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La baraka, la cautérisation, l’apothicairerie… La thérapie populaire, mythe ou réalité?

© D.R

Moult cas de guérison ont été enregistrés par l’intermédiaire de ces guérisseurs au grand bonheur des personnes qui s’y adonnent et au grand dam de la science à laquelle la baraka représente un véritable défi.

Il est à peine croyable si on vous dit qu’il y a eu des tumeurs qui ont été guéries comme par enchantement, des paralysies qui ont disparu du jour au lendemain sans laisser de séquelles, ou encore des membres charcutés qui sont revenus à la vie, faisant peau neuve.

Non il ne s’agit pas d’une fiction, encore moins de fantasmes de patients désespérés. Si la science montre toujours aujourd’hui certaines limites quant à l’accomplissement de ces tâches, entre autres curatives, il existe une autre branche dont les résultats continuent de faire leurs preuves et ce depuis des milliers d’années.

De prime abord, on peut facilement baptiser cette branche comme étant la thérapie populaire. Mais il serait très réducteur de se cantonner à cette simple appellation. Car les soins doivent être administrés par une personne aux capacités dépassant des fois l’entendement. Autrement dit, ces personnes-là doivent avoir la baraka.
Moult cas de guérison ont été enregistrés par l’intermédiaire de ces guérisseurs au grand bonheur des personnes qui s’y adonnent et au grand dam de la science à laquelle la baraka représente un véritable défi.

Malgré son apparence «has been», la pratique de ces soins donnés par des personnes dotées de pouvoir surnaturels est toujours d’actualité.
Quand la science médicinale trébuche ou se heurte à un diagnostic jugé difficile ou incurable, le patient devient plus enclin à se tourner vers de nouvelles méthodes de guérison. Certes, celles-ci sont nombreuses, néanmoins la piste qui semble être la plus favorisée est celle précitée.

Il sera faux de penser que les personnes ayant la baraka se concentrent uniquement dans les milieux ruraux. A Casablanca, leur renommée est telle qu’un des grands quartiers de la métropole porte joliment le nom de «Hay Chrifa». Ce quartier éponyme tient son appellation de la présence d’une «Chrifa» descendante de la Zaouia Abdessalam Ben Mchich et dont les patients n’en disent que le plus grand bien.

Chaque jour, femmes, hommes et enfants s’entassent dans la villa de Chrifa qui fait office de cabinet. Utiliser le verbe s’entasser n’est pas anodin. Malgré la dimension de la villa, le nombre de patients est si important qu’ils se voient contraints de se serrer les uns contre les autres et de passer la nuit dans les pièces de cette demeure dans l’attente de la phrase qui sonne si bien dans les tympans «A qui le tour».

Ce tour imminent arrive et le patient (e) se dirige pour rencontrer la guérisseuse. Loin de tout charlatanisme et tour de passe-passe, la Chrifa tend l’oreille et écoute attentivement le plaignant. En fonction de ses souffrances, elle lui demande de ramener une bouteille d’eau qu’elle va prendre entre ses mains et psalmodier des versets coraniques. C’est ce qu’on appelle Roqya. Outre ses pouvoirs d’exorciser les possessions démoniaques, la Roqya pratiquée par «Chrifa» s’apparente à un placebo. Sur les lieux, nous avons interrogé plusieurs patients sur l’efficacité de ces soins. Certains cas étaient surprenants. El Hajj Ahmed, un sexagénaire qui souffrait d’un cancer de la prostate, s’est vu miraculeusement guéri de sa tumeur après seulement quelques séances. «Mon oncologue m’avait remis mon dossier qui indiquait clairement que je souffrait du cancer de la prostate. J’ai par la suite décidé de visiter la Chrifa. Au bout de quelques séances elle m’a demandé de refaire une nouvelle analyse chez le même praticien. Et là c’était la surprise. On n’en revenait pas. La tumeur avait disparu comme par magie au point de décontenancer mon médecin», a raconté allègrement le patient lequel ajoute qu’il avait une forte foi. «Une personne malade doit souvent s’en remettre entièrement à une force supérieure, à qui elle demandera d’intercéder en sa faveur et ce fut le cas», renchérit-il.

Hormis l’eau que doivent prendre les patients, la médication se fait sans aucun autre traitement et s’accompagne toujours par des conseils et consignes qu’il faut suivre scrupuleusement (régime alimentaire, nouveau mode de vie…).
Cette eau, tel un panacée, fait objet de longues discussions qui animent les pièces de la villa de Chrifa. Pour tuer le temps, les patients se posent mutuellement cette question: «Comment est devenue ton eau» ?

La raison de cette interrogation est à la fois simple et complexe puisqu’elle échappe à toute explication rationnelle. Cette eau est susceptible de changer de goût, de couleur et même d’odorat au fur et à mesure de sa consommation. Selon la Chrifa, tout changement est une bonne nouvelle puisqu’il indique que le patient se débarrasse de sa maladie. Cependant, l’eau ne doit plus être bue mais renouvelée.

A l’instar de cette pratique, d’autres méthodes cohabitent toujours avec la science et la médecine.
Au quartier Hay Farah à Casablanca, un célèbre cautériseur du nom de Haj Idar continue d’attirer les patients. Cautériseur de renommée ayant hérité ce «métier» de père en fils, Haj Idar soignait ses patients à l’aide de brochettes en métal qu’il faisait préalablement chauffer à blanc sur un grand encensoir en terre cuite. Ceci est dans l’objectif d’utiliser le feu dans différents cas qui vont d’une simple foulure de cheville ou poignet, jusqu’à obturer des vaisseaux sanguins (par exemple dans le cas de saignements de nez à répétition).

Bien que citée textuellement dans un hadith de notre Prophète, la cautérisation est indiquée comme dernier recours de médication. Même si elle n’est pas utilisée pour torturer mais bien pour soigner, le Prophète la réprouvait, notamment lorsqu’un autre moyen thérapeutique existait. L’époque de la thérapie populaire n’est donc pas encore révolue tout comme l’apothicairerie. Les apothicaires continuent de concocter les préparations dans l’arrière de leur boutique. Ennemis du pharmacien pour certains, ils passent le plus clair de leur temps derrière leurs comptoirs à mélanger les recettes et potions pour arriver au bon dosage. Au boulevard Mustapha El Mâani, une boutique à peine visible reçoit encore les visites de la part de clients fidèles et d’autres novices. Les produits étalés sont légion et concernent l’amincissement, l’obésité, les problèmes dermatologiques, rénaux, etc. Mais les préparations qui attirent le plus les chalands s’articulent surtout autour des aphrodisiaques. L’apothicaire nous a révélé que les Marocains attachent une attention particulière à l’épanouissement de leur vie sexuelle.
Il est difficile de trouver des interactions dynamiques pouvant se tisser entre la science médicale et la thérapie populaire. Pourtant, ils cohabitent ensemble dans un même environnement. Mais une question demeure en suspens : serait-ce dans l’objectif d’être complémentaire ou pour créer de l’émulation ? La réponse nous ne la saurons peut-être jamais.

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