Société

«La reconversion est très peu exploitée»

© D.R

ALM : Aujourd’hui, dans le marché de l’emploi, on parle souvent d’une inadéquation entre l’offre et la demande. Plusieurs entreprises se disent avoir des difficultés à trouver les profils adéquats. À votre avis quelle en est la raison ?
Jamal Amrani : Le progrès de la formation ne cesse aujourd’hui de prendre du retard quant aux besoins en termes de profils. Pour remédier à ce problème, il faut que l’ingénierie de formation puisse identifier et définir les besoins en termes de développement de compétence et de programmes de formation. Il faut en quelque sorte connaître les besoins futurs du marché de l’emploi.
Pour cela, il faut se doter d’un certain nombre d’organes et de moyens comme l’observatoire de l’emploi. Il s’agit non seulement de doter le marché de l’emploi de personnes formées selon les besoins de ce même marché, mais encore d’avoir une vision claire sur l’évolution des métiers pour pouvoir ainsi répondre aux exigences des nouvelles technologies en termes de compétences.

Nombreux sont ceux qui qualifient certaines branches de l’enseignement d’«usines à chômage». Partagez-vous cet avis ?
Si certains enseignements ou formations ne répondent plus aux besoins du marché de l’emploi aujourd’hui, il faut non seulement fermer ou voir même arrêter ces formations, mais il faut développer les possibilités et les expérienses de reconversions vers d’autres métiers. Moi, je ne vois pas d’inconvénients à ce que, par exemple, un jeune diplômé en physique ou en chimie fasse une reconversion en cuisine ou en pâtisserie. Nous sommes, bien entendu, dans des domaines qui nécessitent les mêmes aptitudes. Je conçois également qu’un licencié en littérature en langue étrangère se reconvertisse en commercial ou en réceptionniste d’hôtel.

Pensez-vous que la réforme de l’emploi engagée par le gouvernement permettra à long terme de remédier à ce problème ?
La recherche d’une véritable adéquation démarre toujours de la construction et de l’implication de toutes les parties concernées. Je conçois donc difficilement la réussite de l’adéquation d’un programme de formation sans l’implication du professionnel, c’est-à-dire le futur employeur. Il est le seul capable de définir ses besoins. Le succès de la réforme dépendra donc de la prise de conscience et de l’engagement collectif des différents opérateurs du processus de formation. 
Prenons l’exemple des formations sectorielles de l’OFPPT.
L’implication des professionnels a été présente et réelle dans toutes les phases de la mise en place du processus de formation. Le professionnel a donc validé le projet de l’établissement de la formation, l’acquisition du matériel et des moyens didactiques, les programmes de formation, le choix et le recrutement des formateurs, la sélection, l’orientation des stagiaires et la validation des acquis. Il résulte de cette implication un très fort taux d’insertion professionnelle.
   
À défaut de trouver des profils sur-mesure, que doivent faire, selon vous, les entreprises pour remédier à ce problème ? Doivent-elles, elles-mêmes, assurer la formation de leur personnel ?
En effet, à défaut donc de disponibilité sur le marché de l’emploi des profils recherchés, l’entreprise peut être capable de mettre en place un processus d’intégration et de formation interne pour répondre à ses besoins. Dans l’hôtellerie, il nous est souvent arrivé de recruter des jeunes sur la base de leurs aptitudes comportementales et leur savoir être et d’organiser après leur recrutement des sessions de formation pour les doter du savoir-faire nécessaire.

Les PMI-PME qui généralement souffrent de problèmes financiers peuvent-elles se permettre de former leur propre personnel ?
Les contraintes que connaît la PMI-PME résident dans le fait qu’elle trouve des difficultés à se doter des compétences nécessaires à son fonctionnement. Ces mêmes contraintes peuvent se transformer en opportunités. En effet, la PMI-PME a plus de prédispositions pour développer la multi-compétence et la flexibilité au sein de son personnel plus que n’importe quelle autre structure.
Cela est certainement considérable dans sa recherche d’adaptation aux évolutions et aux changements technologiques.

Quel message adressez-vous aux jeunes qui trouvent des difficultés à accéder au marché de l’emploi ?
Pour les gens qui ont suivi un enseignement ou une formation peu en adéquation avec les besoins du marché, je leur conseille d’être à l’écoute d’eux-mêmes afin d’identifier les domaines pour lesquels ils peuvent développer une passion et une implication forte de leurs aptitudes. Il faut ensuite construire progressivement son métier sans aucune réticence ou culpabilité par rapport à sa formation initiale. Je suis convaincu que les possibilités de reconversions sont très peu exploitées. 

Articles similaires

SociétéUne

Alerte météorologique: l’ADM appelle à la vigilance sur l’axe autoroutier Meknès-Oujda

La Société nationale des autoroutes du Maroc (ADM) a appelé les usagers...

SociétéSpécialUne

Plus de 28.000 nouveaux inscrits en 2022-2023 : De plus en plus d’étudiants dans le privé

L’enseignement supérieur privé au Maroc attire des milliers de jeunes chaque année.

SociétéSpécial

Enseignement supérieur privé : CDG Invest entre dans le capital du Groupe Atlantique

CDG Invest a réalisé une prise de participation de 20% via son...

SociétéUne

Enseignement supérieur: La réforme en marche

Le digital occupe une place de taille dans la nouvelle réforme du...

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux