Société

La gauche cherche ses repères

De deux choses l’une : ou bien le PPS a bien voulu jeter un pavé dans la marre en appelant par ces temps de crise à la recomposition du pôle de gauche ou bien il veut remuer le couteau dans la plaie. Une manière de dire que l’appel de la citoyenneté lancé mardi lors d’une conférence de presse du Parti du progrès et du socialisme risque d’être vain.
Pour preuve, la réponse de Mohamed Guessous, membre du bureau politique de l’USFP sur la deuxième chaîne. Le sociologue, invité de l’émission Fil Wajiha, a tout bonnement relevé l’accord de principe avec la démarche PPS, mais le problème est comment réaliser ce pôle et avec qui. Tout ou presque est dit du moment que l’Union socialiste des forces populaires est le premier concerné par l’appel du PPS… Cela dit, la sortie de Moulay Ismail Alaoui, secrétaire général du PPS, a au moins le mérite d’avoir dépoussiéré un des dossiers les plus épineux de la vie partisane marocaine. A savoir ce que l’on a tendance à appeler la recomposition du champ politique par la fragmentation. Une recomposition chaque fois repoussée parce que chaque fois on est face à de nouvelles scissions et à la création de nouveaux partis.
« C’est dans ce cadre que se pose résolument l’impérieuse nécessité de l’unification de toutes les forces démocratiques et progressistes et qui sont partie prenante du grand dessein civilisationnel du Maroc, celui de la consolidation de l’option démocratique dans l’intégrité territoriale et la justice sociale, pour construire un pays prospère, à savoir, le Maroc de la tolérance, de l’égalité et des droits de l’Homme, le Maroc de l’État de Droit.
Il est significatif de constater une véritable convergence objective entre quatre composantes, certes différentes dans leurs soubassements idéologiques et leurs méthodes politiques, mais qui développent toutes la même approche visant à obstruer les voies de l’espoir devant les citoyennes et citoyens», lit-on dans le document du PPS Déjà en juillet 1999, l’association Alternatives a consacré une journée débat à ce thème. C’était à un moment où plus que jamais l’ambiguïté était de mise quant à la classification des composantes du champ politique. Être de gauche ou de droite, cela signifie quoi au juste? Telle était la question en fait, surtout quelques mois après l’arrivée du gouvernement d’alternance qui a réuni Istiqlal-USFP-PPS-RNI. L’Istiqlal conservateur, de droite ou de gauche ? Le RNI est-il un parti de gauche ou de droite ?
Quand le PPS appelle à refonder la gauche marocaine, suivant le style italien, a-t-il les éléments nécessaires pour dire quelle gauche il vise ? Autrement dit, recomposer la gauche marocaine passera-t-il par une union-fusion, une alliance au sein de laquelle toutes les composantes garderont leurs structures ou s’agira-t-il d’un nouveau parti de gauche auquel prendront part toutes les sensibilités, tous les courants se réclamant de la gauche?
« Il convient de tirer les enseignements de l’expérience historique de l’humanité qui démontre qu’il n’existe pas un seul exemple d’évolution démocratique et de progrès social qui ait pu réussir en l’absence de partis démocratiques et de progrès agissant. De même devons nous affirmer solennellement qu’il ne sied pas d’assister de loin, en spectateur hiératique : la démocratie c’est la participation ; la citoyenneté se construit par la contribution de tous et l’avenir sera ce que nous aurons construit ensemble. »
Au passage, le parti épingle « les forces rétrogrades et réactionnaires, de nature totalitaire et qui constituent le danger majeur risquant d’annihiler l’expérience démocratique marocaine.»
Une question qui tombe sous le sens : quelle est cette gauche qu’on veut recomposer ? Personne n’a de réponse et il aurait été utopique de s’attendre à des réponses toutes trouvées, genre clé en mains. Le vrai débat en fait peut se résumer en une question, quelle gauche pour quel projet de société ? dans ce cadre, rappelons une déclaration de M. Guessous il y a deux ans. Il disait que la gauche, ce n’est pas uniquement les partis au gouvernement et leurs alliés se réclamant de la gauche, « c’est aussi celle dont on ne veut pas parler », dit-il en citant le Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste, Annahj Addimocrati ou encore le Mouvement pour la démocratie.
Plus que jamais, la recomposition du champ politique marocain est à l’ordre du jour. Et plus que jamais la gauche marocaine a besoin d’être unifiée. Elle est tellement disparate, tellement déchirée que toute tentative de sa réunification s’apparente à une bouée de sauvetage, pas uniquement pour la gauche, mais pour l’ensemble du champ politique marocain. D’autant plus que les raisons de dissensions sont plus pesantes, plus fortes que les appels unificateurs.
Comment peut-on en effet réunir le PSD et l’OADP dont il est issu, ou encore le PPS et le Front des forces démocratiques ? Ou encore l’USFP et le CNI ? Cela sans évoquer le cas du RNI ou du PI qui, théoriquement, ne peuvent pas s’inscrire dans une dynamique de gauche aussi social-démocrate soit-elle. Dans cette nouvelle reconfiguration de la gauche, on comprend dès lors que le PPS ait lancé une démarche unitaire avec le PSD qui n’a pas vraiment avancé depuis quatre ans. Mais elle a au moins le mérite d’exister et de survivre. On voit mal comment le PSD va réagir quand il voit ses cadres reçus comme des héros au sein de l’USFP qu’ils ont rejoint ou encore le FFD qui a vu ses troupes rejoindre le PPS…
C’est dans cette ambiance pour le moins inamicale entre les partis de la mouvance de gauche, que le PPS a lancé son appel. Il focalise sur plusieurs points à la fois. Il y est écrit : « Notre discours est un discours de fidélité et de principes. Il s’adresse au coeur et à l’esprit, pour réinsuffler l’espoir et afin que les forces de modernité et de progrès, unies, affrontent toutes les déviations et tous les amalgames inhibant les volontés et verrouillant les perspectives. »
Objectif louable s’il en est. Mais de là à parler de la recomposition de la gauche, il y a un grand pas à faire. A commencer par les concessions que chaque parti doit faire et le reniement d’une partie de l’égo de chacune des composantes. Ce n’est pas évident. Le chemin reste long. Mais la réunification est une nécessité, un impératif de survie pour la classe politique. C’est de la prise de conscience de cette obligation que dépendra l’issue du débat.

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