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Jamal Benjelloun Touimi : «Rien ne vaut une sexualité épanouie avec un être en chair et en os»

© D.R



ALM : Comment définissez-vous le sexe virtuel ?
Jamal Benjelloun Touimi : Le sexe virtuel c’est le sexe sans objet sexuel. Et l’objet sexuel pour l’homme c’est bien la femme et pour la femme c’est bien l’homme. C’est-à-dire quand on dit sexe virtuel c’est automatiquement on fait l’amour avec quelqu’un qui n’existe que dans notre imaginaire. Tout d’abord, la sexualité virtuelle est basée surtout sur les fantasmes. Un homme ou une femme qui va penser à chatter c’est en premier lieu pour enrichir ses fantasmes, ses rêves érotiques et son désir. Cet enrichissement va lui donner une excitation et par la suite arriver à un orgasme inédit. C’est pour cela qu’on constate très souvent que cet orgasme se fait par masturbation chez les deux sexes. Au fait, c’est de l’exhibition devant une caméra d’un ordinateur avec une femme qui se déshabille et montre toute son intimité et son corps et un homme qui est en train de regarder et de fantasmer sur elle.

Est-ce que ce phénomène prend de l’ampleur au Maroc ?
Oui bien sûr ! Ce phénomène a pris beaucoup d’ampleur au Maroc puisque l’Internet s’est démocratisé dans notre pays. Désormais dans nos foyers, on remarque une certaine déviation de l’usage de l’Internet qui pousse automatiquement les gens à consommer le sexe virtuel. Donc, dans nos foyers s’il n’y a pas de contrôle, il aura certainement une consommation de sexe virtuel. Je dis bien une consommation puisque ce n’est pas un sexe vécu mais juste un sexe dans notre imagination. Ce phénomène a le vent en poupe au Maroc, mais personne n’ose en parler.

Y a-t-il des études qui montrent l’ampleur de ces pratiques chez les Marocains?
Pour le moment, aucune étude n’a été faite à propos de ce sujet notamment sur les Marocains. Personne au Maroc n’ose parler de ce phénomène puisqu’il est encore tabou et épineux. Même ailleurs, on n’a jamais fait d’étude sur ce sujet. Peut-être qu’il y aura des études lorsqu’il y aura plus d’addictions. Je dis bien que le sexe virtuel est un comportement addictif. C’est exactement la même chose avec quelqu’un qui est addictif à l’alcool. Donc cela nécessite certainement un traitement et c’est toujours utile que la personne demande l’aide d’un sexologue ou d’un psychothérapeute. La dépendance au sexe virtuel existe bel et bien. C’est une réalité au même titre que l’alcool, le tabac ou le casino. Il y a des thérapies pour ces addictions.

Quelle est la particularité de cette addiction ?
Effectivement, le sexe virtuel est une addiction. Cette personne addictive a déjà fixé une seule idée obsessionnelle dans sa tête celle d’aller se pointer devant son ordinateur, voir les films pornographiques, chatter, consommer du sexe virtuel, délaisser ses occupations et rester, des heures et des heures, en train de fantasmer. Je tiens à vous dire que si la personne addictive ne désire pas se faire soigner et veut vivre cette sexualité virtuelle, va automatiquement perdre son travail et avoir des problèmes de santé.

Quelles sont les causes de ce phénomène ?
Il y a beaucoup de causes. D’abord, les personnes qui font ces pratiques sont des personnes instables psychiquement et émotionnellement. Elles n’arrivent pas à affronter l’autre et communiquer leurs désirs. Généralement, elles sont soient timides, soient des personnes qui ont des phobies sociales ou bien des personnes qui ont beaucoup du mal à aller vers l’autre. Ces gens-là ont du mal à avoir des relations, nouer des liens et gérer des relations avec l’autre sexe. Et puis, chaînes satellitaires et Internet aidant, les Marocains se sont peu à peu habitués à cette véritable mode qu’est devenu le sexe virtuel. Multiples sont les chaînes télévisées et sites Internet qui, en termes clairs, souvent en arabe, invitent téléspectateurs et internautes à des plaisirs «interdits», avec de croustillantes nudités à l’appui.

Ces addictions concernent-elles les hommes plus que les femmes?
À mon avis, il y a plus d’hommes que de femmes. C’est difficile pour l’homme de conquérir une femme, alors que le contraire est plus facile en matière de sexe virtuel. Il ne faut pas oublier que c’est toujours l’homme qui fait l’incitative, même si les femmes sont aussi des consommatrices de sexe virtuel.

Comment peut-on éviter de sombrer dans ces addictions ?
Rien ne vaut qu’une sexualité épanouie avec un être vivant concret en chair et en os pour nous prémunir contre une sexualité qui existe uniquement dans notre imaginaire avec une personne virtuelle. Rien ne vaut une sexualité communicative avec une ou un partenaire fixe, stable et fidèle. Une sexualité basée sur la compréhension de soi et de l’autre est une chose importante. Il faut chercher également une sexualité basée sur un amour partagé où l’un cherche à satisfaire le plaisir de l’autre.

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