elles considèrent cela comme un facteur de vulnérabilité et interviennent à tout moment et vont parfois jusqu’à les retirer du noyau familial et les placer dans des centres de jeunesse ou dans des familles d’accueil qui ne sont pas forcément marocaines», apprend-on du président de l’association. D’après la même source, l’état des enfants d’origine marocaine ou encore maghrébine est inquiétant au Québec. Au moment où la radicalisation sévit dans le monde, le modèle européen commence à se répandre dans les provinces canadiennes. Les autorités appréhendent la propagation des gangs de rues et la prostitution juvénile chez les jeunes maghrébins.

Face à ces constats , le gouvernement féderal a décidé de resserrer l’étau. La procédure d’immigration au Canada commence à prendre beaucoup plus de temps qu’auparavant. Et pour cause, les autorités veulent identifier le besoin en termes d’emploi avant même d’ouvrir les frontières, évitant de facto le racisme systémique sur leur territoire.

Le ministère de l’immigration vient de lancer une nouvelle stratégie au Québec. Elle vise en premier les migrants ayant un niveau d’étude moyen. Il faut dire que cette catégorie n’aura pas d’exigence professionnelle pointue et sera éventuellement prête à toucher à n’importe quel domaine d’activité. De même, le gouvernement va bientôt adopter la loi-70 qui resserrera les demandes de l’aide sociale. Ainsi, le migrant n’a d’autre choix que de travailler. Désormais, l’aide sociale canadienne, pouvant atteindre une allocation mensuelle de 650 dollars par demandeur, devrait financer les formations du bénéficiaire sinon les autorités procéderont à sa suspension.

Comment réussir son intégration

Selon Mohamed Barhone, il n’y a pas de formule magique pour réussir son intégration. Il faut tout d’abord avoir une vision commune de l’immigration et bien définir ses objectifs et ses attentes. Aussi, pour s’adapter dans une société telle que le Canada il faut faire preuve de persévérance et de détermination. «Une année est la période normale pour qu’un migrant puisse s’intégrer dans le système canadien. Cette année sert de découverte et de formation», explique M. Barhone. Et de poursuivre qu’il est tout à fait normal «de ne pas atteindre ses objectifs dès le départ. Ceci ne devrait pas décourager le migrant, au contraire, il doit faire preuve d’une grande flexibilité et explorer de nouveaux horizons au lieu de rester figé dans ses choix de carrière. Les occasions de travail au Canada ne se trouvent pas uniquement au Québec. La partie de l’Ouest regorge d’opportunités, il suffit d’aller chercher au bon endroit». Les nouveaux migrants sont donc appelés à développer un bon réseau de contacts dès leur arrivée sur le sol canadien car 65% des demandes d’emploi se font en interne plutôt que sur les sites spécialisés ou journaux. La tendance au Canada vire plus du côté du travail libéral. L’investissement s’avère une bonne opportunité pour les migrants. Trois paniers d’aide (municipal, provincial et fédéral) sont offerts pour les investisseurs potentiels. Les autorités prévoient, dans ce sens, une exonération d’impôts pour le porteur de projet. Elles lui octroient également des crédits à taux bas et prend en charge le salaire de ses employés sur une durée de six mois. Les autorités accompagnent également sur le plan administratif et technique en faisant bénéficier le porteur de projet de séances de coaching afin de monter en bonne et due forme son plan d’affaires.

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«Notre mission est de soutenir et d’outiller les familles d’origine marocaine en difficulté»

Trois questions à Mohamed Barhone, président fondateur de l’association Racines Maroc

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ALM : Comment est né Racines Maroc?

Mohamed Barhone : De par mon engagement sur le plan social et politique, j’ai observé l’absence d’initiative destinée à la communauté marocaine au Canada. De même, je n’étais pas assez fier de l’image véhiculée de notre communauté. Et à chaque fois que je rencontrais des Marocains nos discussions se passaient juste dans les corridors.Quand j’ai été contacté par une association algérienne pour accompagner une famille, j’ai été un peu jaloux de leur mobilisation. J’ai décidé de constituer un cercle associatif qui a connu l’appui de Habiba Zemmouri, Consule générale du Maroc au Canada, et d’autres cadres marocains au Québec. Nous avons travaillé pendant six mois d’arrache-pied pour poser le cadre légal de Racines Maroc qui a vu officiellement le jour en avril 2016.

En quoi consiste le projet ?

Notre mission est de soutenir et d’outiller les familles d’origine marocaine en difficulté. Nous œuvrons également à mettre en place un modèle de sensibilisation, de conscientisation, de prévention et d’intervention. Le but étant d’éviter les ruptures et l’éclatement de la famille et l’aider éventuellement à reconstruire l’identité individuelle  et familiale en intégrant les éléments de soutien, d’intégration et de développement mis à leur disposition dans la société d’accueil.

Quels sont les objectifs sur lesquels repose votre approche?

Nous mettons en évidence trois objectifs. Nous œuvrons à consolider le noyau familial en favorisant la réconciliation, la communication au sein de la famille et la réduction des facteurs de risque au sein du noyau familial. Nos membres soutiennent également les parents ayant des jeunes en difficulté. Le travail consiste à accompagner et soutenir les parents en détresse et à les outiller face aux enjeux psychosociaux de leurs jeunes. Nous contribuons également à établir le lien de confiance entre les parents et les institutions de santé et services sociaux. Nous outillons, aussi, les familles marocaines pour mieux comprendre le fonctionnement de la société québécoise à travers la compréhension de leurs droits et obligations et les aider à développer les compétences sociales et professionnelles. Ce travail de sensibilisation consiste également à présenter des success stories de  Marocains ayant réussi leur intégration. Il faut dire qu’on a de beaux exemples à présenter à notre communauté.

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