Société

Le coût du mépris

Mardi 5 novembre 2002. La veille du mois sacré de Ramadan. Les pendules des montres marquent dix-sept heures quarante-cinq minutes. Les employés de la société pour la fabrication de levure, à Fès, attendent dix-huit heures trente pour sortir. Ils travaillent et bavardent, de temps en temps, entre eux. Mais le sujet qui les préoccupe surtout est le croissant de la lune.
T.S, cinquante et un ans, père de famille et chef de service d’embauche à la société de production de levure a plus ou moins une bonne réputation. Du moins entre ses collègues. Tous les employés le respectent, l’apprécient. Il ne s’adresse à eux que pour accomplir ses tâches. Il fait son possible pour rester loin de leurs problèmes.
Quelques heures plus tôt, un jeune, bien habillé, se tient devant la porte de la société, demande le responsable chargé de l’embauche. Le gardien le conduit vers un bureau. Le chef de service était préoccupé par d’autres tâches. Il ne peut recevoir personne. Le gardien demande au jeune de s’asseoir sur une chaise et d’attendre quelques minutes.
Le jeune s’appelle C.A. Il a vingt-sept ans. Son niveau scolaire ne dépasse pas la neuvième année d’enseignement fondamental. Il est au chômage depuis plus de six ans. Il porte, presque quotidiennement, entre ses mains des demandes d’emploi. Il a déjà travaillé dans une société.
Seulement, il a été licencié quelques semaines plus tard. Depuis, il a commencé à frapper aux portes de n’importe quelle entreprise. Il ne voulait plus rester entre les griffes du chômage et tendre ses mains à ses parents pour demander de l’argent. Il ne supporte plus adosser aux murs de son quartier, causer avec n’importe qui sur n’importe quoi. Il avait des rêves qui n’ont pas été réalisés.
«Viens mon fils, viens, entre…», lui demande le chaouch.
C.A se lève de sa chaise, avance vers le bureau, y entre.
Le chef de service n’est autre que T.S. Il lui demande de s’asseoir sans lever la tête. Il fouillait dans un dossier. C.A reste bouche cousue, attend…
Quelques minutes plus tard, T.S lève ses yeux, regarde C .A, s’adresse à lui : «Ta demande d’emploi». C.A lui livre un papier. T.S lit attentivement son contenu. «Ton niveau scolaire ne te permet pas de travailler chez nous…As-tu d’autres diplômes?…», lui demande-t-il. «Non, non…», balbutie C.A sans ajouter un autre mot. T.S ne lui répond pas, il se contente à froisser le papier et le met dans la poubelle.
Le visage de C.A rougit aussitôt et sort sans dire un mot. «Pourquoi il ne m’a pas rendu ma demande d’emploi ? Pourquoi la jette-t-il dans la poubelle?» s’interroge C.A qui ne peut avaler ce geste qui semble involontaire, mais maladroit.
La scène lui ronge le coeur durant tout le chemin qui le mène chez lui. Il se sent méprisé. Quand il entre chez lui, il a tenté d’oublier ce geste méprisable. Il rentre à la cuisine, prend un couteau et s’achemine vers la société de production de levure.
Il est 18h 15mn, T.S sort du boulot, prend son chemin pour rentrer chez lui. Il est seul. C.A le guette, attend qu’il s’éloigne de son job, le couteau est toujours en sa possession. Qu’estce qu’il pense commettre ?. C.A marche lentement et T.S suit ses pas sans attirer son attention. Quelques secondes plus tard, C.A saute sur T.S, lui assène deux ou trois coups mortels avant de prendre la poudre d’escampette. Mais les passants ne le laissent pas aller plus loin pour l’alpaguer et le mettre entre les mains de la police.

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