Société

La pension de la discorde

“Comment se permet-il de se tenir face à sa mère devant le tribunal pour une question de dix mille rials ?…On serait près du jour de la résurrection…“confie une vieille femme à sa voisine sur le banc à la salle d’audience de la Chambre de Statut Personnel auprès du Tribunal Première Instance de Mohammedia. Cette femme n’est pas la seule à s’étonner de cette scène ; Une sexagénaire réclame que son fils de quarante-sept ans, qui touche un salaire mensuel de huit mille dirhams, lui verse une pension alimentaire mensuelle de cinq cents dirhams.
D’autres personnes qui assistent à cette audience ont exprimé leur étonnement par des chuchotements. Mais le fils ne leur prête aucune attention car il est convaincu qu’il ne doit pas verser un seul sou à sa mère, qu’il n’a aucune obligation envers elle. Pour lui, c’est juste « une mère cupide ». “M. le président, je l’ai élevé depuis sa naissance…Il a grandi pendant que j’ai vieilli et je suis malade, il ne daigne même pas me verser quelques sous pour survivre…“ explique la mère au président de la Chambre. “Non seulement elle est cupide mais elle ment en plus, quelle mère !“ rétorque le fils ingrat aux yeux de l’audience.
La Chambre de Statut Personnel a tranché en faveur de la mère, en lui a accordant une pension alimentaire mensuelle de cinq cents dirhams retranchée du salaire de son fils. Le jugement n’a pas plu à ce dernier. Mécontent, il s’obstine à ne pas verser un seul dirham à sa mère et personne n’est en mesure de l’obliger à changer sa position. Il n’a pas hésité à interjeter appel et cette fois, il a décidé de ne pas garder le mutisme comme en première instance : “ Il est vraiment ma mère, M. le président…mais mon père l’a répudiée et elle m’a abandonné à lui à l’âge de quatre ans…C’est avec lui que j’ai grandi…Elle s’est remariée et elle a accouché d’autres enfants…elle a actuellement sept autres enfants de son deuxième mari qui est toujours vivant…L’aîné d’entre eux est né en 1959…Il a de l’argent M. le président, elle n’est pas en difficulté…ainsi je ne suis qu’un enfant parmi les huit autres…“ affirme-t-il au président de la Chambre de Statut Personnel auprès de la Cour d’Appel de Casablanca. La mère décide d’aller plus loin, elle est venue cette fois-ci soutenue par un avocat.
“M. le président…le législateur marocain ne met pas en condition la difficulté matérielle pour qu’un fils verse une pension alimentaire à ses parents…“ explique l’avocat qui a levé en haut le code du statut personnel et des successions plaide en faveur de sa cliente :“…M. le président l’article 124 du code stipule que « Entre parents, la pension alimentaire est due : Par les enfants en faveur de leurs père et mère et et par le père au profit de ses enfants »…et l’article 125 du même code précise que « Au cas de pluralité d’enfants, la pension alimentaire due aux enfants d’après leur fortune et non d’après la quotité de leur part successorale »…D’après ces deux articles M. le président, il s’est avéré que le jugement rendu en première instance est fondé sur la loi et doit être confirmé par votre Cour…“.
L’avocat du fils a aussitôt ouvert son livre du code lorsque l’autre avocat a fermé le sien, quitte son siège se dirige vers le président et lit à haute voix l’article 115 :“…Cet article M. le président stipule que « Toute personne subvient à ses besoins par ses propres ressources à l’exception de l’épouse dont l’entretien incombe à son époux »…L’article est clair M. le président…sa pension alimentaire doit être supporté par son époux qui travaille encore…Ainsi M. le président son fils issu de son premier mariage n’est pas son unique enfant.. elle a sept autres fils, tous des adultes, travaillent et touchent des salaires mensuels…À ce propos, je demande à la Cour l’annulation de jugement rendu en première instance…“. Une semaine plus tard, la Chambre de Statut Personnel auprès de la Cour d’Appel de Casablanca a décidé d’annuler le jugement rendu en Première Instance. La mère et son fils ont quitté le siège de la Cour d’Appel de Casablanca sans même échanger un regard. Pour elle ce n’est pas plus qu’un “Maskhoute“ alors que lui, la considère comme cupide !

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