Société

Le cheikh des «Marocains afghans»

© D.R

La Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca, le vendredi 11 juillet à 16 h00. C’était le moment fixé la veille par le président de la cour pour écouter les derniers propos de l’«émir de sang», Youssef Fikri et ses 30 acolytes, dont un seul poursuivi en état de liberté provisoire. La salle d’audience n°7 est sous haute surveillance. Personne ne peut s’y infiltrer sans qu’il soit policier, avocat ou journaliste. Les membres des familles des prévenus ont été interdits d’entrer dans l’enceinte de la Cour d’appel. Les commentaires tournent autour des jugements qui seront prononcés et sur l’heure à laquelle ils seront connus. Les avis et prévisions divergent. Mais, pour ce qui concerne l’«émir de sang», personne ne doute qu’il sera condamné à la peine capitale. A 16h30, une porte à gauche de la salle d’audience s’ouvre et laisse apparaître Youssef Fikri avec son sourire de vampire, vêtu comme à l’accoutumée d’une djellaba blanche et un bonnet de la même couleur sur la tête. Ses vingt-neuf disciples le suivent et prennent place aux bancs des accusés. Le trentième, Anouar Ismaïli, bijoutier à Rabat, poursuivi pour recel est le seul qui se tient loin d’eux. Il est en liberté provisoire. Deux minutes plus tard, le président de la cour, Lahcen Tolfi entre, suivi de ses quatre assesseurs, Abdellatif Âbide, Tahar Bendaoud, Mustapha Âguilou et Saïd Saâd, du représentant du ministère public, Saoud Grine et du greffier, Jamal Idrissi Sidi Mohamed. Et les derniers propos commencent. Youssef Fikri était le premier à parler. «Vous nous traitez de criminels, alors que c’est vous les criminels et les meurtriers…», s’adresse-t-il à la cour avec agitation. Le président ordonne aux éléments des forces de l’ordre de le conduire hors de la salle d’audience. Malgré cela, Fikri continue de vociférer : «Que Dieu vous maudisse !». Trois ou quatre policiers le poussent de force pour le faire sortir de la salle. Les larmes aux yeux, Miloud Mandour, mécanicien de 26 ans, s’avance devant la cour. «Je suis innocent…J’ai gâché mon avenir à cause de Youssef Fikri…». De grande taille, ceinture noire, 3ème Dan en Taekwondo, Mohamed Damir, 31ans, avance en boitant, tente ne pas trahir sa crainte. Mais la pâleur de son visage brun et la disparition de son éternel sourire trahissent son angoisse. Il tente se présenter en homme calme et conscient de ses actes criminels. «Je ne m’intéresse pas aux actes que j’ai avoués commettre, parce ce qu’ils font partie de la lutte contre la dépravation…», affirme-t-il à haute voix. «Mais je suis innocent à propos des actes que j’ai niés…», ajoute-t-il. «Il faut savoir que je suis très heureux d’être jugé pour avoir lutté contre la dépravation…», dit-il sur un ton sonore. Mustapha Lakrimi, 29 ans, de petite taille, toujours en gandoura et bonnet blanc, une longue barbe et cheveux, père de deux enfants, n’hésite pas à affirmer : «Certes, j’ai lutté contre la dépravation et la déviation…Et je suis convaincu que mes actes étaient conformes à la Chariâ…». Les autres prévenus accèdent, l’un après l’autre, au box des accusés. «Je suis innocent», affirment les uns. «Je suis étonné de ces poursuites…Je n’ai jamais entendu parler de la Salafiya Jihadia », s’exclament d’autres. Ils savent que les poursuites sont lourdes : Constitution d’association de malfaiteurs, homicide volontaire avec préméditation et guet-apens, mutilation et dissimulation de cadavre, tentative de meurtre, sabotage, tentative de destruction par l’effet d’une substance explosive de différentes installations, vol qualifié, enlèvement, séquestration, incendie, faux et usage de faux, usurpation d’identité et complicité, entre autres. Vers 17h10mn, la cour se retire pour délibérer. Les conversations entre les avocats et les représentants des médias reprennent. Les chaînes de télévisions internationales s’adressent surtout aux deux avocats, Tawfik Moussaïf et Khalil Idrissi, du barreau de Rabat, bien qu’ils ne soutiennent pas les principaux mis en cause. Le procès de «la cellule dormante d’Al Qaïda» les a rendus plus médiatisés que les autres. Ils soutenaient les accusés de nationalité saoudienne. C’est vers 23h15mn que le moment crucial arrive. Fikri et ses disciples entrent dans la salle d’audience sous haute surveillance. Quelques-uns d’entre eux lèvent les yeux au ciel, psalmodiant à voix basse. Les minutes deviennent très lourdes avant l’entrée de la cour. Et les verdicts tombent : peine de mort contre Youssef Fikri. «Allahou Akbar», crie-t-il. Les policiers le poussent pour le conduire vers la geôle de la cour avant de le conduire cette nuit au pénitencier Oukacha. La même peine est prononcée contre Mohamed Damir, Saleh Zarli, Abderrazak Faouzi, Kamal Hanouichi, Bouchaïb Guermaje, Lakbir Kettoubi, Bouchaïb Maghdar, Omar Maârouf, Larbi Dakik. La réclusion perpétuelle contre Abderrahman Majdoubi, Rachid Amrine, Miloud Mandour, Mustapha Lakrimi, Houssein Berghachi, Yazid Ajref, Mourad Sarouf et Mohamed Jok. 20 ans de réclusion criminelle contre Mohamed Chadli, Ahmed Akhrif, Said Boulifa, Mohamed Badaoui, Mohamed Chatbi, Kamal Chatbi et Omar Nadif et 10 ans contre Noureddine Gharbaoui, Abdelaziz Al Hadadi, Khaled Assemak, Rachid Saadouni et Hassan Idrissi Machichi. Le seul mis en cause en état de liberté provisoire, Anouar Ismaïli, a été condamné à un an de prison ferme. Les condamnés ont quitté la salle en criant : «Allahou Akbar !». Les représentants des médias, les avocats et les policiers ont quitté la cour dans la première heure du lendemain, samedi, en s’interrogeant si les peines de mort rendues par la cour contre Fikri et ses 9 disciples seront exécutées. Et, si oui, quand ? La cour se penchera, aujourd’hui, lundi, sur le dossier d’Ahmed Rafiki, alias «Abou Houdaïfa» et père d’Abdelwahab rafiki, alias «Abous Hafs», et 5 autres prévenus impliqués dans le dossier de «Youssef Fikri», et mardi sur un deuxième dossier de 5 autres disciples de l’émir de sang, alors que le 21 courant le premier dossier des attentats du 16 mai sera ouvert.

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