La stérilité est souvent considérée comme un drame ou une fatalité
À l’annonce du diagnostic, la vie du couple est remise en question. Les conséquences psychologiques de l’infertilité sont souvent très lourdes. Si certains couples n’arrivent pas à surmonter cette épreuve difficile, d’autres fortifient leur relation, acceptent le défi et établissent de nouveaux projets de vie.
Au Maroc, 15% des couples sont stériles. Cette situation est considérée comme une fatalité. Face à la lourdeur du diagnostic et du traitement, les couples passent par une rude épreuve. Mettre au monde un bébé devient une obsession qui chamboule la vie du couple comme l’explique Aziza Ghallam, présidente de l’Association marocaine des aspirants à la maternité et à la paternité (MAPA): «Le rêve de chaque personne est d’avoir des enfants qui porteront son nom. Hélas, certains couples se trouvent privés de ce sentiment de paternité pour une raison ou pour une autre. L’annonce de ce diagnostic est souvent accompagnée de déception, de peur et de douleur».
La stérilité peut être vécue comme un traumatisme surtout pour le porteur du symptôme. Ce dernier se sent incomplet, blessé, se désole, à l’image de Houda, jeune épouse de 28 ans : «A l’annonce de ma stérilité, je me suis sentie incomplète et trahie par mon corps. Ce sentiment est incompréhensible, c’est un mélange de culpabilité, de dévalorisation, de blessure et de vide».
Le couple menacé d’éclatement…
À cette douleur vient s’ajouter la pression familiale et l’indiscrétion de l’entourage. La femme stérile est montrée du doigt, elle est souvent désignée comme incomplète, voire inutile. L’homme, quant à lui, voit sa virilité, et sa puissance sexuelle remises en question. Cette situation devient même invivable pour certains couples qui préfèrent s’isoler et fuir les questions embêtantes de leur entourage. Selon Aziza Ghallam, l’indiscrétion des proches peut rapidement devenir insupportable. «Il est clair que nos proches ne nous veulent que du bien et rêvent de voir nos enfants, mais quand ces derniers tardent à venir, la famille commence à poser des questions gênantes. Certaines femmes recommandent même des positions sexuelles pour tomber enceinte. D’autres essayent tant bien que mal de trouver une solution ou une potion magique. J’ai moi-même été confrontée à ce problème et j’ai même mangé la fameuse gueddida et mssakhen. D’autres femmes ont été obligées de manger Hartouka, boire des liquides, des urines, sans parler des fkihs et autres marabouts. Le pire dans tout cela est de supporter le regard des proches et leur empathie souvent déplacée».
La stérilité est une rude épreuve pour le couple qui voit tous ses projets d’avenir et ses rêves chamboulés. Tout au long de la période du traitement ou de l’accompagnement psychologique, les conjoints sont mis à nu puisque les rapports sexuels ne se font généralement qu’en fonction du calendrier. L’amour et la solidité du couple sont aussi sous la loupe comme l’explique Ahmed : «J’avais tout pour être heureux, une vie confortable, une femme formidable et un métier passionnant. J’avais tout sauf un bébé qui portera mon nom. Au début, j’ai très mal vécu cette situation, j’avais peur de rester seul, de mourir seul, d’être abandonné par mon épouse. Heureusement, ma femme a fait preuve de beaucoup d’amour et de patience, elle m’a accepté comme je suis et a refusé de m’abandonner. Notre amour nous a fortifiés, je dirais même que mon infertilité a renforcé notre union». Si Ahmed a eu cette chance, d’autres partenaires jettent l’éponge et se séparent.
Se séparer, renforcer la relation avec le partenaire ou carrément adopter un nouveau mode de vie sont entre autres les défis des couples stériles. Aziza Ghallam a pour sa part fait de la stérilité son cheval de bataille en créant l’association MAPA. «Ne pas réussir à avoir un enfant a été pour moi une fatalité. Petit à petit et en se rendant compte des problèmes que rencontrent les couples stériles, j’ai décidé de créer l’association pour leur venir en aide, les soutenir psychologiquement, les accompagner dans leurs démarches de procréation, éclairer les pouvoirs publics sur l’importance du sujet et surtout participer à l’élaboration des textes de lois en faveur des couples cherchant la maternité et la paternité. Aujourd’hui, MAPA est ma fille et les enfants des couples qui ont réussi à féconder sont mes petits enfants».
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PAR : Khaoula Benhaddou