Société

La médecine légale va-t-elle disparaître?

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La médecine légale est-elle condamnée à devenir illégale au Maroc ? Incongrue, improbable, illogique même en ce qu’elle associe deux concepts qui s’excluent, la question est néanmoins posée avec gravité par la Société marocaine des médecins d’hygiène et de salubrité publique (SMMHSP) qui s’insurge contre le projet de loi organisant la profession des médecins légistes.

Cette opposition, le bureau du groupement l’a de nouveau réitérée mardi, au cours d’une conférence de presse donnée à Rabat au siège de l’Association de défense des femmes violentées –est-ce un hasard ?  Si le projet de loi qui est actuellement examiné par le Secrétariat général du gouvernement passe, c’est la centaine de médecins légistes qui exercent dans les bureaux municipaux d’hygiène (BMH) qui se retrouve hors la loi.

Selon l’article 53 du nouveau projet en effet, l’exercice de la médecine légale sans l’autorisation préalable du futur Conseil national expose aux peines qui sanctionnent la pratique frauduleuse d’un métier. Mais si elle se veut souscrire pleinement à la volonté de préserver les bonnes pratiques, la SMMHSP insiste néanmoins sur le fait que la médecine légale étant une branche de la médecine, c’est au Conseil de l’Ordre des médecins, et à lui seul, de dire qui est apte à exercer et qui ne l’est pas.

Car, au regard des nouvelles dispositions, la «centaine de médecins légistes qui depuis plusieurs décennies portent à bras-le-corps la médecine légale en l’exerçant au quotidien dans des conditions difficiles, n’est pas logée à semblable enseigne que la dizaine qui le sont devenus par voie de résidanat». Pourtant, cette centaine de médecins aguerris par des décennies de pratique a été à bonne école.

Une première fournée composée de trente membres est diplômée des facultés de France et les soixante-dix autres des universités marocaines. «Ce sont des médecins qui, en plus d’études de médecine générale, ont été certifiés en médecine légale».

Mais, selon les médecins légistes, ce n’est pas simplement par manque d’équité professionnelle que pèche le projet portant organisation des métiers de la médecine légale initié par le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et repris à son compte – après toilettage-  par le ministère de la justice et des libertés. Des remarques critiques à l’encontre du projet, ils en ont une dizaine.

Et d’abord celle-ci qui bruit comme un couac dans le discours sur la démarche participative suivie dans l’élaboration des projets engageant les corps de métier. «Nous n’avons pas été associés aux discussions. En fait, une seule personne y a assisté et, on ne peut pas dire qu’elle soit représentative de l’ensemble de la profession».

Voilà pour le contexte, pour ce qui est du texte, la profession fait remarquer que pas une fois le nouveau libellé n’a expressément cité les centres de médecine légale dépendant des collectivités locales et «qui réalisent environ 90% des missions de médecine légale sur réquisitions du parquet ou de l’instruction». Ensuite, le projet renferme une inexactitude quand il laisse entendre que la médecine légale n’est pratiquée que dans les unités créées dans les Centres hospitaliers universitaires (CHU).

En fait, «la décision ministérielle 11- 456 du 6 juillet 2011 portant règlement intérieur des hôpitaux leur interdit la prise en charge en cas d’existence de centres médicaux légaux des collectivités locales». Troisième critique fondamentale : le projet n’évoque pas le cas de ces praticiens qui, pourtant, ayant suivi une formation académique sanctionnée par des diplômes obtenus auprès d’universités marocaines ou étrangères, exercent dans ces centres en vertu de l’arrêté 117-01 du 12 janvier 2001 pris conjointement par le ministre de la santé et celui de l’intérieur.  

Reste le plus important : adopter le projet en l’état signifie l’exclusion de l’existant. Or cet existant, c’est «l’un des auxiliaires de justice les plus efficaces et les plus nécessaires à l’établissement de la vérité». De surcroît, «dire que la médecine légale exercée jusqu’à aujourd’hui n’a plus cours, c’est poser que les jugements qui ont été rendus sur la base de son expertise sont peu fiables». Plus, parmi les médecins légistes qui exercent en vertu de certificats délivrés par les universités, il y a des gendarmes et des policiers.

«Alors eux non plus n’ont pas été à bonne école ?», s’interroge la société des médecins d’hygiène. Une chose est sûre : si le projet passe en l’état, c’est la médecine légale qui trépasse. A la SMMHSP on le dit clairement : «Nous serons obligés de cesser nos activités que nous le voulions ou non. Au regard de la nouvelle loi, nous serons en effet considérés comme des illégaux». Corollaire : si une telle éventualité survenait, c’est une bonne partie de la justice pénale qui se retrouverait à la morgue.

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