Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) vient de rendre public un rapport alarmant sur la situation des enfants placés dans les centres de sauvegarde. Pour établir son rapport, le CNDH a visité du 15 au 29 novembre 2012, 17 établissements. Les conditions de vie dans ces centres sont pitoyables. Les enfants sont entassés dans les dortoirs.
A l’exception du centre Abdeslam Bennani de Casablanca qui dispose de dortoirs pour 6 à 7 enfants, les dortoirs des 16 autres centres accueillent 20 à 40 enfants, ce qui rend impossible la séparation des enfants selon l’âge et la vulnérabilité.
L’hygiène dans ces établissements laisse à désirer. Bon nombre de douches collectives ne sont pas fonctionnelles et l’accès aux sanitaires varie d’un centre à l’autre. Et pour exemple, au centre de Marrakech, les enfants n’ont le droit aux salles d’eau qu’une seule fois par quinzaine, voire une fois par mois. Les produits d’hygiène corporelle sont très insuffisants et ne sont pas distribués régulièrement aux enfants.
Ce manque d’hygiène explique la présence de poux et de la gale chez les enfants. Ils dorment dans des draps sales et portent pour la plupart des vêtements usagés. «Beaucoup de bénéficiaires ont déclaré qu’ils n’avaient pas changé leurs vêtements depuis leur arrivée (plus d’un mois pour certains) en raison du manque d’une seconde tenue et de possibilité de lavage», note le rapport.
Quant à l’alimentation, le document du CNDH souligne que le budget quotidien par enfant n’est que de 20 DH.
Les enfants interrogés revendiquent une amélioration de la nourriture jugée insuffisante et de mauvaise qualité. Par ailleurs, lors des visites effectuées, les membres du CNDH ont pu constater que plusieurs enfants souffraient de problèmes de santé (59 cas atteints de maladies dermatologiques et pulmonaires, 7 cas de maladies chroniques telles que le diabète et l’hépatite, 16 cas de troubles mentaux et 19 cas souffrant de handicaps physique et mental). Sur les quinze centres possédant une salle de soins, seules six ont des équipements et du matériel de soins.
A noter que seuls six centres disposent d’une infirmière. Le médecin contractuel ne rend visite aux enfants qu’en cas d’urgence. Le CNDH a également pu remarquer que des enfants présentaient des problèmes d’addiction aux drogues et certains portaient sur leur corps des cicatrices d’automutilation. Le rapport pointe du doigt l’absence de protection et de sécurité dans ces établissements. Les enfants sont exposés à diverses formes de violences physiques et morales, exercées, soit par certains éducateurs, soit par d’autres enfants.
S’agissant des abus sexuels, certains encadrants ont relevé lors des entretiens l’existence de ces abus entre enfants. Le rapport relève que des enfants jugés pour viols sur enfants partagent les mêmes dortoirs avec de très jeunes enfants. Tous ces dysfonctionnements montrent bel et bien que les centres ne sont pas régis par des normes conformes aux standards internationaux en matière de protection et prise en charge des enfants.
Et pourtant, ces normes devraient être établies par les autorités de tutelle et devraient porter non seulement sur les critères physiques et matériels de l’accueil de l’enfant, mais également sur les cinq aspects préconisés par l’article 3 de la convention des droits de l’enfant, à savoir le taux d’encadrement, la qualité d’encadrement, la sécurité, la qualité des programmes et la possibilité pour l’enfant de porter plainte en cas d’abus ou de mauvais traitement.
La violence physique, l’outil «pédagogique» par excellence Selon le rapport du CNDH, un grand nombre d’enfants interrogés ont affirmé que la violence physique constitue l’outil «pédagogique» qui est utilisé pour discipliner les enfants. Les châtiments corporels revêtent plusieurs formes : flagellation avec des tuyaux, coups de bâton, gifles… Les enfants ont également souligné l’existence d’autres moyens de discipline, tels que la privation d’accès à certaines activités (loisirs, sorties, sport), les insultes et les brimades. Les enfants sont perçus par quelques encadrants comme des criminels, des enfants mal éduqués et des fauteurs de troubles qui ne réussiront jamais leur vie. Certains éducateurs ont déclaré lors des entretiens que la violence est le seul moyen pour «corriger» les enfants et que les sanctions qui ne recourent pas à la violence ne sont pas utiles avec cette «catégorie» d’enfants. A ce sujet, le rapport relève qu’à l’exception de certains éducateurs qui ont des qualités pédagogiques, les relations entre les enfants et les éducateurs restent empreintes de violences physiques et morales. Ce qui démontre la volonté des éducateurs de contrôler et de «discipliner» les enfants. |