Société

Le bidonville des cancéreux

Sur le parking de l’Institut national d’oncologie Sidi Mohamed Ben Abdallah de Rabat, Lahcen fait des affaires. Comme tous les jours et comme il peut. Il est 14 heures 30, c’est la fin des visites à l’hôpital. C’est Lahcen qui organise le transport en appelant les taxis. Chacun a un numéro. Ses petites affaires sont, dit-il, «toujours pour rendre service». Et pour rendre service, il est prêt à tout. Lahcen, volubile, en veut pour preuve ce qu’il fait pour les malades de l’hôpital, en attente d’une chimiothérapie. «Ils viennent de loin, ils n’ont pas les moyens de retourner chez eux dans l’attente d’un rendez-vous pour leur traitement», explique-t-il. Lahcen est en quelque sorte un agent immobilier. Nous le comprendrons quand il montrera d’un geste de la main un bidonville attenant à l’hôpital. Il sert d’intermédiaire entre les malades et leurs familles et les propriétaires de baraques de fortune. Il s’excuse presque de se faire de l’argent sur la détresse humaine. «Mais il faut bien que je nourrisse ma famille. Personne ne travaille à la maison». A quelques encablures de l’imposante bâtisse de l’Hôpital Cheikh Zayd , au coeur de la ville du savoir, Madinat Al Irfane, se dresse le bidonville des cancéreux. Un bidonville né de nulle part et surtout du calvaire de ces femmes et hommes atteints d’une maladie lourde, parfois incurable sis à Douar Chbanat, sur des terres appartenant à trois héritiers. En suivant un chemin de terre sinueux, bordés de figuiers, on accède au bidonville. Une ville dans la ville où se dressent une cinquantaine de baraques. Il n’y a ni eau ni électricité. Juste des morceaux de bois, de la tôle et toujours des sentiers de terre battue. C’est ici que les malades et leurs accompagnateurs ont trouvé refuge. Ils sont venus de loin, Nador, Agadir, Fès, Oujda, Beni Mellal et n’ont pas les moyens de faire les aller-retours que nécessite leur traitement. Ce sont environ 67 personnes, dans l’attente d’une hospitalisation, qui tentent d’y survivre. Les escales peuvent être longues. Trois mois, parfois. Les plus chanceux n’y restent qu’une dizaine de jours. Et la nuit dans une pièce louée chez l’habitant coûte 10 dirhams. Dans son malheur, la vieille Fatima a de la chance. Elle quitte le bidonville, toutes ses affaires sur le dos. Elle a obtenu un rendez-vous à l’hôpital. «Je me fais bientôt opérer», annonce-t-elle, heureuse. Ce n’est pas le cas de cette mère venue d’Agadir. Elle vit à douar Chbanat depuis le mois de juillet, avec son fils que la terrible maladie a rendu hémiplégique. Zineb, originaire de Fès, a subi une ablation du sein, il y a un mois. Elle est toujours là, entre deux séances de chimio. Au fond, une mère et sa fille, gravement malade, vivent dans une pièce exigue. Un mètre carré où se tassent une vie de rien, la misère, la détresse. «Nous sommes dans cette tombe depuis Achoura. Qu’y pouvons-nous ?». Leur voisine gémit de douleur. «Elle est condamnée. Je vais l’emmener à la maison à Fès. Elle y sera mieux pour…», souffle sa fille avant d’éclater en sanglot. Depuis le début du mois de Ramadan, les cancéreux du bidonville, ces oubliés de la politique de santé au Maroc, ont redécouvert le droit à la dignité grâce à une initiative de la société civile. La Fondation Az-Zahraa distribue, tous les jours, ftours et couvertures. Un rayon de soleil dans cette descente aux enfers…

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